Peter Mafany Musonge et sa nouvelle aventure

41127 Peter Mafany Musonge Peter Mafany Musonge apparaît ainsi comme le seul PM à bénéficier d’une seconde vie

Tue, 21 Mar 2017 Source: camer.be

Peter Mafany Musonge, président du tout premier Sénat du Cameroun. L’histoire aurait pu être celleci en 2013, lorsque les couloirs de la République bruissaient du nom de l’ancien Premier ministre et haut commis de l’Etat, nouvellement fait sénateur, pour occuper ce poste stratégique en cas de vacance à la tête de l’Etat.

Il faut dire que l’homme s’est laissé convaincre par le chant des sirènes, mais surtout par son profil et ses états de service : ancien chef du gouvernement, proche collaborateur du chef de l’Etat et anglophone de surcroit. Elément essentiel, donc candidat tout trouvé pour ce poste de deuxième personnalité de la République, si l’on s’en tient du moins à un gentlement agreement au sein de la classe politique nationale, qui veut que ce privilège revienne à un ressortissant des régions anglophones si la tête de l’Etat est francophone, et vice-versa.

En compétition avec une autre tête couronnée de la République – le Sultan Ibrahim Mbombouo Njoya – l’ex-directeur général de la Cameroon Developement Corporation (Cdc), premier employeur privé, va pourtant croire en ses chances. Du moins, jusqu’au moment où il apprend qu’il a été choisi pour diriger le groupe parlementaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) à la Chambre haute, ce qui, de facto, le disqualifie pour la présidence de ladite chambre.

C’est donc en cette matinée du 12 juin 2013 que les rêves de Peter Mafany Musonge vont se briser sur les desseins politiques du président Paul Biya, qui va lui préférer Marcel Niat Njifenji, ressortissant de la région de l’Ouest. Peter Mafany, jusque-là Grand chancelier des ordres nationaux, manque ainsi son grand retour sur la scène politique.

Blessé, ce diplômé de l'université de Drexel en ingénierie civile et de l'Université de Stanford (Etats-Unis) en ingénierie l’est assurément. Cependant, l’affable et très discret Bakweri (ethnie de la région du Sud-Ouest) sait que dans l’univers du président Paul Biya, il faut savoir souffrir sans dire mot. Ses huit années passées à la Primature (1996- 2004) lui ont enseigné le style Biya, fait de discrétion, de loyauté, mais également de travail acharné. Le travail.

C’est d’ailleurs ce dernier élément qui va être à l’origine de son malaise au Palais des congrès le 7 février 2002, lorsqu’il s’est écroulé en plein discours d’ouverture d’un Salon sur la création d’entreprises. Il sera finalement remplacé en 2004 par Inoni Ephraïm, à la suite d’un remaniement ministériel. Stoïquement, il va continuer à s’acquitter des autres missions que le chef de l’Etat lui a confiées au sein du parti, où il est membre du bureau politique, représentant permanent du comité central du Rdpc pour le Sud-Ouest et président de la commission de discipline ad hoc ; mais également au sein de l’appareil d’Etat dans lequel il est le Grand chancelier des ordres nationaux.

A 75 ans, l’ancien directeur général du Laboratoire national de génie civil (Labogénie) est de nouveau sous les projecteurs. Ceci, à la faveur du décret présidentiel le portant à la tête de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. L’homme fait pourtant partie de cette élite mal-aimée dans la région du Sud- Ouest. Un désamour qui s’est accru alors que la crise anglophone s’est invitée dans le débat politique et les faux pas de ce dignitaire du pouvoir n’ont pas contribué à apaiser les tensions.

Le 2 février dernier, il réunit autour de lui à Buea, l’élite du Sud-Ouest et les différents chefs traditionnels, à l’effet de mobiliser pour la fête nationale de la jeunesse qui pointe à l’horizon. L’heure est grave : les leaders du consortium ont d’ores et déjà appelé au boycott de cette célébration, et ce membre du conseil d’administration de la société de téléphonie mobile Mtn sait qu’il pourrait être tenu pour responsable en cas d’échec de la manifestation du 11 février.

Aussi, ne va-t-il pas y aller du dos de la cuiller. Pour mobiliser, il va incriminer les ressortissants et l’élite de la région soeur du Nord-Ouest, en l’accusant de porter le trouble dans la « douce et paisible » région du Sud-Ouest. Levée de boucliers de la part d’hommes politiques, dont le député Joseph Wirba, qui va lui répondre par une lettre au vitriol. Le patron du Rdpc du Sud-Ouest ne lésine pas sur la provocation et n’hésite pas à exciter les démons de la division pour ramener la calme dans sa région. Paradoxal ? Pas tant que cela. Car, ce politicien le sait : un Sud-Ouest de retour dans le giron de Yaoundé ne pourra qu’être mis à son actif.

Pourtant, le natif de Muea n’a pas toujours été ce politicien incisif au ton haut. L’attentisme teinté de laisser-aller qui a caractérisé son long magistère à l’Immeuble étoile a été mis en lumière par le volontarisme affiché de son successeur. Inoni Ephraïm, tout fraichement venu du Cabinet civil de la présidence de la République, par le charisme dont il faisait preuve, avait alors démontré que l’on pouvait être chef du gouvernement et avoir de l’autorité sur son équipe. Ce qui n’a pas toujours été le cas sous Mafany Musonge.

Contre toute attente, c’est, selon des observateurs, ce charisme d’éponge mouillée qui était l’un des éléments du secret de sa longévité à la Primature. Les différentes trajectoires semblent donner raison à cette conception : Peter Mafany Musonge apparaît ainsi comme le seul Premier ministre de ces dernières années à bénéficier d’une seconde vie. Son prédécesseur, Simon Achidi Achu, sénateur lui aussi, étant nettement plus effacé et affaibli, quand son successeur Inoni Ephraïm est de son côté incarcéré pour des accusations de malversations financières.

Aujourd’hui, l’homme a une nouvelle mission : créer toutes les conditions du vivre ensemble au Cameroun. Ce patchwork de 286 ethnies dont certaines se regardent en chiens de faïence, et où la tentation du repli identitaire est toujours plus présente que jamais.

Source: camer.be