L’auteur présenté du mémorandum du Mfoundi réagit à son exclusion par les élites de son département. Émile Onambélé Zibi a accordé une interview à La Nouvelle Expression (LNE) en kiosque ce 20 octobre 2016. Le patriarche du Mfoundi n’est pas du tout intimidé.
Question: Ce 18 novembre 2016, 44 familles Mfoundi se sont réunies au Cercle Municipal de Yaoundé pour réitérer leur soutien au Chef de l’État. Au terme de cette concertation, elles ont décidé de vous suspendre pour une durée d’un an. Quel est votre commentaire
Onambélé Zibi: Ils n’ont pas qualité à m’excommunier, comme ils disent qu’ils me mettent sous quarantaine. Moi j’appelle ça «excommunier». Ils ne peuvent pas. Parce qu’il n’y avait aucun patriarche là-dedans et le Mfoundi est divisé en trois. Il y a les élites qui ont une association légalisée, il y a les patriarches et il y a les Chefs traditionnels. Celui qui présidait hier n’est ni élite ni patriarche. En plus pour mettre un patriarche sous huitaine, ça ne se passe pas dans les salons de la Communauté Urbaine. Il y a des arbres à palabre ici. Comme à l’Ouest, il y a des maisons où on parle. Je ne crois d’ailleurs pas qu’un notable peut parler à un chef là-bas à l’Ouest. C’est la même chose ici.
Quand on dit que Mfoundi est mystique, ça part d’ici. (NDLR Domicile du patriarche). C’est comme les maisons sacrées à l’Ouest; ils le savent tous. Ils font du Cinéma, de la gesticulation. Nous n’avons pas adressé de lettre ouverte au chef de l’État. Encore moins un mémorandum. Ils s’agitent parce qu’ils savent que nous ne sommes pas en harmonie. Ils ont peur de ce que nous allons dire au Chef de l’État. C’est la seule crainte là-dedans. Nous ne sommes pas dans les sectes. Ils sont dans tout ce qu’il y a comme secte là dehors.
Nous, on ne cherche plus d’emploi. Nous ne parlons plus pour nous-mêmes, mais pour ceux qui n’ont pas de voix. Mais eux, ils parlent pour eux-mêmes, parce qu’ils cherchent encore des places au pouvoir. Cette fameuse lettre qui circule, est-ce que les soit disant élites ne la connaissent pas ? Est-ce qu’ils ne connaissent pas cette lettre qu’ils veulent imputer aux patriarches ?
Quel sens donnez-vous donc à leur décision ?
Onambélé Zibi: C’est du n’importe quoi. Dans la tradition même, ça ne se passe pas comme ça. Ils ne savent même pas de quoi il est question. Dans la tradition, vous ne pouvez pas exclure quelqu’un d’une famille. Ça se passe dans la famille, pas dans un meeting du RDPC. Il s’agissait de quelle famille là-bas ? Ils disent que le Mfoundi a 44 familles. Est-ce qu’il y a 44 familles ici ? Parce que les Mvog Atangana, les Mvo Betsi, les Mvog Atemengue sont issus d’un mariage polygamique, ils appellent ça famille ? Le saviez-vous ? Nous sommes issus d’un mariage polygamique, ça s’appelle famille ?
Il faut qu’ils cessent de tromper les gens. Parce que vous ne comprenez rien. Ils ont peur de quoi ? Nous disons qu’ils ne rendent pas compte au chef de l’État. Ils ne disent pas ce que le peuple dit. Ils ne transmettent rien. Voilà. Je prends un exemple: un membre du gouvernement qui habite à côté d’une école dans son village, la toiture s’envole. Pendant un an, il pleut sur les enfants, il est là. Je dis l’école de son village. Regardez la route; ils peuvent cotiser pour en faire un pont. Ils ne peuvent pas le faire. Ils veulent que les gens les encensent pourquoi ? Le Mfoundi a 7 arrondissements. Un arrondissement a trois ministres sur 7. Un sénateur. Même arrondissement et c’est là où il manque de pont. Vous trouvez cela normal?
A votre avis, pourquoi leur réaction ?
