Olga Nkolo ex-immigrée au Koweït, raconte le calvaire des camerounaises

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Tue, 14 Nov 2017 Source: cameroon-info.net

Dans un entretien exclusif accordé à Cameroon-info.net, Berthe Olga Nkolo, jeune camerounaise de 30 ans, raconte son calvaire au Koweït dans le Golf. Elle indique que de nombreuses camerounaises sont en souffrance de ce côté.

Question : Vous étiez au Koweït pour tenter de gagner votre vie, mais ça ne s’est pas bien passé. Pourquoi aviez-vous décidé de quitter le Cameroun ?

Olga Nkolo : Je travaillais dans une brocante au quartier Ekoumdoum à Yaoundé. Et j’habitais dans une pièce que j’ai construite au quartier Messamendongo. A l’époque, j’avais un voisin, un certain M. Atangana fonctionnaire de police, en service à la Délégation générale à la sûreté nationale. Il m’avait fait comprendre qu’il a un réseau pour me faire voyager vers les pays du Golf, notamment le Koweït et l’Arabie Saoudite. J’étais réticente au début, car moi je voulais me rendre dans des pays comme la France.

Mais il me fait comprendre que là-bas, je pourrai travailler en touchant un salaire de 600 000 FCFA et continuer mes études en médecine. En effet, j’étais étudiante à l’université de Yaoundé dans la filière Biologie des organismes animaux. Ainsi donc je lui ai cédé ma parcelle de terrain et il m’a fait voyager.

Combien de temps avez-vous passé au Koweït ?

Olga Nkolo : J’ai voyagé par l’aéroport international de Douala le 13 octobre 2015 et je suis revenu le 3 novembre 2017.

Qu’est-ce qui se passe à votre arrivée au Koweït ?

Olga Nkolo : Déjà à l’aéroport, on ne veut presque pas voir des noirs. On récupère votre passeport et on vous parque dans un coin où vous attendez l’agence qui vient vous récupérer. Il s’agit d’offices qui travaillent avec des gens établis ici pour recruter officiellement des ménagères. Mais il s’agit en fait d’esclaves. Pourtant en partant d’ici, on m’avait dit que je vais travailler dans un hôpital. J’ai trouvé là-bas d’autres filles à qui on avait raconté le même mensonge.

Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

Olga Nkolo : Un monsieur de l’agence est venu me prendre. J’y suis arrivée. On m’a dit « ton sponsor arrive ». Il s’agit d’une sorte de famille d’accueil. J’ai attendu pendant deux heures d’horloge. Le sponsor est donc venu et après de brèves présentations, on m’a ramené à la maison. Là-bas, on m’a présenté à la grande la famille. Le sponsor invite ses frères, sœurs et amis pour leur présenter son esclave. Chacun vient vous appréciez.

Pourquoi vous utilisez le terme « esclave » ?

Olga Nkolo : Parce qu’ils nous appellent « Cadama », ce qui signifie esclave. Femme de ménage, domestique, tout ça n’existe pas là-bas. C’est esclave.

Vous avez commencez le travail…

Olga Nkolo : Oui, après les présentations, on m’a demandé de prendre un bain. Question de débarrasser d’éventuels microbes que j’aurais ramenés d’Afrique. Ensuite j’ai mangé et je me suis reposée. D’autres filles n’ont pas la même chance, puisqu’elles commencent le travail immédiatement après leur arrivée.

En quoi consistait votre travail ?

Olga Nkolo : Nous restions dans une maison de quatre niveaux. Et puisque dans cette maison, il y avait une autre esclave que j’avais trouvée, je devais nettoyer deux niveaux. Mais avant de commencer le ménage, vous devez vous occupez des enfants, jusqu’à leur départ pour l’école.

Tel que vous racontez, ça ne parait pas comme un calvaire

Olga Nkolo : Pourtant ça l’était. Vous êtes debout à 4h du matin et vous n’êtes pas couché avant minuit. On ne veut pas vous voir assise, vous êtes tout le temps entrain de travailler. Vous ne sortez jamais, sauf si c’est pour vider la poubelle. Et vous passez le temps à nettoyer la maison. Ce sont de très grandes maisons, je peux vous assurer. Et si à son retour du travail, la propriétaire n’est pas contente, elle vous fait recommencer. Lorsque les enfants sont revenus de l’école, vous mettez une pause à votre ménage pour leur donner à manger. Vous attendez qu’ils s’endorment pour continuer.

Combien de temps avez-vous passé dans cette maison ?

Olga Nkolo : J’y ai fait deux semaines. Après, j’ai prétexté une maladie pour pouvoir retourner à l’agence. De retour à l’office, la responsable, une éthiopienne, m’a demandé pourquoi j’étais revenue. Elle a essayé de me convaincre d’y retourné, mais j’ai refusé. Je lui ai dit que je veux rentrer au Cameroun. Elle m’a alors fait comprendre que je ne peux pas rentrer parce qu’elle m’a achetée, elle a payé le billet d’avion et visa.

