Une polémique sans précédent secoue actuellement la scène musicale camerounaise, mettant en lumière les dérives potentielles de certains artistes et l'impact des réseaux sociaux dans la propagation de messages haineux.
Le Mbolé, genre musical camerounais autrefois porteur d'espoir et de réconfort, connaît une évolution inquiétante. Né dans les veillées funèbres de Yaoundé et Douala, ce style musical avait pour vocation initiale d'apporter du soutien aux familles endeuillées. Son évolution vers les studios d'enregistrement modernes a vu émerger des artistes comme Petit Malo, Aristide Mpacko, ou encore Happy d'Efoulan, qui utilisaient cette plateforme pour aborder des sujets de société, parfois tabous.*
Récemment, une chanson intitulée "Les nerfs des boys" de l'artiste Snoopy la mélodie, alias "le capitaine du ghetto", a suscité une vive controverse. Les paroles de ce morceau, devenu viral sur TikTok, appellent ouvertement à la violence contre les minorités LGBT du pays. Des extraits tels que "Nous, on déteste les pédés [...] pardon les gars, poignardez, poignardez les pédés !" ont choqué de nombreux internautes.
Face à cette situation, des voix s'élèvent pour rappeler le cadre légal. Yvanna Chantal Bessecke, analyste politique, souligne que même si l'homosexualité est criminalisée au Cameroun, "à aucun moment, la loi ne stipule que les personnes condamnées pour ces actes perdent leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la vie".
La reprise massive de cette chanson par des influenceurs et d'autres artistes a amplifié sa portée, donnant lieu à des "challenges" incitant à la violence. Yvanna Chantal Bessecke met en garde : "En tant qu'influenceurs ou artistes, vous portez une lourde responsabilité. Encourager vos abonnés à commettre des actes violents est d'une irresponsabilité inacceptable."
Contacté par Jeune Afrique, le manager de l'artiste a tenté de justifier les paroles en affirmant que le terme "PD" faisait référence aux "partisans de la destruction" et non aux homosexuels. Cependant, cette explication a été rapidement mise en doute face aux incohérences du discours et aux références explicites aux minorités LGBT dans la chanson et les vidéos associées.
Cette polémique soulève des questions importantes sur la responsabilité des artistes, le rôle des réseaux sociaux dans la propagation de messages haineux, et la nécessité d'un débat de société sur la tolérance et le respect des droits humains au Cameroun. Elle met également en lumière les tensions existantes entre la législation criminalisant l'homosexualité et le respect des droits fondamentaux de tous les citoyens.