Paul Biya va prendre la fuite très bientôt- Patrice Nganang

Nganang Patrice Patrice NGANANG avait été arrêté pour avoir proférer des menaces de mort contre Biya sur facebook

Fri, 12 Jan 2018 Source: actucameroun.com

Arrêté et incarcéré à la prison centrale de Kondengui, puis relaxé au bout de quelques semaines suite à l’abandon des charges par le ministère public camerounais, l’écrivain et professeur prédit le pire au régime biya.

Partisan de la sécession du cameroun, l’activiste règle également leurs comptes à ses détracteurs dans une interview accordée à nos confrères de Défis Actuels.

Comment s’est déroulée votre arrestation, puis votre transfert à Yaoundé ? et entre votre incarcération et votre libération ?

Rocambolesque est le seul mot qui me vienne en esprit, mais au fond, quand j’y réfléchis, je me dis que c’est le testament de l’importance qui est donné aux écrivains dans mon pays. Car jamais un homme politique, un homme public, ou toute autre personne n’avait été traité comme ça. Mon arrestation a eu lieu déjà dans des conditions particulières.

J’ai été cueilli à l’aéroport de Douala, en zone internationale, et mené seul dans un fourgon de la police à Yaoundé, avec cinq gardes du corps autour de moi. Ma libération alors était épique, orchestrée par le secrétaire d’Etat aux Affaires pénitentiaires, en lunettes noires, avec le régisseur de la prison et son adjoint, le directeur de la PJ et ses adjoints, au téléphone avec le ministre de la Justice et d’autres ministres, tout un parterre, un convoi quasiment présidentiel, avec des garde-du-corps en cagoule, pointant leur fusil sur la ville, et un motard au-devant. Je ne crois pas que quelqu’un a jamais été traité comme ça au Cameroun, et me demande encore pourquoi.

Pour beaucoup d’observateurs, votre séjour carcéral était votre vœu le plus profond pour cette fin d’année. Auriez-vous piégé les autorités du régime camerounais pour un dessein inavoué ?

Je ne suis pas de nature cynique. Je sais que le cynisme est né dans le ventre de la tyrannie qui nous tient, et c’est lui qui est l’élixir de survie de nos compatriotes. Il a d’ailleurs inspiré la manière de penser de nos ainés intermédiaires qui en ont fait une philosophie qui s’est cependant cassée les dents sur la cause anglophone qui est un cas évident d’oppression et de colonisation d’un peuple qui s’identifie d’une certaine manière de son choix, par un autre peuple.

Finalement vous avez été expulsé du territoire camerounais. Comment comprenez-vous cette réaction du gouvernement ?

Nous sommes ici dans la pure hystérie du gouvernement, qui s’est retrouvé avec une patate trop chaude dans ses mains. Je suis toujours venu au Cameroun en toute humilité, et cela a donné l’occasion à la presse gouvernementale, de me présenter comme un rien du tout, d’autant plus que par mes actions publiques, j’étais toujours dans les quartiers avec les gens démunis, à creuser les “watarout”, comme on disait en ricanant (…) La réaction du gouvernement c’est l’hystérie devant la réalisation de qui je suis en réalité, qu’ils ont toujours refusé de voir, alors qu’à seize ans déjà j’ai fait plusieurs fois la grande Une de Cameroon tribune jadis, ai été présenté au JT plusieurs fois, tant radio que télé, mais ce gouvernement avait choisi de l’oublier pour magnifier l’incompétence qui lui sert, invitait mes collègues tant universitaires qu’écrivains, leur donnait des médailles, alors que moi jamais il ne m’a jamais invité. Il a bien eu ce qu’il cherchait.

Qu’allez-vous faire pour reconquérir votre nationalité ou votre citoyenneté ?

Rien du tout, car je n’en ai pas été déchu, mon passeport a tout simplement été saisi, sans raison d’ailleurs, car il n’y avait aucune accusation nulle part contre moi pour immigration illégale. Celle qui avait été formulée en passant lors de mon arrestation a été vite abandonnée, et comme on sait, toutes les charges contre moi ont été abandonnées par le ministère public, entériné par le juge. Mais je ne ferai rien avec ce régime. Le prochain gouvernement me donnera mon passeport, car Biya va prendre la fuite très bientôt.

Certains camerounais estiment que nombre de leurs compatriotes de la diaspora se comportent en pyromanes, notamment sur les réseaux, colportant de fausses informations. Comment comprenez-vous cette relation pénible entre certains camerounais du cameroun et une partie de ceux résidant à l’étranger ?

