Le chef de l’Etat, chef des Armées a décidé, selon nos informations, de décorer à titre posthume l’inspecteur de police principal Lade Elie, qui a entrepris, au péril de sa vie, de désarmer les kamikazes qui ont perpétré les attentats de Mora dimanche dernier, faisant 5 morts.
Une décision qui tomberait, si elle se vérifiait, comme la reconnaissance officielle de l’Etat à un héros dont le nom s’inscrira désormais au panthéon de la nation, à côté de ceux d’autres martyrs, dont le sacrifice est célébré et entretenu.
Ce faisant, Paul Biya envoie un message clair, et montre la voie à suivre : cette guerre sans merci contre Boko Haram ne sera pas gagnée sans l’engagement, la collaboration pleine et entière de toutes les forces vives. Et lorsque celles-ci s’impliquent jusqu’au sacrifice suprême, elles doivent recevoir l’hommage des héros.
Il faudra donc continuer à rendre hommage aux héros ordinaires de cette guerre d’usure. En scrutant, avec du recul, Kolo Fata, Fotokol, Kerawa, Maroua et Mora , localités jusque-là paisibles mais toutes subitement gangrenées par la morsure terroriste et son lot de violences, de sang et de morts, les Camerounais ont dû se rendre à l’évidence : le combat contre l’obscurantisme sera long et difficile.
Et il faudra décidément de la patience, de la foi en notre armée et en nos dirigeants, de la cohésion et encore de la cohésion, pour en venir à bout. En Europe, les nationalistes et les séparatistes jalonnent encore leurs pays d’explosion. Au Nigeria, au Kenya, au Mali, au Niger, au Tchad, au Yemen, en Syrie, les djihadistes sèment quotidiennement la terreur. Pourtant la vie doit continuer.
En déclarant à notre pays cette guerre étrange, sans champ de bataille défini, sans codes, sans ennemis identifiables, et pire, sans motivation sérieuse et justifiable autre que « l’éducation occidentale est sans objet », les théoriciens de Boko Haram, s’ils existent et leurs émules, se donnent une longueur d’avance. Car aucun pays, aucune armée normalement constituée ne sait trouver la parade immédiate contre un ennemi qui joue à la perfection un jeu macabre, le jeu des ombres.
Pourtant, face à cette hydre, le Cameroun est loin d’être désarmé. Le caractère spectaculaire et mortifère des attentats charrie certes de fortes doses d’adrénaline et est de nature à ébranler le moral des populations. Mais l’émotion ne saurait faire oublier que le Cameroun dans cette bataille dispose d’armes de poids à faire valoir, aux plans militaire et sécuritaire, cela dit sans forfanterie aucune.
Ce qui se passe dans cette conjoncture si particulière, c’est que les terroristes profitant de l’homogénéité physique et humaine entre l’est du Nigeria et le nord du Cameroun, jouent à leur jeu favori : ceinturer les adolescents de bombes et les faire exploser dans les marchés pour provoquer des électrochocs dans l’opinion, semer la peur-panique.
A vrai dire, ces attentats, aussi durs qu’ils puissent paraître à nos esprits et à nos cœurs ébranlés, ne traduisent pas du tout un rapport de force en faveur de la barbarie terroriste. Ils sont simplement destinés, et c’est la raison d’être même du terrorisme, à faire du bruit et à semer la terreur. Comme un cancer qui vous ronge jusqu’à la moelle, mais dont votre médecin possède la thérapie, et qu’il vous applique, lentement, mais sûrement.
Alors, de grâce, ne jouons pas le jeu de barbares. Le véritable risque consiste pour les Camerounais à sombrer dans la peur et le doute, ou à banaliser cette infâme violence qui s’abat injustement sur nos frères ; au point de nous y habituer. Pire, au point de l’oublier.
Il paraît évident que la meilleure manière pour nous tous, citoyens ordinaires et moins ordinaires, de rester présents et concernés, dans cette guerre, et d’exprimer notre solidarité avec le chef des Armées, les soldats, et nos concitoyens de l’Extrême Nord, c’est en dehors des milliers de prières élevées ici et là, de fêter les nombreux succès qui jalonnent néanmoins cette terrible nuit.
C’est la voie pavée par le chef des Armées qui n’a de cesse de magnifier la bravoure des soldats, et aujourd’hui le courage d’un officier de police. Ainsi donc, le moindre attentat déjoué, la moindre information fournie par des patriotes, la moindre tentative d’auto-organisation des populations en groupes de vigilance et d’auto-défense, doit être connue, amplifiée, soutenue, célébrée.
Et que dire des hommes et femmes de l’ombre dans la vie ordinaire, mais projetés soudain à la lumière et à l’admiration de tous par leurs actes spontanés d’héroïsme ? Que dire de ces fonctionnaires, paysans, étudiants, chevaliers au grand cœur, qui n’hésitent pas à payer de leur vie pour sauver des dizaines d’autres, alors qu’ils ont le loisir de fuir la mort à toutes jambes ?
Nous avons envers ces héros un devoir d’hommage sans aucun doute. Même lorsqu’ils sont morts, car ils meurent au nom de la dévotion patriotique. C’est le cas de Lade Elie, inspecteur de police principal, mort pour le Cameroun, dont nous avons devons tous être fiers, et dont la famille éplorée doit recevoir les marques concrètes de cette reconnaissance.
C’est le cas d’autres anonymes, qui fournissent des informations précieuses à l’Etat, qui persuadent les jeunes de rester à l’écart de ce funeste commerce, qui prêchent une pratique apaisée de la religion. Sachons partout les reconnaître, et les magnifier. La grande Histoire du Cameroun s’écrit aussi avec les actions remarquables des hommes simples, comme Lade Elie, qui s’inscrivent dans la prospérité comme des modèles. Des héros.