Les deux entités ne s’accordent pas sur la gestion des produits halieutiques de mauvaise qualité repérés dans une dizaine des 665 conteneurs mis à quai.
La phase judiciaire est presqu’inévitable dans un différend qui oppose depuis quelques mois le principal importateur de poisson au Cameroun, la société CONGELCAM , à la Régie du terminal à conteneurs (RTC) du port de Douala-Bonabéri. Une situation embarrassante qui a meublé une conférence de presse organisée hier, 05 juin 2023 à Douala, par les mandataires de CONGELCAM . L’importateur de poisson bien connu du marché camerounais, reproche à la RTC, structure mise en place par le Port autonome de Douala (Pad), de n’avoir pas pris les dispositions nécessaires pour assurer la conservation des produits halieutiques débarqués à quai dans 665 conteneurs, en les connectant à l’énergie électrique.
Ce que les mandataires de CONGELCAM , assimilent à un manquement grave, remonte au mois de février 2023. « La RTC reçoit et garde avec soin les conteneurs du transporteur maritime dans l’attente de la livraison à l’importateur. Il est important de relever que les marchandises entreposées dans les locaux du port de Douala restent sous la garde et la responsabilité du transporteur jusqu’à ce qu’il les livre au destinataire, suivant les conventions internationales et les lois en vigueur », expliques les mandataires de CONGELCAM . A L’occasion, l’importateur de poisson est représenté par Me Faustine Fotso, avocate et modératrice ; Désiré Tchoumtchoua, directeur général adjoint de CONGELCAM ; Emmanuel Djoumessi, directeur général de CITMA, transitaire en charge des importations de CONGELCAM ; Me Lévi Deffo, avocat conseil de CONGELCAM etc. « Il se trouve que depuis février 2023 la RTC s’est dérobée pour des raisons que nous ignorons de ses obligations, en prenant sur elle de faire débarquer des conteneurs de produits halieutiques qu’elle ne branche pas par la suite, accélérant ainsi leur détérioration», regrette CONGELCAM .
Inspection sanitaire
L’opinion publique en parle. « Quand il y a une mauvaise foi notoire, les gens ont l’habitude de retourner la situation. Nous n’avons rien à nous reprocher », précise Me Faustine Fotso. A côté, l’un des panélistes, Emmanuel Djoumessi, rejette les statistiques qui indiquent qu’au premier trimestre 2023, CONGELCAM a importé 3000 conteneurs de poisson pour saturer le parc à conteneurs. « Nos 665 conteneurs restent encore pendants au port, tout simplement parce que ces conteneurs font l’objet de suspicions sur la qualité du produit. Parce que ces conteneurs sont restés pendant longtemps non branchés à l’énergie électrique. C’est pour cela que nous avons bloqué le processus de sortie afin qu’une inspection sanitaire soit faite sur l’ensemble des 665 conteneurs querellés », soutient-il.
Le souci de CONGELCAM , renseignent ses mandataires, c’est de mettre des conteneurs aux produits de bonne qualité à la disposition du consommateur. « Actuellement, nous attendons que ces inspections soient faites pour que nous sortions ces conteneurs », tranche-t-il. Dans l’intervalle, CONGELCAM déclare avoir proposé la mise à disposition des générateurs d’énergie de 500 KVA en vue de résoudre ce problème. Sans succès. Même sa suggestion de commettre des ingénieurs pour contrôler les courbes de température n’a pas prospéré. Il en est de même des constats d’huissiers sollicités. « Plus rocambolesque encore, les transporteurs et la RTC se sont clairement rejetés la responsabilité sur qui doit produire les courbes de température, un graphique qui retrace l’évolution des températures de l’embarquement à la livraison », ajoute un intervenant. Ce dernier s’étonne qu’à la place des courbes de température, « la RTC a plutôt produit les relevés de température, lesquels indiquent juste les températures à un moment donné ». A ce jour, sur les 665 conteneurs en question, 10 sont confirmés avariés, apprend-on. Il y a également dix autres en cours d’évaluation. Si les 665 conteneurs sont affectés, CONGELCAM évalue le préjudice à environ 25 milliards Fcfa.
Flux
Du côté de la RTC, la lecture des faits est différente. « La plateforme d’entreposage du terminal à conteneurs connaît depuis le début de l’année 2023, une situation de saturation par les conteneurs frigorifiques de l’importateur de poisson CONGELCAM . Cette entreprise a en effet importé durant les quatre premiers mois de l’année 2023 près de 3000 frigorifiques de poisson, soit plus de 80% des quantités importées annuellement depuis les deux dernières années, excédant ainsi ses capacités d’accueil et d’écoulement », réagit la RTC. Dans la même veine, cette structure du Pad s’étonne de ce qui arrive. « Face à cet afflux de conteneurs frigorifiques, CONGELCAM s’est refusé de procéder à leurs enlèvements au débarquement, tel que le prévoient les règles établies en 2015 par le ministre du Commerce, à la suite d’une situation similaire.
De plus, malgré les notifications d’anticipation, reçues des transporteurs maritimes sur l’arrivée de ces cargaisons, CONGELCAM s’est décidé à faire du terminal à conteneurs son lieu de stockage, prenant ainsi à lui tout seul toute la capacité de branchement du terminal, au détriment des autres produits frigorifiques tels que les médicaments, produits laitiers, autres importateurs de poissons ». La RTC ne manque pas de relever que « la neutralisation des capacités de branchement a aussi des conséquences sur les performances du terminal, sa compétitivité et sa réputation, car plusieurs navires de frigos ont dû être refoulés. Cela risque d’anéantir tous les efforts jusque-là accomplis par la RTC pour se maintenir au sommet des terminaux à conteneurs de la sous-région du golfe de Guinée ».
CONGELCAM a porté l’affaire devant le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, pour obtenir du juge de référé l’inspection de ses conteneurs. Au moment où nous allions sous presse, des informations faisaient état de ce que l’action de CONGELCAM a été jugée irrecevable. Reste qu’une rencontre entre les différentes parties, prévue demain mercredi, 07 juin, autour du ministre du Commerce, pourrait permettre de trouver une issue heureuse à ce malentendu qui prend déjà des proportions inquiétantes.