Opération Épervier : Joseph Antoine Bell témoigne en faveur de William Sollo

Jean William Sollo

Thu, 25 Aug 2022 Source: Kalara

L’ancien Lion indomptable a été entendu par un huissier pour son implication dans l’un des procès intentés contre l’ancien patron de la Camwater devant le TCS. Il avait donné une habitation en bail à un intermédiaire de la société Camwater dans le cadre de l’exécution d’un contrat de l’entreprise publique.

Les déclarations faites par l’ancien gardien mythique des Lions Indomptables, Joseph Antoine Bell, à travers un exploit dressé par Maître Mbeleck Mbenoun, huissier de Justice basé à Yaoundé, le 16 décembre 2020, pourraient être décisives dans l’un des (quatre) procès intentés devant le Tribunal criminel spécial (TCS) contre l’ancien directeur général (DG) de la Cameroun Water utilities Corporation (Camwater), Jean William Sollo. Ce dernier s’en prévaut en tout cas pour sa défense contre une accusation d’un détournement présumé de 130,2 millions de francs mis à sa charge au sujet du projet de construction de l’immeuble siège de la Camwater mené entre 2012 et 2016. M. Sollo répond de ce grief en compagnie de Christelle Appolin Sidonie Ngambie, promotrice d’entreprises, en fuite.

M. Bell avait été cité dès l’entame du jugement comme témoin de la défense, mais les avocats de l’ancien DG avaient finalement renoncé à le faire comparaître devant la barre au terme de l’audition de M. Sollo lui-même le 10 août 2022, en arguant que son témoignage dans l’exploit d’huissier de justice [lire encadré] était suffisant pour la manifestation de la vérité. Les témoins de l’ancien DG de Camwater ont donc fait admettre l’exploit d’huissier en question aux débats comme pièce à conviction. Pour bien comprendre l’implication de «Jojo» dans cette affaire, il est nécessaire de présenter préalablement les explications de M. Sollo.

Mémorandum d’entente

L’entreprise publique s’était mobilisée via l’entregent de M. Ngambie, pour nouer un partenariat public-privé afin de trouver des financements nécessaires pour la réalisation des travaux de construction de son immeuble siège à Yaoundé. «A mon arrivée à la tête de la Camwater, affirme M. Sollo, j’avais trouvé que mon prédécesseur avait déjà acheté un terrain devant abriter l’immeuble siège». Le site se trouve au quartier Briqueterie à Yaoundé. Parmi les activités préliminaires au lancement de ce chantier, indique M. Sollo, il fallait chercher un intermédiaire pouvant aider la Camwater à trouver un entrepreneur-bâtisseur, chargé de préfinancer l’entièreté des travaux.

C’est de cette façon que l’entreprise de Mme Ngambie avait été retenue. Un mandat spécial lui avait été délivré, lui permettant de conduire à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, une délégation composée d’un avocat, Me Charles Nguini, et le chef de la division de la coopération de la Camwater à l’époque des faits, Christopher Fobeneh, pour trouver l’investisseur recherché. C’est le groupe Ccipl qui avait été choisi. Et un mémorandum d’entente avec la Camwater avait été signé le 6 mai 2014, pour la réalisation du chantier de construction de l’immeuble-siège de Camwater.

Dans le cadre du contrat signé, poursuit M. Sollo, le groupe Ccipl avait fait venir au pays des experts afin de procéder au sondage du terrain. Mme Ngambie avait la responsabilité de prendre en charge le logement de ces experts facturé à la Camwater. «Compte tenu du coût élevé que cela entraînerait si ces experts étaient logés dans un hôtel, déclare M. Sollo, nous avons choisi la solution de les héberger dans une villa sise au quartier Bastos à Yaoundé. C’était l’immeuble de M. Joseph Antoine Bell.» Le contrat de bail allégué, à durée indéterminé pour un loyer de 1,1 million de francs le mois, poursuit l’ancien DG, prenait fin avec la clôture des travaux préparatoires. Et pour la sécurisation du site du chantier dans lequel la Camwater avait déjà construit une barrière, le gardiennage des lieux ainsi que de la «villa des experts» avait été confiée à une autre entreprise de Mme Ngambie.

Dans le témoignage de M. Bell fourni au Tribunal, ce dernier reconnait avoir donné à bail son immeuble à l’entreprise Leader Consulting de Mme Ngambie : «Par la suite, Mme Ngambie, le représentant de cette entreprise, et moi-même avons signé en date du 12 juin 2014 un contrat de bail en bonne et due forme. Elle était réglo au niveau des paiements du loyer convenu», déclare le footballeur. A la question de savoir s’il était au courant que l’entreprise Leader Consulting y logeait des investisseurs étrangers, il donne la réponse suivante : «Oui, je l’ai compris quelque temps après avoir constaté qu’à certaines périodes la concession était abandonnée sans entretien. C’est à ce moment que j’ai été informé qu’elle est souvent occupée par les investisseurs étrangers pour le compte de l’entreprise Leader Consulting et que, lorsque leur séjour s’achève, ils s’en vont et la villa reste inoccupée en attendant l’arrivée d’autres investisseurs.»

Immeuble Ekang

De manière globale, la Camwater avait déboursé les sommes respectives de 12,6 millions de francs au titre d’avance sur les honoraires de Mme Ngambie, 14 millions pour la location de la villa, 28,7 millions pour les études préparatoires et 32,4 millions pour les frais de gardiennage. Pour l’accusation, tous ces paiements sont indus au motif que le site évoqué «n’a jamais été en chantier». Selon les informations recoupées par Kalara, le terrain querellé avait été acheté auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé. Le terrain, tout comme le chantier de Camwater, ont finalement été abandonnés à cause d’un litige foncier opposant la mairie de Yaoundé à plusieurs familles dans les lieux. Et c’est sur ce site que M. Amougou Belinga, promoteur du Groupe l’Anecdote, vient d’ériger l’immeuble baptisé Ekang, qui abrite officiellement le siège de Vision 4 Télévision SA.

L’autre grief fait à M. Sollo est d’avoir autorisé un paiement d’un marché de 42,3 millions de francs au profit d’une autre entreprise de Mme Ngambie pour la fourniture du matériel hydraulique. L’accusation critique le paiement au motif qu’il aurait été fait sans la preuve de la livraison de la commande, et la preuve du contrat serait introuvable, alors que les références des documents et des opérations figurent dans les livres comptables de la Camwater. Dans cette procédure, en dépit des relances faites par sommation d’huissier, les dirigeants de la Camwater ont refusé d’authentifier la plupart des documents dont se prévaut M. Sollo pour prouver son innocence. En détention provisoire depuis mars 2018, l’ancien DG écoutera le réquisitoire final du parquet le 5 septembre.

Source: Kalara