En l’espace d’un an, au moins 50 personnes ont perdu la vie dans des éboulements de terrain dans le pays. En cause, l’occupation anarchique des terrains, et le manque de suivi des autorités.
"Ma famille va mourir"
Mbankolo, dans l’ouest de la capitale politique du Cameroun, ce lundi matin. L’heure est encore à la consternation, dans ce quartier, versant de l’une des sept collines qui confèrent à Yaoundé, son surnom de « ville aux sept collines ».
Dans la nuit de dimanche à lundi, une pluie diluvienne a endommagé des dizaines de maisons dans la zone. Bilan sans appel : 30 personnes ont perdu la vie, et plus de 20 autres ont été blessées, dont un bébé de moins d’un an.
Au sommet de ce mont, se trouve un mini lac, bordé par une digue en béton. Les eaux du lac ont débordé, brisant la digue, et emportant sur leur passage des maisons sur le versant. Des habitants ont été surpris, le cas d’une famille qui a perdu 9 enfants qui étaient en pleine célébration d’un anniversaire.
Inconsolable, assise sur les décombres, au pied d’un manguier, l’un des rares ayant résisté à la furie des eaux, Eveline a perdu son enfant et sa belle-sœur dans ce drame : « j’ai entendu un bruit très fort. Mon petit frère qui était dehors a crié, ma famille va mourir. Il a bondi dans l’eau, dans l’espoir de sauver sa femme, son bébé et mon enfant qui était chez eux. Mais il n’y est pas parvenu. Tous sont morts, excepté ce bébé de trois semaines qui a été miraculeusement retrouvé vivant dans la nuit. ».
Récurrence des éboulements
Le drame de Mbankolo est le deuxième en l’espace d’un an dans la ville de Yaoundé. En novembre 2022, 15 personnes avaient péri dans des circonstances presque similaires au quartier Damas, situé à quelques Kilomètres de là.
Il y a une semaine, c’est deux personnes qui ont perdu la vie à Japoma dans la capitale économique Douala. Au mois de juillet, c’est l’effondrement d’un immeuble qui avait coûté la vie à 9 personnes toujours à Douala, suite à de fortes pluies.
Mais ces bilans sont de loin moins élevés, que les 42 morts du 28 octobre 2019 à Gouache, dans le troisième arrondissement de Bafoussam, principale ville de l’ouest du Cameroun. Leur mort a provoqué l’émoi dans le pays.
Les causes du phénomène
Le dénominateur commun de ces hécatombes qui surviennent souvent entre les mois d’Octobre et Novembre, ce sont les fortes pluies, qui s’abattent dans le pays, couplées à un habitat peu contrôlé et insalubre. « Ces maisons ont été construites dans une zone dangereuse », a réagi le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, descendu sur le terrain, après le drame de Mbankolo
A cela s’ajoute le déficit d’assainissement, confie un riverain. « Nous avons abandonné le lac (situé au sommet du mont Mbankolo) confie un riverain, et les populations utilisaient ce lac comme poubelle. Les eaux ne trouvant plus de passage, elles ont détruit les murs environnants », déclare-t-il.
L’occupation anarchique de ces zones découle aussi de la difficulté qu’ont les autorités à établir un plan d’urbanisation clair, et à gérer la question du foncier dans la capitale, à en croire les explications d’un plan d’urbanisme de la capitale politique camerounaise, rendu public en 2008 par la communauté urbaine de Yaoundé.
Cette catastrophe de Mbankolo selon la ministre de l’habitat et du développement urbain « rappelle la responsabilité de tous, sur le respect des documents d’occupation du sol ».
Pour Célestine Ketcha Courtes, l’accident de Mbankolo est la conséquence d’une occupation anarchique des zones interdites : « on a occupé le lit de l’eau. Il faut libérer les zones non constructibles afin de sauver les populations de constructions menaçant ruine que nous voyons. Si rien n’est fait, d’ici quelques jours, nous allons encore vivre un autre drame ».
Le membre du gouvernement appelle les gouverneurs de régions et les maires de villes, à poursuivre l’opération de libération des zones d’occupation interdites, où se sont illégalement installées les populations.
Main molle du gouvernement ?
La protection des citoyens et l’évaluation des risques au Cameroun incombent à la direction de la protection civile que nous avons en vain cherché à joindre pour discuter des mesures de préventions prises.
Cette direction est logée au ministère de l’Administration territoriale. En 2018, cette direction a fait une descente sur le terrain dans la Zone de Akok Ndoé, toujours dans la capitale Yaoundé, où un énorme rocher suspendu menaçant de s’écrouler sur les maisons environnantes, situées sur le même versant, faisait les choux gras de la presse.
«Cette fissure est déjà grande. Ça s’élargit davantage. Nous allons dresser un rapport que nous allons adresser au chef de l’Etat. Il donnera des orientations et ceux qui sont chargés de gérer le problème vont s’atteler à cette tâche. Les gens sont allés construire en bas du rocher. C’est extrêmement dangereux ». Déclarait le ministre Atanga Nji à l’occasion.
Cinq ans plus tard, on est sans nouvelles de la suite reservée à cette descente des autorités, et rien n’a bougé sur le terrain, les habitants y sont toujours, rapporte le correspondant de la BBC sur place.
Les zones à risque se multiplient dans le pays, à mesure que la population urbaine s’accroit, entrainant de nouvelles demandes en zones habitables, dans un environnement où un plan d’urbanisme est presqu’inexistant.
Les populations construisent donc dans des zones « dangereuses, sur des flancs d’eaux et sur les collines » a déclaré le ministre de l’administration territoriale, ajoutant que « ce drame est un drame de plus, mais un drame de trop… je pense qu’il faut mener une réflexion pour les arrêter »