Palais d'Etoudi : Ferdinand Ngoh Ngoh, d’échecs en échecs

Ferdinand Ngoh Ngoh, d’échecs en échecs

Wed, 15 Dec 2021 Source: Le Messager

Porté au Secrétariat général depuis dix ans, l’homme qui a puisé les sources de sa puissance entre milieux économiques et politiques, jouit aujourd’hui d’une grande parcelle de pouvoir à lui concédée par le Chef de l’Etat. Seul hic, le magistère du natif de Minta est noirci par une succession d’insuccès et de scandales à n’en plus finir.

Dans les entrailles de la colline d’Etoudi, qui abrite le palais présidentiel, Ferdinand Ngoh Ngoh est un homme craint. Un personnage redoutable qui, loin de forcer simplement le respect, règne sans partage sur ce domaine où à force de se frotter au pouvoir, il est devenu « l’homme le plus puissant du Cameroun » pour reprendre certains analystes, convaincus que le ministre d’Etat/Sgpr mérite parfaitement son patronyme de « Vice-dieu ».

Cette réputation qui ne l’émeut guère, n’est pas pour autant le fruit d’un travail acharné ou la juste récompense de la longue expérience acquise dans le sérail. Que non ! C’est davantage grâce à l’influence dont il jouit aujourd’hui.

Si beaucoup soutiennent qu’il doit cette overdose de popularité à Paul Biya qui a délibérément fait de lui un «roitelet », il reste vrai que le diplômé de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) a la mainmise sur tous les dossiers clés du pays. Ne s’est-il pas lui-même taillé un costume taille patron à travers ses récurrents « sous hautes instructions du président de la République » dont il se sert pour démontrer que ses actes ont l’onction du « père de ta Nation » ?

A preuve, il contrôle l’Armée puisque les différentes notes et rapports du ministre délégué à la présidence de à la République chargé de la Défense passe par lui avant d’atterrir sur la table du Chef de l’Etat. Il commande la Gendarmerie nationale parce que disent certaines langues, l’actuel Secrétaire d’Etat à la défense Galax Landry Etoga lui doit sa promotion. Il en est de même du Directeur général des renseignements généraux, le divisionnaire Maxime Eko Eko qui légalement remet en premier ses fiches au Minetat/Sgpr.

Certes l’expérience de la gestion du pouvoir sous l’ère Biya depuis 39 ans, a toujours voulu que le Sgpr soit des ministres d’Etat ; Titus Edzoa l’a été, Marafa Hamidou Yaya, Jean Marie Atangana Mebara, Laurent Marie Esso et aujourd’hui Ngoh Ngoh. Celui qu’on présente comme le protégé de la Première dame ne boude aucun plaisir lorsqu’il s’agit d’être boulimique.

La bataille perdue de la Fécafoot

Rendu à l’heure du bilan, dix ans après son accession au secrétariat de la présidence de la République, celui qui a occupé les fonctions de Premier conseiller de la mission permanente du Cameroun auprès des Nations- Unies, ne peut pas prétendre avoir la faveur des suffrages. Le magistère de ce dernier étant essentiellement constitué de scandales et d’échecs à répétition. C’est le cas du cuisant revers qu’il vient d’essuyer à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot).

Vertement opposé à la candidature de Samuel Eto’o pour qui il n’a jamais eu de l’admiration, le Minetat/Sgpr a assisté impuissant au triomphe de l’ex capitaine des Lions indomptables devant son challenger Seidou Mbombo Njoya qu’on voyait logiquement rempiler parce que crédité des soutiens à Etoudi au premier rang desquels Ngoh Ngoh.

Aidé dans son combat contre le quadruple Ballon d’or africain par le très poussif Paul Atanga Nji, le fils de la Haute-Sanaga n’a pas vu venir le sacre du goléador. C’est peut-être ce qui l’a poussé à annuler les réjouissances prévues pour célébrer ses 10 ans à la tête du Secrétariat général de la présidence de la République, telles que l’attestent certaines sources dignes de foi.

Olembegate

Autre cuisant échec du Minetat/Sgpr, le tonitruant Stade d’Olembé. Au palmarès des chantiers qui vibrent au rythme des mouvements d’humeur, l’infrastructure d’une capacité de 60 000 places s’adjuge paisiblement le maillot jaune.

Avec au total plus d’une vingtaine de grèves depuis la pose de la première pierre, plus un jour ne passe sans qu’il y’ait du grabuge sur le chantier de construction de ce qu’on baptisait jusqu’à très récemment « stade Paul Biya », situé à un jet de pierre du palais présidentiel à Etoudi.

