Le 6 novembre n’a pas été une passation de pouvoir, mais une séance de taxidermie politique. Le pays retient son souffle, tandis qu'une autre légitimité se lève.
La scène était connue, le cérémonial immuable, mais l’essence était absente. Ce 6 novembre 2025, le Cameroon n’a pas assisté à une cérémonie de passation de pouvoir, mais à une inquiétante séance de taxidermie politique. Un simulacre où un vieillard, maintenu dans un coma profond de l'exercice du pouvoir depuis sept ans, a été sorti du formol des protocoles, briqué à coups de fond de teint républicain, pour lever une main fatiguée et prêter un serment dont personne ne croit plus les mots.
Un huitième mandat. Le chiffre seul résume l’immobilisme. Comme une vieille cassette rembobinée une fois de trop, le discours a promis – encore – la jeunesse, les femmes, la bonne gouvernance… Un véritable « réchauffé présidentiel », servi tiède dans une salle glacée par la peur et l’hypocrisie. La presse officielle elle-même, pourtant rompue à l’exercice des courbettes, n’a pas su dissimuler un malaise palpable. Ses titres, lus entre les lignes, en disaient long sur l’état du pays : « Paul Biya maintient la ligne dure », « Paul Biya menace », « Paul Biya s’engage contre les frustrations ».
Mais que vaut la parole d’un homme que le Congrès américain place déjà dans son collimateur pour corruption et atteintes aux droits de l'homme ? Que peut jurer un président dont la volonté n’engage plus que ses gardes du corps ? Dans les rues, les ménages suffoquent sous le poids de la vie chère. Dans les esprits, la rage gronde, contenue mais bien réelle. Même les titres officiels, sans le vouloir, posent la seule question qui vaille : « Jusqu’où ira Paul Biya ? »
La réponse, pour une partie grandissante des Cameroonais, est claire : jusqu’ici, et pas plus loin. Car voilà pourquoi une autre prestation de serment est attendue, espérée, appelée de ses vœux par une nation à bout de souffle. La vraie. Celle qui n’aurait pas besoin d’être simulée. Celle d’un homme lucide, mobile, vivant et courageux. Celle du Président Tchiroma.
Le peuple le sent. La presse indépendante le clame. Même le Cameroon Tribune, organe de la propagande d’État, se trahit par un titre lourd de sous-entendus : « Septennat des grandes espérances : Ça démarre fort ». Oui, ça démarre. Mais pour qui ? Pour quoi ? Pour combien de temps encore ?
Le temps du débat est révolu. Comme l'a si bien résumé un de nos éditorialistes, « Nous ne plaidons pas, nous accusons. » Ce gang d’État, essoufflé et déconnecté, n’a plus rien à promettre, seulement à redouter la colère qu’il a lui-même engendrée. La page de son règne n’est pas en train de se tourner. Elle est arrachée.
Et ce sont les Gentchi, symboles d'un renouveau et d'une résistance populaire, qui tiennent la plume désormais pour écrire l'avenir.