La relation des Camerounais avec ceux de l’étranger n’est pas pénible, car chacun de nous a un membre de sa famille à l’étranger, souhaite envoyer ses enfants étudier à l’étranger, et bien des fois souhaite d’ailleurs y aller soi-même demeurer. Je n’y vois rien de pénible, sinon une relation de désir, qui toujours est tumultueuse, car on parle ici de sentiments. Mais c’est vrai aussi que le pouvoir camerounais n’a aucun avantage à ce que les Camerounais de l’extérieur retournent au pays. Il serait balayé le lendemain même.

D’un autre côté, ils sont nombreux à penser que leurs attentes, leur poids et leur potentiel ne sont pas suffisamment pris en compte par le gouvernement. Pourtant, cette diaspora camerounaise compte de grands noms de la science, des lettres et même des affaires. Que faudrait-il faire pour réconcilier le cameroun avec sa diaspora ?

Quand Biya tombera, les enfants de ce pays retourneront dans la terre de leurs ancêtres.

Dans le cadre de la crise anglophone, êtes-vous plutôt favorable à la sécession, à la fédération ou à l’état unitaire mieux gouverné ?

Chaque peuple opprimé a le droit divin de se défendre, et le choix des armes et des méthodes de sa défense lui revient. Les Anglophones ont le droit divin de se défendre, et plusieurs ont choisi la sécession. Moi en tant que citoyen, je suis à leur Gauche, cela je le leur ai toujours dit, c’est-à-dire que je suis plus radical qu’eux-mêmes, et donc, je suis pour la sécession.

Cette crise anglophone a-t-elle selon vous rebattu les cartes sur l’échiquier politique national ?

Evidemment, mais surtout elle a fait le paradigme qui a composé la scène publique camerounaise depuis 1983. Car n’oublions pas que le leader de l’opposition au Cameroun, et le parti de l’opposition historique, sont anglophones. C’est dire que ce sont les Anglophones qui depuis 1983, sont la locomotive de la politique camerounaise. Il y a certes eu des épisodes différents de ceux d’aujourd’hui, par exemple les Villes mortes lancées à Bamenda, et pas à Bertoua ou à Garoua, mais bel et bien en zone anglophone.

Aujourd’hui, le tumulte qui remet en branle l’histoire camerounaise, c’est encore la zone anglophone qui nous le donne. Ces faits sont significatifs, car ils nous font voir comment notre histoire est en train d’être écrite, et surtout, qui en sont les acteurs les plus importants. Le conflit anglophone, ou alors, ce qui depuis décembre est la guerre en zone anglophone, voilà ce qui en réalité va renverser ce régime.

Une certaine opinion vous reproche de vous servir de votre notoriété, non pas pour mobiliser et rassembler les camerounais autour de la cause du changement, mais plutôt pour les diviser, voire les classifier. Que répondez-vous ?

Je les invite dans les centaines de chantiers de Generation Change, tant à Douala qu’à Yaoundé. Il y a d’ailleurs des demandes qui nous viennent d’autres villes, Nlohe, Buea, et d’autres. Donc je les invite à venir oeuvrer pour le changement avec nous, dans les quartiers, dans les marigots, et donc à s’imprégner de l’idéologie du bénévolat qui inspire nos actions. Le changement n’est en effet pas qu’un mot, c’est une manière de vivre, c’est un remplacement de paradigme, de mentalité.

Des voix se sont élevées dans l’opinion nationale pour saluer votre incarcération, estimant que vous auriez au moins retenu la leçon de la politesse. Quelles leçons avez-vous retenues de cet épisode de votre vie militante ?

Est-ce que ça vaut la peine de répondre au cynisme ? Je ne crois pas. J’ai toujours dit que le Cameroun ne sait plus ce que c’est qu’un écrivain, l’a oublié depuis la mort de Mongo Beti, en 2001. Je suis heureux qu’enfin l’écrivain soit retourné dans la scène publique de notre pays, car j’entends bien jouer mon rôle de concierge de la république. Et de ce fait, que mon passeport soit saisi, est une bonne chose, car cela donne à tout un chacun, la garantie juridique que ce que j’ai toujours dit est vrai, c’est-à-dire, que je n’ai aucune ambition politique.

Que ne referiez-vous plus ? Que feriez-vous de décisif dans votre démarche ?

Je referais tout ce que j’ai fait exactement comme je l’ai fait. Mais ce que je ferai de décisif, c’est composer la scène publique, mais surtout la société civile, car aujourd’hui elle est entièrement émiettée, pire même que la société politique, parce qu’elle est torpillée par la tyrannie.

Il faut donc lui trouver un socle collectif, un parapluie moral qui lui permette de naviguer dans une direction de la libération des individus, et à cela, Generation Change peut servir de levier, comme dans d’autres pays, le Balai citoyen par exemple au Burkina Faso, ou même Y’en a marre au Sénégal ont fait.

Source: actucameroun.com