Onambélé Zibi: C’est parce que je dis la vérité. Ils savent que les sans voix comptent sur moi et moi je parle. Je ne suis plus à la recherche d’emploi. Je ne suis pas un affamé. Voici une Capitale. Les gens n’ont pas accès aux grandes écoles parce qu’ils ne savent pas comment faire. Vous pouvez passer une année il n’y a aucun fils du Mfoundi même à l’ESSTIC (NDLR École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de La Communication), je prends un exemple. Vous trouvez normal que nous soyons absents ? C’est eux. Ils ne font rien.
Dans les autres départements, les élites cotisent même pour payer la préinscription à leurs petits frères. Ici, on ne le fait pas. Ils ne savent même pas combien on a recruté à l’EMIA. Il n’y aucun fils du Mfoundi. Et ils disent que le Mfoundi n’a besoin de rien. Voilà le problème de fond. Ils veulent s’éterniser là. Ils ont peur de cette jeunesse montante pour qu’ils ne soient pas remplacés, mais ils le seront. Le temps est têtu, l’histoire l’est également. La vérité est là, elle fait mal, mais on est obligé d’en parler. Regardez ce village, on puise de l’eau à boire à Madagascar. Ce n’est pas normal. Et on ne doit pas en parler ? C’est nous qui votons le Président de la République et c’est lui qui les nomme. Le Président les met en place, mais ils ne font rien pour bénéficier de cette confiance.
Maintenant, dès que vous voulez parler, on dit le Chef de l’État. Est-ce que c’est lui qui arrange les routes ? Plus de trois fois, on a volé l’argent de cette route, là devant ma maison. On dit sur les papiers qu’elle est bitumée. Je vous dis qu’on va puiser de l’eau à Madagascar. Quand nous parlons de terre, nous ne parlons pas des 100 m2 ou des 1000m2 pour construire des habitations. On prend 350 h, vous ne savez pas ce que ça donne, on vous met dehors comme si vous étiez des voyous. C’est de ça qu’il est question. Regardez les Enveng et les Mvog Atemengue qui n’ont plus rien, parce qu’on leur a tout pris. Pour enterrer un membre de leur famille, on paie un million, là où ils sont nés. Est-ce normal ?
Tout cela est-il contenu dans votre correspondance adressée au Chef de L’État ? Pouvons-nous avoir d’autres détails ?
Onambélé Zibi: Tout cela est contenu dans cette lettre. Laissez la primeur à ce vieux-là, comme on dit qu’il est vieux. Mais il est vieux. Est-ce que cela empêche qu’il soit le Président du Cameroun? Laissez-lui la primeur de son courrier. Vous l’aurez. Je vous ai dit quelque chose de très important. Ce trac qu’on a brûlé, pourquoi on l’a fait ? On voulait empêcher les Camerounais de le lire. Qui l’a rédigé ? Peut-être parce que le patriarche sait d’où c’est parti et que je suis gênant. Mais je vais dire le moment venu.
Justement, parlant de ce que vous appelez tract, vous avez été accusé d’en être à l’origine…
Onambélé Zibi: Est-ce qu’elle est signée de moi ? Moi, je ne fais pas de lettre anonyme. Quand on lit bien leur tract, c’est des gens qui se discutent des postes au gouvernement. Est-ce que moi je suis du gouvernement ? Pourquoi veulent-ils reculer ? S’ils veulent faire du chantage à leur patron, qu’ils attendent, nous on va parler à leur patron. Ce n’est pas notre courrier. Nous ne nous reconnaissons pas là-dedans. Mais nous aurons quelque chose à dire au Chef de l’État. Quelque chose à ce sujet. C’est tout. Parce qu’ils savent d’où le courrier est parti.
Le courrier est parti de chez eux pour circuler. Je vais vous dire quelque chose, je ne dirai plus rien de tout cela. Cette fameuse lettre qui fait bouger toute la République s’est retrouvée à une presse et on l'a brûlée parce que c’était déjà imprimé. C’est-à-dire un journal l’a reçue, ils ont imprimé le journal et l’on brûlé à 1 heure du matin parce qu’on ne voulait pas que le peuple lise. Les gens ont payé pour cela. Qu’il l’a fait ? Ce sont les gens qui avaient peur que leur lettre soit publiée.