Paul Biya va éclater la CRTV

Paul Biya Signature Paul Biya

Mon, 13 Jul 2015 Source: La Météo

C’est un projet de décret élaboré par les services directement rattachés au chef de l’État qui devrait bientôt être signé par le président Biya. Il n’a fait l’objet ni d’une large concertation, encore moins d’une consultation technique du ministère de la Communication (Mincom) au vu de son caractère «sensible», selon une source proche du dossier. En cette période où il s’apprête à franchir – avec le retard qu’on sait – le saut de la télévision terrestre numérique (Tnt), le Cameroun connaîtra aussi l’avènement, sauf revirement de dernière minute, de nouvelles entités appelées à régir l’espace audiovisuel public.

Ainsi l’Office de radiodiffusion-télévision camerounaise (Crtv), créé par décret (n°088/126/PR) du 25 janvier 1988 sur les cendres de l’Office de télévision nationale (Ctv), qui lui-même a vu le jour par ordonnance (n°86/005/PR) le 26 avril 1986, est-il appelé à éclater en trois entités distinctes : la radio, la télévision ainsi qu’une unité de diffusion. Bien que placés sous la férule des pouvoirs publics, ces organismes devraient avoir chacun un directeur sous la coordination d’un directoire.

«Le constat a été fait de l’extrême lourdeur de fonctionnement de la Crtv, dans sa structure actuelle. Sans oublier les multiples cas de mal-gouvernance qui émaillent le quotidien de la maison et donnent lieu à toutes sortes de dérapages managériaux, difficiles à auditer ou à circonscrire», explique un haut responsable de la présidence de la République sous le sceau de l’anonymat. Avec de simples directions autonomes, en lieu et place de l’actuelle direction générale omnipotente, elle-même coiffée d’un conseil d’administration commis à la simple validation de résolutions convenues. La nouvelle direction de la diffusion, pour sa part, se retrouvera dans un rôle de régulation des programmes afin d’impulser la politique éditoriale et l’harmonie des contenus d’un média public digne de ce nom.

Cette révolution devra épouser les contours du projet de loi régissant l'activité audiovisuelle au Cameroun, voté lors de la session parlementaire de mars dernier et visant à consolider la migration audiovisuelle de l’analogique vers le numérique. L’exposé des motifs du texte annonçait déjà «l'émergence de nouveaux types d'opérateurs chargés de constituer, à l'intention, des multiplexes c'est-à-dire des ensembles de chaînes de télévision et autres services associés à titre gratuit ou payant», de manière à séparer les activités de diffusion et les métiers de l'édition des contenus. «Les activités d'éditeurs et d'agrégateurs sont incompatibles avec les activités de réseaux de diffusion», pouvait-on notamment y lire. Un pied de nez au Mincom, Issa Tchiroma Bakary, qui s’agitait depuis peu comme un beau diable pour confier le monopole des opérations de multiplexage à la Crtv, dans un environnement pourtant concurrentiel.

C’est également une avancée du cadre juridique qui est attendue, dans l’audiovisuel public surtout, condamné qu’il est à s’offrir plusieurs canaux (bouquets) de diffusion en faisant appel à des productions internes et indépendantes. Selon le projet de texte soumis au Parlement, dont la promulgation et le texte d’application présidentiels sont attendus, le Cameroun va également connaître la mise en place d’un fonds de soutien à la production ainsi que d’une autorité de régulation commune aux médias audiovisuels publics et privés en charge des dossiers de concession, de licence, d'accréditation et d'agrément.

Finies donc les supputations et autres annonces fantaisistes qui avaient cours jusqu’ici. En début novembre 2014, par exemple, le coordonnateur-adjoint du Comité national de pilotage de la migration de l’analogique au numérique, la Cameroon Digital Television (Cam-Dtv), Mezom Melouta, indiquait que le gouvernement envisageait la création de 30 chaînes gratuites, sans en dire davantage quant aux moyens techniques, financiers et autres contenus devant être mobilisés. En janvier 2013, c’est le directeur général de la Crtv, Amadou Vamoulké, qui présentait comme imminent l’avènement d’une radio à Kribi et d’une nouvelle télévision à Douala. On espère que l’un et l’autre ne seront pas balayés par la révolution numérique, juridique et règlementaire qui s’annonce…

Source: La Météo