A la faveur d’une interview à PRC TV, le ministre de l’Administration territoriale (Minat) règle ses comptes en s’en prenant vertement à la mémoire d’Anicet Georges Ekane.
Tout était réglé avec la précision d’une horloge suisse. A la manœuvre, un éditorialiste retraité de la CRTV, reconverti à la propagande d’État. Au menu, un sacré client. Expert dans l’art de la rhétorique politique violente et ses détracteurs ajouteront, grand maître de la manip et du langage ordurier. Un ministre ne parle pas comme ça.
Atanga Nji dénie à Anicet Ekane les qualités de martyr ou de héros. Fidèle à ses méthodes, il s’emploie à polir l’image de son maître politique et de la première dame dont il vante l’humanisme débordant. C’est au titre de cet humanisme qu’il a volé au secours d’Anicet Ekane en détresse au CHU où il était à l’article de la mort il y a un an. Au passage, il a tenu à celui qu’il présente non pas comme un ami, mais plutôt comme une connaissance, le langage de la fermeté et de la vérité : « Toute votre vie, vous avez fait le désordre et vous vous êtes toujours retrouvé du mauvais côté de la République ».
Le film de l’horreur se poursuit. Anicet Ekane comme par miracle, se relève de son hospitalisation, n’est pas reconnaissant envers son bienfaiteur et commet même le crime de lèse-majesté d’apporter son soutien d’abord à Maurice Kamto, puis à Issa Tchiroma. La machine à broyer les destins se met en branle. Il faut lui faire payer cet affront et cette ingratitude.
Le rapport du Minat adressé à Elecam lui dénie tout droit de se prévaloir de la qualité de légataire du Manidem. Yebga comme un loup, est sorti du bois. Anicet ne se laisse pas compter. Il jette son dévolu sur Issa Tchiroma. Trahison suprême, le soir même du 12 octobre, Anicet Ekane reconnaît la victoire de ce dernier à l’élection présidentielle. Pour les sbires et les sicaires du pouvoir, s’en était trop. La suite, on la connaît.
Atanga Nji, au mépris de la compassion chrétienne dont il se réclame, s’en prend à un homme privé de soins adéquats, acculé à la mort à petit feu, pour avoir cru aux vertus de la démocratie. On découvre l’humanisme à rebrousse-poil des prédateurs qui se cachent sous les grands principes de la République pour affamer le peuple, l’émasculer et le réduire à la mendicité par l’effondrement général des besoins primaires. Se soigner est devenu une gageure même pour la classe moyenne.
Cette « violence symbolique » qui active sur les leviers du chantage, de la peur et de la compromission, est bien mise en exergue par Atanga Nji dans cette interview. On découvre à la fois le laudateur et le manœuvrier, barbouzard aux entournures, qui en 1992 déjà, alors qu’on ne lui reconnaissait aucune fonction officielle, dit avoir travaillé aux côtés de Jean Fochive contre Issa Tchiroma, Anicet Ekane, Djeukam Tchameni et autres, pour contrer leur plan de déstabilisation du Cameroun.
Comble de cynisme et d’indécence, l’on veut faire croire qu’Anicet Ekane a été bien traité pour n’avoir pas été enchaîné au regard de la gravité des faits qui lui étaient reprochés. L’ordre des avocats peut bien pérorer sur les vices de procédure et le mépris de la présomption d’innocence. Cette mort est un message qu’il va falloir décrypter pour démonter les ressorts des joutes politiques qui se profilent dans la perspective du scénario de la fin.