Pourquoi est-ce si difficile de voyager à l'intérieur du Congo ?

Pourquoi est-ce si difficile de voyager à l'intérieur du Congo ?

Sat, 7 Oct 2023 Source: www.bbc.com

En RDC, les vols de la compagnie nationale d'aviation, Congo Airways sont suspendus depuis quelques semaines.

Une situation qui complique le déplacement de la population, qui compte sur les airs pour joindre les différents recoins de ce vaste pays, le deuxième en terme de superficie en Afrique.

Toute la flotte est clouée au sol, en attente d'entretiens éventuels. Conséquence : les prix des billets ont flambé. Pourtant, ils étaient plafonnés par le gouvernement depuis deux ans et ce, pour toutes les destinations, entre $95 et $201.

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En RDC, le transport aérien reste la seule option, si on veut voyager avec un minimum de confort et faire une économie de temps. Les autres voies, à l'occurrence, les trains, les bateaux et les routes sont parfois impraticables.

Les raisons de la suspension

Selon le Directeur Général de Congo Airways, le Commandant José Dubier Lueya, un pilote qualifié Boeing, le moteur de l'Airbus A320 qui était encore en état de voler est malheureusement obsolète, il faut donc absolument le remplacer.

Rappelons qu'à sa création, la compagnie possédait deux avions Bombardier. L'un est en entretien et l'autre est hors service, depuis longtemps. D'où cette suspension technique par manque d'appareil.

Mais la compagnie nationale congolaise, plie également sous le poids d'une dette qui s'élève aujourd'hui à au moins 100 millions de dollars. Cette dette représente les salaires de son personnel qualifié de pléthorique, soit 600 employés pour une flotte de trois appareils. Certaines sources ont révélé à notre correspondant à Kinshasa des mois d'arriérés de salaires. Il faut aussi ajouter les montants dû aux fournisseurs, y compris à la fiscalité et la parafiscalité.

Un plan de relance de 33 millions de dollars

Le 13 septembre dernier, la direction générale de Congo Airways a présenté au Premier ministre Sama Lukonde, un plan de relance de 33 millions USD pour sortir de la crise. Le management de la compagnie envisage, dans l'urgence, réparer ses trois appareils : deux ont besoin des moteurs et le Bombardier DHC8-Q400 se trouve encore en République de Malte, depuis plus d'un mois pour un entretien calendaire. Depuis la suspension des vols, les deux Airbus se trouvent encore sur le tarmac de l'Aéroport International de N'djili dans la capitale congolaise.

Une subvention de 10 millions de dollars

Selon un communiqué du ministère des Transports, le gouvernement congolais a débloqué 10 000 000 USD pour faire le leasing (une sorte de location avec achat en option) de deux avions et d'autres acquisitions. Un soin palliatif en attendant la relance rapide de la compagnie aérienne nationale Congo Airways.

Dans la foulée, le gouvernement a annoncé le 22 septembre la signature d'un protocole d'accord avec « Ethiopian Airlines Group » pour la création d'une nouvelle compagnie nationale aérienne dénommée « Air-Congo ». Un partenariat qui vise, selon le gouvernement, à mettre en œuvre une stratégie entre les deux parties pour favoriser le développement des investissements dans le domaine aéronautique, la consolidation de l'exploitation des réseaux ainsi que le renforcement des capacités sur le plan technique et opérationnel. Le projet Air Congo, une joint-venture composée des 51% de capitaux congolais, disposera d'au moins 7 avions à ses débuts.

Le gouvernement congolais rassure cependant que ce processus ne se fera pas au détriment de "Congo Airways" dont la mise en œuvre du Plan d'urgence et de stabilisation est en cours.

Quid des autres moyens de transport ?

Les transports sont essentiels pour soutenir la croissance économique, créer des emplois et relier les populations à des services essentiels comme les soins de santé ou l'éducation. Malheureusement, la RDC, comme de nombreux pays en développement, n'est pas en mesure de tirer parti des avantages de bons moyens de transport.

