Il ne faut pas attendre grand-chose de la visite prochaine de François Hollande au Cameroun. L’actuel président français, durant sa campagne électorale, avait promis de rompre avec la Françafrique, mais rien ne prouve qu’il sache lui-même ce que signifie ce terme. Interrogé par le quotidien Le Jour en kiosque ce mercredi 1er juillet 2015, Thomas Deltombe plonge avec les lecteurs aux racines mêmes de la Françafrique à travers la guerre occultée qu’a menée son pays au Cameroun dans les années 1950 et 1960.
Le journaliste et essayiste français confie à son confrère Jean Bruno Tagne : « Si le silence continue aujourd’hui, alors que cette guerre est maintenant bien documentée, c’est parce que ce conflit est au cœur de ce qu’on appelle la Françafrique (…) Cela reviendrait à avouer que l’indépendance que Paris a soi-disant offerte à ses anciennes colonies était trompeuse : derrière cette indépendance, la France a tout fait pour maintenir sa domination sur ses anciennes colonies en faisant signer à leurs dirigeants, dont certains secrets, qui sapaient leur souveraineté »…
Pour cet auteur, cette guerre d’indépendance a ses effets jusqu’à nos jours. Récemment, deux députés français, Philippe Baumel et Jean Claude Guibal parlaient du régime Biya comme d’un « régime illégitime », ces mots ont été censurés par Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, au nom des « intérêts de la France » qu’il ne faut pas « fragiliser ».
Thomas Deltombe est formel: «En imposant à Yaoundé un régime pro-français, Paris a empêché les Camerounais de choisir leur destin».
Selon lui, l’Union des populations du Cameroun (UPC) était même plus respectueuse des lois que l’Etat français : « L’UPC était très légaliste, elle cherchait à obliger Paris à se conformer aux textes internationaux que la France avait elle-même signés (…) C’est parce que les autorités françaises savaient qu’elles risquaient de perdre le combat sur le terrain diplomatique qu’elles ont lancé des opérations militaires sur le terrain camerounais, obligeant par conséquent les résistants « kamerunais » à prendre les armes ».
À l’occasion du passage de François Hollande au Cameroun, Thomas Deltombe rêve de voir des journalistes lui poser « frontalement les questions qui fâchent ». Même s’il va probablement les balayer avec des formules du type « Il faut que les historiens fassent leur travail »…