Avec le papier en-tête de l’institution dont il a la charge, ce chef de mission diplomatique a convoqué des militants du Rdpc à une réunion, pour mobiliser des fonds dans le cadre du Plan d’assistance humanitaire d’urgence.
La grossière bourde commise par l’ambassadeur du Cameroun à Rabat au Maroc, Mouhamadou Youssifou, transparaît d’une convocation qu’il a signée le 31 juillet dernier. Une correspondance dans la laquelle ce chef de mission diplomatique a « l’honneur de demander à tous les membres du bureau de l’Ofrdpc (organisation des femmes) et du Rdpc (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, Ndlr) au Maroc, de bien vouloir assister à une réunion de concertation à l’ambassade, le vendredi 03 août 2018 à partir de 15 heures précises ».
L’objet de la rencontre, précise-t-il, « portera essentiellement sur la mobilisation des compatriotes du Maroc en vue de leur contribution à la réussite du plan d’urgence décidé par le chef de l’Etat en faveur des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun ». La sortie de ce diplomate est teintée de curiosités. Il y a d’abord l’usage « démesuré » du papier en-tête de l’ambassade qui a servi à la convocation des membres d’un parti politique, fut-il au pouvoir. Il y a ensuite les destinataires, qu’on recrute « uniquement » au sein du Rdpc.
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Ce qui laisse croire que la contribution des autres Camerounais, qualifiés d’opposants et non conviés, viendrait raviver des velléités sécessionnistes sur le terrain d’une guerre ouverte depuis quelques mois dans les régions dites anglophones. Est-ce à dire que l’ambassadeur ne s’occupera désormais que des Camerounais militants du Rdpc au royaume chérifien ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que Mouhamadou Youssifou aura du mal à justifier cette autre confusion créée entre l’Etat et le « parti du flambeau ardent ».
Militantisme ombrageux
Sans doute qu’il a été inspiré par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra), Joseph Le, qui le 23 juillet dernier, n’a éprouvé aucune gêne à signer un communiqué de presse partisan, avec l’en-tête du Minfopra. « Suite à la déclaration de candidature de Son Excellence Paul Biya à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, Monsieur Joseph Le, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, fils de la région de l’Est, convie toutes les forces vives de ladite région […] à un grand meeting de mobilisation pour marquer leur soutien sans réserve à la candidature du président Paul Biya », a-t-il signé. Tout en ajoutant que « le meeting aura lieu à Bertoua, le samedi 28 juillet 2018 à 11 heures à la permanence du Rdpc. A cette occasion, une collecte de fonds sera organisée dans la perspective de la campagne électorale ».
A cette allure, comment se justifier face à ceux qui pensent que le Rdpc a pris l’administration publique en otage. La même opinion s’accorde d’ailleurs à conclure que dans les deux cas, les acteurs-signataires font preuve d’un « militantisme ombrageux » et n’hésitent pas de jouer, chacun, la « carte du positionnement personnel ». Les érudits du droit public auront longtemps enseigné, en vain, que dans la pratique, il y a des actes détachables de la fonction.