Le président Paul Biya, 85 ans, qui brigue un septième mandat, reste favori face à sept autres candidats. Une forte abstention et des violences ont marqué la journée de vote.
Une femme prend les bulletins de vote, dimanche 7 octobre, au Cameroun, qui doit élire son nouveau président de la République. Pour accéder à l’école primaire de Bilongue, il faut slalomer entre des flaques larges comme des mares. Les poules picorent au milieu des ordures et les murs des maisons sont rongés par le salpêtre. A l’entrée du centre scolaire, dont les classes ont été transformées ce dimanche 7 octobre en bureaux de vote, Deblaiso, un jeune homme de 23 ans, considère qu’« il ne faut pas être toujours dans la négativité » et qu’« il faut laisser le vieux père finir ce qu’il a commencé ».
Ces paroles de soutien au candidat Paul Biya, 85 ans, en lice pour un septième mandat après bientôt trente-six ans passés à la tête du pays, détonnent dans ce quartier populaire de Douala, la capitale économique du Cameroun, où jeunes et moins jeunes ne jurent que par un seul mot : le changement.
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Ernest et ses amis approchent la trentaine, ils n’ont connu qu’un président, et leur vie active se résume à la profession d’étudiant-chômeur. « Notre pays est malade à tous les niveaux, c’est pour cela que nous voulons une alternance. Sinon, aidez-nous à avoir des visas pour l’Europe », clame l’un d’eux. L’élection présidentielle soulève des espoirs à la hauteur de la désespérance qui peut régner au sein d’une partie de la population de cette métropole tentaculaire.
Dans le quartier de Ndogpassi, quelques minutes après avoir rempli son devoir d’électeur, Marcel, qui, à 52 ans, gagne sa pitance grâce à sa moto-taxi, déplore que « le Cameroun [soit] sauvagement riche, et les Camerounais terriblement pauvres ». Daniel partage le même constat et espère que, « cette fois-ci, on respectera la volonté du peuple ». « Mais je suis sûr que, comme d’habitude, ils feront tout pour magouiller », ajoute-t-il.
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Engouement
De l’avis de l’ensemble des observateurs de la vie politique camerounaise, le scrutin présidentiel a suscité un engouement inédit. Les débats ont été vifs, la campagne vivante, mais l’issue du scrutin n’est-elle pas connue d’avance ? « Nous ne pouvons pas être sereins car la fraude est dans l’ADN du régime, mais nous nous sommes donné l’objectif d’être présents dans le maximum de bureaux pour que nos scrutateurs leur compliquent la tâche », répond Maurice Kamto, l’une des principales figures de l’opposition.
Selon le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), interrogé à la veille de l’élection, « boycotter, c’est dérouler un tapis rouge à Paul Biya ». « Je crois que les Camerounais ont changé et n’accepteront plus n’importe quoi », dit-il.
Les éventuelles protestations populaires ou les recours juridiques pour contester le résultat de l’élection ne semblent guère inquiéter Grégoire Owona, le ministre du travail et secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). « Nous assistons à une compétition très disputée avec une saine émulation, mais le président sera réélu largement, assure-t-il. Ce sont les Occidentaux qui se lassent rapidement de leurs présidents, mais la chefferie dans la culture bantoue, c’est pour toute la vie. Le chef meurt au pouvoir. »
Pour expliquer cette victoire qui semble promise à Paul Biya, M. Owona pourrait ajouter, entre autres, que le RDPC est une remarquable machine électorale qui se confond avec l’administration, que les divisions de l’opposition qui a finalement présenté sept candidats dans un scrutin à un tour font le jeu du pouvoir ou bien encore que le code électoral est taillé sur mesure pour permettre le maintien du régime en place. Par exemple, en cas de litige sur un procès-verbal, seul celui d’Elecam, l’institution chargée d’organiser l’élection, fait foi.
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Autant dire que les éventuels recours de l’opposition ont fort peu de chances d’être entendus par le Conseil constitutionnel, qui doit proclamer le résultat dans les quinze jours après la fin du scrutin.
Violences
Dimanche soir, quelques irrégularités étaient dénoncées par des candidats de l’opposition et des organisations de la société civile, mais l’inquiétude portait principalement sur la situation dans les deux régions anglophones, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest.
Les groupes sécessionnistes qui affrontent l’armée camerounaise avaient promis que le 7 octobre serait une journée sans vote en Ambazonie, le nom de leur république autoproclamée. Alors que plus de 250 000 personnes ont fui la zone – une source humanitaire estime que ce chiffre est très certainement sous-estimé –, leur menace a été mise à exécution et leur pari en partie réussi.
A Bamenda, la capitale du Nord-Ouest, la journée avait commencé par des affrontements en pleine ville. Selon plusieurs officiers camerounais, trois rebelles ont été tués à proximité de l’hôpital. Des défenseurs des droits de l’homme évoquent également la mort de quatre membres des forces de sécurité.
Un climat qui n’incite guère à se rendre aux urnes. « Dans certains bureaux, il n’y avait pas plus de quinze votants », indique une source sur place. A Buea, la capitale du Sud-Ouest, la tension était au moins aussi forte. La ville était fantôme, quadrillée par l’armée, des coups de feu ont rythmé la journée. Une source dit n’avoir croisé que trois électeurs après avoir visité quatre centres de vote à la mi-journée. Selon des journalistes de l’AFP présents dans un bureau de vote de la ville, à une heure de la fermeture, seuls sept électeurs sur 420 inscrits avaient voté.