Face au crépitement des armes et les actes de vandalisme quasi quotidiens dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, les objectifs dudit Plan dont l’implémentation est désormais lancée pourraient se limiter à la fourniture des produits de première nécessité aux populations en détresse.
La solidarité agissante à travers le pays est sans équivoque. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les Camerounais de tous bords et toutes obédiences confondues ont exprimé sans réserve leur élan de générosité en guise de solidarité à leurs compatriotes en détresse dans les régions anglophones du pays. Ce fut déjà le cas il y a quelques années, lorsqu’il a fallu venir en aide aux populations de l’Extrême-Nord et à l’armée, en guerre contre la nébuleuse terroriste de Boko Haram.
Cette fois-ci, les cordons de la bourse ont été déliés au profit des Camerounaises et Camerounais victimes de la crise anglophone, qui fait des morts depuis bientôt deux ans dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest du Cameroun. En réponse bien évidemment à l’appel du président de la République, à une action de solidarité nationale, consignée dans le «Plan d’assistance humanitaire d’urgence dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest 2018-2019». Les chiffres ne sont pas assez costauds ou identiques pour toutes les régions, mais leur valeur symbolique est d’une importance indéniable.
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Ainsi, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ont mobilisé au moins 236 millions ; 21 millions dans l’Adamaoua ; 120 millions dans le Sud ; 152 millions dans le Centre ; 230 millions dans le Littoral ; 40 millions dans le Nord ; plus de 65 millions à l’Est, presque 500 millions à l’Ouest, sans compter à coup sûr le geste des compatriotes de la diaspora. C’est dire qu’à côté des 12,7 milliards de F CFA à mobiliser pour la reconstruction des régions du Sud-Ouest et du NordOuest, se greffe un soutien national considérable. Le facteur argent dans le processus de reconstruction desdites régions ne saurait à l’évidence constituer un réel handicap pour l’Etat du Cameroun.
Sauf qu’au regard de la situation actuelle sur le terrain, l’on se demande par quelle alchimie les écoles et autres édifices publics pourront être construits dans les régions anglophones. En effet, les affrontements entre l’armée républicaine - celle qui détient le monopole de la violence légale – et les séparatistes de la cause sécessionniste font rage. Buea, chef-lieu de la région du Sud-Ouest, jusque là relativement calme, a vibré ces derniers jours au rythme des crépitements de balles entre l’armée et les combattants sécessionnistes. Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, autre foyer de tension, n’en est pas épargnée. La guerre se déporte de l’arrière-pays où les combats ont le plus été mortels des deux côtés, pour le cœur de la région, à savoir, le chef-lieu.
Au-delà de la pertinence…la réalité Le Plan d’urgence humanitaire, bien que pertinent à plus d’un titre, saura-t-il dans un tel contexte, atteindre les objectifs y assignés, lorsqu’on sait par exemple que la rentrée scolaire c’est dans deux mois ? De même, comment peut-on reconstituer le cheptel, réhabiliter les édifices et les habitations sous la pluie des affrontements sanglants ? On n’ira pas jusqu’à dire de manière ramassée et péremptoire que la charrue a été mise avant les bœufs dans cette opération, mais il n’en demeure pas moins que celle-ci paraisse partiellement réaliste. Car si les populations déplacées internes (160 000 au moins) et les réfugiés (plus de 21000), peuvent prétendre aux produits et matériels de première nécessité, rien ne garantit qu’une opération durable soit réalisable sur le terrain en l’état.
Malgré les inquiétudes légitimes sur l’efficacité totale du plan d’urgence humanitaire en question, le gouvernement, assurément préoccupé par la situation des populations victimes, est en branle pour l’implémentation dudit plan. La preuve, sur très haute instructions du président de la République, la première session du Comité interministériel ah hoc, présidé par Paul Atanga Nji, s’est réunie le 4 juin dernier à Yaoundé, en vue d’en arrêter les modalités.
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Pour l’occasion, plus d’une vingtaine de membres du gouvernement était présent dans la salle de conférence du ministère de l’Administration territoriale. Au menu de ces échanges, la coordination de la réponse humanitaire relative à la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les modalités de mise en œuvre de ce plan - dès cette semaine, Ndlr - comme l’a annoncé Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale.
Début des activités Dans sa posture de président du Comité interministériel ad hoc, Paul Atanga Nji s’est montré peu disert dans son propos introductif. «Cette réunion a été convoquée suivant Monsieur le président de la République qui nous a instruits de mettre sur pied dès aujourd’hui, un chronogramme clair du début des activités du plan d’assistance humanitaire d’urgence dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest» déclare en substance Paul Atanga Nji. Sur le calendrier de la mise en œuvre des activités contenues dans le plan qui a été officiellement lancé à Yaoundé le 20 juin dernier par le Premier ministre, chef du gouvernement, Philémon Yang, le président du Comité interministériel ad hoc se voudra sans équivoque : «les activités du plan vont débuter dès la semaine prochaine sur le terrain», précisera-t-il.
Paul Atanga Nji soulignera en outre qu’il s’agira pour l’équipe interministérielle qu’il conduit, de descendre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest «pour poser les premiers actes concrets», rapporte le quotidien d’information gouvernemental. Le reste des échanges s’est déroulé à huis clos, mais l’on peut également relever que trois instances ont été identifiées pour la mise en œuvre du plan prescrit par le président de la République. La première, d’ailleurs la plus connue, est le Comité interministériel ad hoc qui a tenu sa première session. La seconde instance sera basée au niveau régional. Soit deux démembrements au total, dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, coiffées par les gouverneurs desdites régions. Elles seront composées également des préfets et sous-préfets territorialement compétents.
La troisième instance est constituée des relais locaux qui vont intégrer de nombreux acteurs à l’instar des magistrats municipaux, les associations locales, les autorités religieuses, et même la Croix rouge camerounaise. «On a observé l’élan de solidarité dont font montre les Camerounais. Le président de la République apprécie et il a instruit de passer résolument à l’action. C’est la raison pour laquelle l’on a noté la présence de nombreux membres du gouvernement concernés. Il fallait réfléchir sur la manière de se déployer sur le terrain. C’est pour très bientôt», annonce Paul Atanga Nji. Reste alors à espérer également que le retour à la paix soit «pour très bientôt», afin de permettre une matérialisation plus efficace du plan en question