Les eaux des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest sont depuis quelques années le territoire de conflit entre pêcheurs artisanaux et exploitants industriels. Est-il possible de créer un cadre sain où pêche industrielle et pêche artisanale cohabitent ? Si oui, comment ?
Chaque jour, au petit matin, on peut observer à partir des plages de Yoff au Sénégal, Gbessia en Guinée ou Rosso en Mauritanie, des pêcheurs braver les vagues avec leurs pirogues à la quête de poissons de plus en plus difficile à trouver. Ils indexent principalement la mauvaise pratique de pêche des industriels.
« Parce qu'à l'origine, ce sont des zones très productives, étant donné les conditions climatiques, ce qui attire en quelque sorte les navires de pêche industrielle », explique Dr Aliou Ba, responsable de la campagne Océans chez Greenpeace Afrique.
« Les navires de pêche industrielle causent des dégâts énormes aux pêcheurs artisans. Il arrive que des bateaux pénètrent dans la zone des six miles qui, comme vous le savez, est une zone d'évolution des pirogues », renchérit Moussa Mbengue, secrétaire exécutif de l'association ouest africaine pour le développement de la pêche artisanale.
Les conséquences peuvent alors être dramatiques, allant de la destruction de filets de pêche, d'embarcations, jusqu’à provoquer des accidents, dont certains mortels. « On constate de plus en plus une présence de plus en plus nombreuse de navires de pêche industrielle qui interviennent en Afrique de l'Ouest sur la base d'accords de pêche avec l'Union européenne », poursuit Moussa Mbengue.
Il faut ajouter à cette liste les navires qui bénéficient d’autorisations d’affrètement de la part des Etats et, encore plus préoccupant, les bateaux pirates qui échappent à la surveillance des pays et s’emploient à voler les ressources halieutiques.
« Ce qui se manifeste par des difficultés d'accès aux poissons de la part de ces pêcheurs artisans, ce qui affecte la rentabilité de leurs activités, donc contribuant également à leur appauvrissement » conclut Mbengue.
Mais quelle solution à long terme peut-on envisager pour que la pêche artisanale et la pêche industrielle puissent cohabiter de manière équitable ?
Les autorités guinéennes élaborent et rendent public chaque année un plan national de la pêche. Conçu par le ministère de la Pêche, ce document définit les contours d'une exploitation judicieuse et viable des ressources halieutiques au bénéfice des couches laborieuses guinéennes.
Le 27 mars dernier, le gouvernement guinéen a pris une mesure interdisant, et ce jusqu’au 22 avril, l’exportation du poisson sous toutes ses formes. Une décision qui selon le communiqué du ministère des pêches et de l’économie maritime visait à soulager le panier de la ménagère et à rendre disponible le poisson en quantité suffisante durant le mois de Ramadan.
Elle dit fournir aussi des vedettes équipées aux commissions de surveillance pour les aider à mieux s’acquitter de leur tâche.
Au-delà de son impact économique, la pêche revêt aussi une dimension sociale et culturelle forte dans sa pratique artisanale chez les populations côtières.
La coexistence de la pêche artisanale et industrielle en Afrique de l'Ouest est donc un enjeu crucial pour la protection des ressources halieutiques et la préservation des moyens de subsistance des pêcheurs.
Des mesures doivent être prises pour réglementer la pêche artisanale et limiter l'accès à la ressource pour les navires de pêche industrielle. Le renforcement des capacités de contrôle des Etats côtiers est également crucial pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.