S’agit-il d’une forme de traite des êtres humains

Olga Nkolo : Il s’agit de cela. En effet, le sponsor paye à l’agence pour vous acheter. On vous fait venir d’Afrique ou d’un autre continent. Et s’il n’est pas satisfait, il demande à être rembourser auprès de ladite agence. C’est pour cette raison que l’agence refuse de vous voir rentré chez vous. Donc cette dame finit par me convaincre que je vais trouver un sponsor qui va mieux ma traiter.

Vous acceptez ?

Olga Nkolo : Oui, puisqu’au Cameroun, j’avais cédé mon terrain. En rentrant, je perdais tout. J’ai donc essayé une autre maison. Mais cette fois, j’ai posé des conditions. Entre autres au moins trois heures de repos après par jour et le réveil à 8h et non plus 4h. Lorsque l’acheteuse est venue, elle a validé. Nous sommes donc allés chez elle. Ça marchait lors des deux premières semaines. Mais les problèmes ont commencé à la 3è semaine, à l’approche de votre paye.

Combien perceviez-vous ?

Olga Nkolo : En fonction du baril de pétrole, vous touchez entre 130 000 et 140 000 FCFA.

Vous êtes une fois de plus repartie à l’office ?

Olga Nkolo : Oui, quelque temps après, un autre sponsor est venu me chercher. C’était une dame très riche. Chez elle, c’était un autre enfer. Elle vous paye en vous signifiant que vous n’êtes rien. J’étais partie juste pour faire du ménage, mais je suis devenue garde malade. Sa mère était en effet malade. Au bout d’une semaine, je suis rentrée à l’office.

Mais vous ne revenez pas au Cameroun…

Olga Nkolo : Non, parce que la dame de l’office refuse. Elle menace de me traîner en justice parce qu’elle a dépensé sur moi et que je ne travaille pas. Face à mon entêtement, elle m’amène chez elle et me retiens pendant plusieurs jours. La chance que j’ai eue, c’est que j’avais le numéro d’une camerounaise, une certaine Aïcha. Je l’ai contactée, elle m’a mise en contact avec un camerounais, un certain M. Abdallah. Il m’a fait comprendre qu’il n’était plus au Koweït ; il se trouvait déjà au Qatar. Il me met en contact un autre Abdallah, un autre camerounais présent au Koweït. Je l’appelle et il va à l’office. Là-bas, la dame lui répond avec mépris. Il va voir un centrafricain qui travaille à l’ambassade de l’Afrique centrale. C’est ce dernier qui revient le lendemain à l’office et exige que la dame m’amène à l’ambassade le jour d’après. Ce qui est fait. Une fois à l’ambassade, on me confronte à la dame. Et le centrafricain nous explique que nous sommes toutes deux perdantes. Il me fait savoir que c’est la dame qui a tout payé pour moi et que j’ai été victime d’escroquerie dans mon pays.

Et qu’est-ce que vous faites ?

Olga Nkolo : Bien avant, j’avais appelé le père de ma fille au Cameroun pour lui demander de porter plainte au policier qui m’avait fait voyager. Apparemment, il subissait déjà des pressions ici au pays. Le centrafricain l’a appelé et lui a demandé d’envoyer le billet d’avion pour que je rentre. Il a envoyé 600 000 FCFA.

Vous rentrez au pays ?

Olga Nkolo : Non, parce que la dame de l’office me fait comprendre qu’en lui versant l’équivalent d’un million de FCFA, elle me remet mes papiers. J’appelle une tante au Cameroun qui m’envoie 400 000 FCFA que je complète avec les 600 000 envoyés par le policier. Je donne à la dame, elle me remet mes papiers. Par la suite, Aïcha chez qui j’étais allée vivre, me fait rencontrer un sierra-léonais qui devait m’aider à trouver un nouveau sponsor. Ce dernier promet m’établir un visa de deux ans. Il me trouve un travail d’agent de sécurité dans une compagnie. En contrepartie, je dois lui verser l’argent tous les mois jusqu’à ce que j’ai payé toute ma dette. Mais au bout de trois mois, il ne fait rien alors que je lui versais de l’argent. Au 4è mois, j’ai été viré. Et j’ai passé un an sans papiers jusqu’à mon retour.

Et pourquoi décidez-vous de parler aujourd’hui ?

Olga Nkolo : Parce que j’ai vécu l’horreur au Koweït. De nombreuses camerounaises souffrent là-bas comme des esclaves. Lorsque je suis allée vivre chez Aïcha, dans un quartier où se trouvent beaucoup d’autres camerounais-une centaine environ- j’ai vu des filles qu’on avait passées au fer à repasser, qu’on avait violées, une est même morte. Je voudrais donc dire mes sœurs de ne pas s’y rendre. Parce que c’est l’enfer.

Source: cameroon-info.net