Célestin Bedzigui, homme politique camerounais, critique sévèrement la nouvelle loi sur la délivrance des cartes nationales d'identité (CNI) et des passeports au Cameroun. Il qualifie cette mesure de "pillage du peuple" et de continuation des scandales financiers précédents. La loi introduit des coûts élevés (10 000 FCFA pour une CNI, 110 000 FCFA pour un passeport) et attribue une part disproportionnée des revenus (jusqu'à 90%) à un prestataire étranger. Bedzigui argue qu'un simple audit organisationnel aurait été plus approprié et moins coûteux. Il estime que ce système pourrait générer 500 milliards FCFA en 10 ans pour le prestataire, utilisant une technologie basique qui pourrait être fournie par des Camerounais. L'auteur conclut en appelant à l'arrêt de ce qu'il considère comme une "nouvelle forme d'esclavage moderne".
Faisons-nous face à la dernière scène de pillage du peuple ? La question de la délivrance de la carte nationale d’identité s’est muée en nième acte de la tragédie économique et financière camerounaise. Certains y voient même une scène suivant les précédentes qui auront été les scandales du CANgate, du COVIDgate, du Glencoregate dont aucun n’a donné lieu ni à ouverture d’une information judiciaire, ni initiation d’une enquête parlementaire.
A vrai problème, fausse solution : le choix du pire
Pour résoudre le problème de la délivrance de la Carte Nationale d’Identité au Cameroun, la solution aurait été de rechercher les causes et les remèdes au fait qu’en ce moment, les cartes de CNI sont établies et entassées dans les Commissariats. Ce n’est donc pas dans la mise en place d’un système faisant intervenir un » prestataire » étranger que le « CNI struggle » sera résolu.
Il importait plutôt que fût effectué un audit organisationnel pour comprendre et apporter des solutions aux dysfonctionnements du système actuel, un audit qui ne coûterait pas plus de…200 millions F sur les dix régions en recourant à une expertise endogène et domestique. C’était la voie pour une résolution administrative de cette si agaçante défaillance de l’État.
En lieux et places de cette solution simple et pragmatique, le régime a fait le choix du pire. Les dispositions de l’Ordonnance no 2024/001 du 20 juin 2024 prise par le Président de la République en modification du Budget 2024 avait pour véritable raison de donner un habillage légal à ce qui se révèle être une opération aux fondements financiers suspects et questionnables.
Dans ses dispositions relatives aux timbres sur les Cartes Nationales et les passeports nationaux, l’ article 37 ( ter) portant sur la répartition de ces recettes fiscales produites par la délivrance de ces documents, au-delà de leur prix absolument aberrant, 10 000Fcfa pour la carte d’ identité et 110 000 FCFA pour les passeports, cette loi révèle un partage léonin en faveur du soit- disant prestataire, une indication ou un indice de collusion dans une opération d’extorsion d’argent aux citoyens au profit de une nébuleuse ou serait associés certaines administrations et des prédateurs étrangers.
Cette opération instaure une rente viagère qui favorisera un enrichissement sans cause de ces » prestataires » véritables vautours et charognards des carcasses qu’ils voient en nos pays avec la complicité de certains de nos concitoyens. Jugez en par les chiffres édictés dans Article 37 ( ter): Les recettes issues de la délivrance des titres identitaires et de la délivrance des passeports sont réparties ainsi qu’ il suit:
-pour le droit de timbre de 10 000 FCFA sur la CNI, l’administration (maître d’ouvrage) ne perçoit que 10%, tandis que le » prestataire » perçoit 90%.
-pour le droit de timbre de 110 000 F sur passeport, l’administration (maître d’ouvrage) ne perçoit 6, 36%, le Trésor Public reçoit 6,36% et tandis que le prestataire perçoit 82,40%. Dans quel enfer cet ordre gouvernant plonge – t-il ce peuple qui pourtant lui a tout donné, le temps, sa confiance, sa soumission ? Ne frisons nous pas par une telle ignominie, la trahison du peuple qui à tous les droits de se relever et dire NON ?
Dans la pratique des affaires dans lesquelles nous sommes immergés depuis plus de quarante ans, la rémunération des « prestataires » dont ce type d’activités vont du courtage à l’assistance technique et se situe dans la fourchette de 2 à 10%. La générosité suspecte observée ici qui attribue de 82 jusqu »a 90% de la valeur du timbre comme prime du prestataire ne peut que nourrir de graves soupçons voire être là preuve de rétro-commissions.
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Avant de faire une estimation du coût de cette opération pour notre pays, on ne saurait ne pas relever le fait inacceptable de voir ainsi les populations être assujetties à ce qui en réalité une taxe de surcroît d’un montant excessif pour avoir une carte nationale d’identité alors que comme l’acte de naissance, elle est l’un des symboles de gratification de la nationalité. Utiliser ce biais pour consacrer un enrichissement de certains est tout simplement immoral. Cette pratique est en totale contradiction avec ce qui s’observe dans la plupart d’autres pays où, comme au Gabon, la CNI est obtenue et gratuite.
Faut-il dépouiller à ce point le Peuple ?
Avec cette nouvelle loi, les citoyens sont sous la coupe d’un partage léonin comme signalé plus haut en faveur d’un « prestataire » qui n’est en réalité que l’arbre qui cache la forêt d’une prédation systémique dans configuration de coaction criminelle. Le caractère criminel ressort crûment quand on fait une évaluation de ce qu’empocheront les acteurs de cette tragédie.
En retenant l’hypothèse basse d’une production annuelle de 2 millions de cartes nationales d’identité auquel seraient ajoutés 10 mille passeports, le pactole qui sera perçu par ce ou ces » prestataires » est, d’après nos estimations, estimé à 500 milliards F en 10 ans, soit le coût en ligne droite d’une autoroute de quatre voies Yaoundé – Ngaoundéré. Dans le modèle mis en en place, l’administration camerounaise est ravalée au rang de simple collecteur de recettes fiscales pour alimenter les gains faramineux de ces soi-disant « prestataires » et leurs accointances locales.
Le caractère aggravant ici est que la technologie utilisée par ce ou ces prestataires est sommaire et proche de la fabrication des cartes de visite plastifiées obtenues dans les secrétariats de nos quartiers à 100 CFA l’unité. Cette technologie peut être fournie par de jeunes camerounais formés en génie logiciel et en infographie. De plus, le coût de la technostructure nécessaire à son déploiement dans dix régions du pays ne peux excéder 5 milliards Fcfa. Nous nous retrouvons ainsi dans une situation où un investissement de 5 milliards FCFA va permettre que nos populations soient spoliés 1000 milliards FCFA en 20 ans… Y a-t-il pire ???
Dénoncer la fausse vantardise
L’Ordonnance est la partition écrite par le Président de la République. L’orchestration a été assurée par l’Assemblée Nationale qui a voté cette loi, elle dont la mission est de s’assurer que les intérêts du Peuple sont saufs. Tout ce processus interroge sur ce qui restent des valeurs et de l’éthique républicaine dans notre pays.
La vantardise de la promesse de produire la CNI en 48H est en réalité la feuille de vigne qui veut cacher ce qui pourrait n’être qu’un crime si cette machine infernale n’est pas arrêtée par celui-là qui en a encore le pouvoir et l’autorité, qui nous voulons le croire a été trompé. Touchons du bois que la présente interpellation atteigne ses oreilles et qu’il épargne à notre peuple cette nouvelle forme d’esclavage moderne.
Célestin Bedzigui
Élu local
Président du PAL- Parti de l’Alliance Libérale.