Entre l’incertitude autour des travaux de finition du gros œuvre, l’aménagement des voies d’accès qui stagne, les tensions de trésorerie et les ouvriers qui réclament le paiement des mois d’arriérés, l’entreprise canadienne Magil, qui se plaint sous cape de manquer de financements, a plusieurs fois menacé d’abandonner le chantier.

La Can salée de 2019

La faute à Ngoh Ngoh et ses réseaux mafieux (Ayem Mauger et Séraphin Magloire Fouda Ndlr) qui ont mis sur place la très controversée « Task force », laquelle a englouti des milliards de Fcfa sans jamais réussir à livrer le stade. Sa récente visite annoncée sur le chantier et sa supposée colère à l’endroit du constructeur, n’étaient en réalité qu’une énième parade, un simulacre de pression puisque jusqu’à ce jour, le stade n’est pas réceptionné.

Très à l’aise dans la peau d’un pyromane- pompier, le Vice-dieu, en mission pour s’assurer que les infrastructures construites et en cours de construction répondent au cahier de charge défini par la Confédération africaine de football (Caf) ; rassurer les autorités de la Caf, de la Fédération internationale de football association (Fifa), la communauté nationale et internationale, de la disponibilité effective de toutes les infrastructures retenues pour la Can 2021, de la capacité du Cameroun à organiser des compétitions internationales d’envergure, ne s’est-il pas vu vénéré tel un Emir ?

N’est-ce pas toujours lui qui est à l’origine du bricolage, des replâtrages et de l’enfumage qu’on a présenté en mondovision ? Entre trouver des moutons noirs ou des boucs émissaires, sacrifier le désormais ex ministre des Marchés publics à l’autel des guerres de réseaux, Ngoh Ngoh et ses suppôts tapis au sein du gouvernement, sont les artisans du retrait de la Can au Cameroun en 2019 sous la très policée appellation « glissement ».

Covidgate

Eternels insatiables, au début de la pandémie à Covid-19, Ngoh Ngoh et Ayem Mauger n’ont-ils pas convaincus Paul Biya de la mise sur pied, d’une « Task Force » dans la lutte contre la pandémie /Laquelle Task Force pilotée depuis la présidence de la République n’est plus seulement une structure décisionnelle mais opérationnelle.

La suite, on la connaît. Les atermoiements autour de la publication du rapport de la Chambre des comptes et la tragédie des boucs émissaires. Homme inconnu à son arrivée au Sgpr, celui qui s’est publiquement impliqué dans la libération de la famille Moulin Fournier, (où il est allé accueillir celle-ci au Nord sorti des griffes de Boko Haram), a pris des galons.

Puis l’influence à commencer à s’accroître lorsque les préparatifs de la Can et les hautes responsabilités à lui confiées, ont fait germer dans son esprit, des appétits de pouvoir.

Neutraliser le clan Bulu

Dans la foulée, les pôles de conflit où le vice Dieu s’oppose à Louis Paul Motaze, Beti Assomo, Alamine Ousmane Me y et surtout le redoutable Laurent Esso, présenté comme le monstre froid. Déterminé à couler toutes ces hautes personnalités de la République, l’homme ne fait l’économie d’aucun stratagème pour parvenir à ses fins.

Même si à la fin, le fantôme de l’échec ne cesse de le hanter. Vient se greffer à cette série de guerre de leadership, la procédure initié contre Edgar Alain Mebe Ngo’o qu’il a subrepticement écarté de la voie royale au même titre que tous les autres fidèles de Paul Biya.

A travers des manœuvres souterraines dont lui seul en a le secret, Ngoh Ngoh à qui d’importants moyens financiers sont confiés, met tout en œuvre pour neutraliser ses adversaires du clan Bulu. N’a-t-il pas ouvert le front de guerre avec le Directeur du cabinet civil et Motaze ?

D’où les révélations sur la très tumultueuse affaire Amougou Belinga. On le voit donc, en dix ans au secrétariat général de la présidence de la République, l’homme s’est accaparé de tout, noyant au passage tous les grands projets qu’il a confiés à ses amis et copains acquis à sa gloire. On peut citer à la pelle, l’hôtel du Lac municipal, le complexe sportif d’Olembé, le Covidgate, l’affaire des passeports à la Délégation générale de la sûreté nationale (Dgsn). Un bilan pour le moins catastrophique.

Source: Le Messager