L’homme à tout faire et à trop faire du gouvernement est au cœur de plusieurs dossiers brûlants, pour lesquels un séjour à Kondengui lui semble garanti.
Quelques confrères ont tenté, ces derniers jours, de voler au secours du ministre de l’Économie, du Plan et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Louis Paul Motaze, empêtré dans le scandale des indemnisations des populations impactées par le chantier de construction du port en eau profonde de Kribi. Il va certainement lui falloir plus pour se tirer d’affaire, tant les faits semblent têtus.
Et pas seulement pour le président du comité de pilotage et de suivi dudit projet de complexe industrialo-portuaire, mais aussi pour les multiples gestionnaires qu’il a judicieusement postés au sein de l’organe.
Ainsi que nous l’indiquions voici peu, les 14 personnes actuellement en détention à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui, dans le cadre de cette affaire, apparaissent pour bien d’observateurs comme de vulgaires lampistes, si l’on s’en réfère à la chaîne de prise de décisions autour des dédommagements qui portent – tout de même – sur plusieurs milliards de Fcfa. Comment Louis Paul Motaze compte-t-il donc dégager sa responsabilité de ces tripatouillages financiers ?
Et il n’est pas le seul dans le pétrin des procédures alambiquées du complexe industrialo-portuaire. Autour de «double cerveau» en effet, on retrouve Pascal Anong Adibimé et Jean Baptiste Beleoken, anciens ministres des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières
(Mindcaf) et l’actuelle titulaire du poste, Jacqueline Koung à Bessike. Sans oublier l’ex-gouverneur de la région du Sud, Jules Marcellin Ndjaga ou encore l’ancien Minepat, Emmanuel Nganou Djoumessi et l’ancien secrétaire général des services du Premier ministre, Jules Doret Ndongo, aujourd’hui l’un des patrons de la Territoriale. Tout ce beau monde sera cuisiné dès ce jour par les officiers de police judiciaire (Opj) du Tribunal criminel spécial (Tcs), même si le lieu n’a pas été précisé. Nos sources rapportent néanmoins que les endroits et les horaires seront tenus secrets, pour des besoins bien compris d’efficacité.
Selon des sources proches du dossier, plusieurs de ces dignitaires avaient déjà été auditionnés sur le même sujet par le Tcs dans le cabinet du ministre d’État en charge de la Justice, garde des Sceaux, Laurent Esso. La discrétion, note-t-on, semble ainsi être le maître mot lors de ces enquêtes touchant de hautes personnalités de la République.
Ce fut le cas avec l’actuel ministre de l’Eau et de l’Énergie (Minee), Basile Atangana Kouna, qui selon les mêmes sources a été convoqué en tant que témoin dans le cadre d’une plainte contre x déposée par le ci-devant directeur général de la Cameroon water utilities corporation (Camwater), Jean Williams Sollo. Le «Blanc d’Akono», apprend-on, dans le souci de couvrir ses propres turpitudes managériales, était allé farfouiller dans la gestion du regretté directeur général de la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec), Clément Oubouh Fegue. Ce fut aussi le cas avec l’ex-ministre des Transports, Robert Nkili et un lointain prédécesseur aujourd’hui aux Tourisme et Loisirs, Bello Bouba Maïgari, qui devaient répondre de l’acquisition à problèmes d’aéronefs de fabrication chinoise MA-60.
Casse-tête chinois
Le Minepat est également cité dans le dossier des détournements au Programme national de développement des infrastructures sportives.
Pour revenir à Louis Paul Motaze, il faut souligner que les dossiers compliqués ne cessent de s’accumuler sur sa tête. En dehors de Kribi, il sera, apprend-on, rattrapé par d’autres détournements autour du Programme national de développement des infrastructures sportives (Pndis). C’est en effet le Minepat d’alors qui a été habileté, par décret du chef de l’État du 2 novembre 2009, à signer avec Export-Import Bank of China un accord de prêt pour le financement partiel du projet de construction des stades de Bafoussam et Limbe, pour un montant de quelque 18 milliards de francs. Un accord finalement signé le 5 du même mois par le Minepat et l’ambassadeur de Chine au Cameroun, Huang Changqing.
À la suite de moult tripatouillages, le comité interministériel de supervision du Pndis sera finalement dissout par le Premier ministre Ephraïm Inoni, entraînant ainsi l'arrêt de tous les chantiers engagés par le gouvernement.
Au passage, la partie chinoise commence à soupçonner des détournements de fonds portant sur plus de 85 millions Fcfa. Parmi les autres personnalités impliquées dans l’affaire, l'ancien ministre des Sports et de l’Éducation physique, Augustin Edjoa et l’ex-ministre délégué aux Finances, en charge du Budget, par ailleurs promoteur de Société civile et immobilière l'Afamba (Socia), agréée en juillet 2007 par M. Edjoa et qui, comme par hasard, s’est rapidement engagée dans la recherche des financements du… Pndis.
Le 24 décembre 2008 le directeur général de China Machinery Engineering Corporation (Cmec), Li Huaijun, en charge des projets de construction des stades omnisports de Yaoundé (60.000 places) et Douala (50.000 places), envoie un message qui ne souffrait d’aucune ambiguïté à M. Melingui : «Please check amount of your payment, it falls short of down payment. The correct amount of down payment is Euro 24,557.740.76. While your payment is Euro: 24430443.15, the balance in Euro is 127 297, 61.»
Autrement dit, un différentiel de près de 85 millions de francs avait été constaté. Dans le même temps, le partenaire chinois invitait les autorités camerounaises à clarifier la situation et à tenir leurs engagements. À ce jour, le dossier Pndis continue de pendre au nez des Motaze, Melingui et autre Edjoa. Qui vivra verra !