Un colloque ouvert hier sur le sujet fait courir les foules
Un amphi plein à craquer. Le sujet en vaut la chandelle. « Religion, rationalité et croyance à la sorcellerie en Afrique : défis théologiques et pastoraux », thème d’un colloque international organisé par l’Université catholique d’Afrique centrale à Nkolbisson qui durera trois jours.
Les arguments sont nombreux pour justifier le choix du sujet. L’abbé Jean Bernard Salla, doyen de la faculté de théologie, cheville ouvrière de l’organisation, cite pêle-mêle des motivations qui touchent le règne de la peur généralisée, la propension au soupçon, le fatalisme, la fuite des responsabilités, la recherche tous azimuts des boucs émissaires face aux échecs et aux malheurs, etc...
A cela, il faut ajouter, dans un contexte africain, un impact réel de la croyance en la sorcellerie sur l’épanouissement individuel et collectif. Le seul fait d’y croire « conditionne les pratiques économiques, politiques et même pastorales », affirme un orateur.
Cette influence pastorale a dû déterminer les initiateurs. Jean Bernard Salla, en parlant de l’opportunité du colloque affirme que: « sur le plan interne, dans nos propres unités de formation, il n’est pas rare que les étudiants soutiennent mordicus l’existence de la sorcellerie, rendant compte de ses effets comme s’ils avaient participé eux-mêmes à des navigations nocturnes. Quelques-uns en parlent avec un niveau de conviction qui ne laisse aucun doute sur leurs options pastorales futures. C’est à peine si on ne décèle pas déjà en filigrane, des vocations précoces d’exorcistes pressés de mener la vie dure au diable ».
Dans ce contexte, on comprend que les attentes soient celles définies par Joseph Ndi Okalla, un des organisateurs : « Que la foi et la raison puissent mieux s’articuler ». Il fonde ces attentes sur le vécu quotidien d’une société africaine où la peur, la violence, les aliénations sont parfois exploitées par des groupes philosophiques et ésotériques.
Leurs gourous en tirent tous les profits par des exploitations malsaines qui ont fini par s’imposer comme un mode de vie, voire un gagne-pain. Et c’est encore l’Abbé Jean Bernard Salla qui fait remarquer qu’avec la croyance de la sorcellerie, tout se passe en Afrique comme si on vivait dans un univers catastrophé avec l’inflation du maraboutisme et des demandes de protection de tous ordres.
On n’a qu’à regarder autour de soi pour constater la prolifération des églises de délivrance, sortes de cliniques spirituelles, dont les "ordonances" sont souvent fatales, hélas ! En face, les églises classiques ne sont pas épargnées par la ruée des « victimes » en quête de prières de guérison, des sacramentaux, de bénédiction.
Le colloque ouvert hier doit aboutir sur l’aspiration à la liberté, la santé, la plénitude, la vie en société, le vivre-ensemble. Tels sont les enjeux de cette rencontre internationale présidée par l’archevêque de Yaoundé, Mgr Jean Mbargae.