Jean Simon Omgba est un cadre du RDPC. Il fut député et maire pour le compte du parti présidentiel. Dans cette interview réalisée par Jean Omer Eyango , il invite le régime à revoir sa gouvernance.
Covidgate, audit des lignes 65 et 94…la prédation de la fortune publique semble avoir atteint des niveaux alarmants. N’y voyez-vous pas un échec du « Renouveau » à implémenter sa politique de rigueur et de moralisation de la vie publique, 40 ans plus tard ?
Dès son accession à la magistrature suprême de notre pays, le président Paul Biya a fait de la « rigueur et de la moralisation de la vie publique » un des piliers de son action. Le lien entre éthique et vie publique s’inscrit originellement comme le socle et un axe fort du « Renouveau ». Sans responsables politiques et agents publics exemplaires, les grandes opportunités de l’émergence vont demeurer des illusions. La situation de notre gouvernance publique en novembre 2022 a une résonance qui nous ramène à l’année 1982. Malgré les outils mis en place pour aider le pays dans la lutte active contre la prédation des fonds publics, notamment la criminalisation des délits, la situation reste préoccupante comme l’atteste l’instruction du chef de l’Etat ordonnant l’audit des chapitres 65 et 94 du budget de l’Etat ces douze derniers exercices. Une grande partie de l’opinion publique, vent debout, souhaiterait que des sanctions exemplaires, proportionnés et dissuasives soient prises à l’encontre des responsables publics et privés, auteurs présumés de détournements de sommes faramineuses sur les chapitres 65 et 94. La consolidation de notre démocratie passe par la primauté du droit.
Nous devons faire preuve de responsabilité en nous abstenant de faire croire à l’opinion que 5000 milliards ont été détournés en douze exercices.
Chacun de nous est conscient que le Cameroun va mal. L’intérêt général ne cesse d’être bafoué, la justice est dévoyée en un instrument au service des pseudo-puissants, et nous, citoyens, nous complaisons dans une démocratie de basse intensité. Au-delà de nos divergences, nous devons ensemble œuvrer pour mettre un terme aux dysfonctionnements scandaleux et honteux de notre société, et rechercher davantage d’intégrité, de rigueur et de justice dans l’action publique.
Manifestement, la gestion de ces lignes budgétaires est problématique. Est-ce qu’il ne faudrait pas simplement les réformer ?
Les chapitres 65 et 94 n’ont pas servi que pour des délits de mauvaise gouvernance. Elles ont souvent permis des interventions de l’Etat au bénéfice des populations dans une extrême vulnérabilité (inondations, sécheresse, famine, recrudescence des endémies). L’audit ordonné sur les chapitres 65 et 94 est légitime et normal, et s’inscrit dans le souci d’améliorer la gouvernance pour une utilisation judicieuse des deniers publics. Nous pouvons cependant déplorer que ce contrôle qui devrait être dans le déroulement normal des procédures de gestion des fonds publics, intervienne après douze exercices, après que douze lois de règlement aient été votées et adoptées par les parlements qui se sont succédé. Le timing choisi ouvre la porte à une chasse aux sorcières et à une entreprise de discréditation et d’élimination d’adversaires politiques. Et ce d’autant plus que le CONSUPE existe depuis de nombreuses années.
L’examen des dépenses exécutées sur les chapitres 65 et 94 peut révéler des dysfonctionnements plus ou moins graves. Mais nous ne devons pas nous abstenir d’informer le grand public néophyte des opérations budgétaires que ces lignes financent les dépenses non inscrites dans les budgets de nombreuses institutions et démembrements de l’Etat. L’Etat dans ses missions régaliennes, a utilisé ces lignes. Les dépenses qui y sont effectuées, englobent de nombreux domaines d’intervention qui vont de la sécurité nationale aux évacuations sanitaires, et d’autres formes de transferts de fonds à diverses institutions publiques.
L’enrichissement illicite de certains agents publics et privés, s’il est établi et prouvé dans le cadre du « Covidgate », est tout simplement criminel