Selon la Banque africaine de développement, le réseau routier de la RDC, long de 152 400 km, est aujourd'hui impraticable à près de 95%.

La dégradation de la situation économique du Pays entre 1990 et 2003, qui a eu pour conséquence le traitement des dotations budgétaires nationales, n'a pas permis à l'administration congolaise de soutenir l'effort nécessaire en matière de pérennisation des investissements routiers.

Pour faire face à cette situation, le gouvernement a mis en place plusieurs stratégies pour remettre en place un système de transport routier performant.

La SNCC, une entreprise en difficulté

La Société Nationale des Chemins de Fer du Congo dessert 12 de 26 provinces : le Haut-Katanga, le Lualaba, le Haut-Lomami, le Lomami, le Tanganyika, le Maniema, la Tshopo, le Kasaï, le Kasaï Oriental, le Kasaï Central, le Sud Kivu et le Nord Kivu.

Elle exploite en effet un vaste réseau multimodal comprenant la voie ferrée sur 3.641 km dont 858 km de voie électrifiée, la voie lacustre sur 1 531 km, la voie fluviale sur 700 km et la voie routière sur 128 km.

Cependant, entre vétustés de ses équipements, difficultés financières et problèmes de management, la société peine à satisfaire les attentes des populations.

Relance du trafic lacustre au Kivu

La navigation sur les eaux congolaises est également périlleuse. Selon les statistiques combinées par notre correspondant à Kinshasa, entre 2018 et 2023, l'on a recensé plus de 30 naufrages ayant causé la mort d'au moins 800 personnes et la disparition de plus de 200 voyageurs.

Pour assurer un transport en toute sécurité, la SNCC vient d'annoncer la relance du trafic lacustre sur le lac Kivu avec une dotation des 4 vedettes rapides de ligne.

Deux équipes de techniciens chinois sont attendues pour les opérations de mise à flot des dites vedettes. La société informe que des techniciens congolais seront formés pour manipuler et assurer la maintenance de ces unités de navigation.

En outre, le train Nyota a repris la circulation en septembre 2023 pour assurer la ligne Lubumbashi-Sakania, longue de 255 km.

Le port stratégique de Goma

Par contre, à Goma dans l'Est de la RDC, le bateau est un moyen de transport utilisé par des centaines de personnes tous les jours. Cela grâce aux ports dont le plus important de cette ville volcanique est le port de Goma.

Ce trafic maritime s'effectue sur le lac Kivu qui relie la ville de Goma à celle de Bukavu et à d'autres îles du lac.

Sur les 17 quais de ce port de Goma accoste une dizaine de bateaux. C'est essentiellement de bateaux cargos passagers qui ont la capacité de transporter entre 100 et 150 tonnes.

Ces bateaux transportent marchandises et passagers à la fois et peuvent prendre jusqu'à 8 heures de temps pour atteindre Bukavu à 110 km. Il y a également des armateurs qui exploitent les vedettes rapides qui, elles, peuvent prendre jusqu'à 3 heures de temps pour la même distance.

Le port de Goma enregistre chaque mois plus 1500 tonnes de marchandise et environ 36 000 personnes en moyenne et parfois 48 000 passagers pendant les grandes vacances, indique la Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC).

Un trafic dominé par le secteur privé

La SNCC est à la fois concessionnaire et autorité de régulation du port de Goma. Cette société publique fait louer ses quais aux armateurs privés. Elle ne reste qu'avec un remorqueur avec une barge dotée depuis des années 70 et qui ne transporte que les marchandises.

Tous les autres bateaux appartiennent à des sociétés privées. En RDC ce sont les armateurs du Kivu qui ont de beaux bateaux de luxe. Ces sociétés recourent à la main-d'œuvre locale pour la construction des bateaux.

Des Ingénieurs aux peintres, tout est fait par le génie congolais. Des chantiers navals sont installés à Goma et à Bukavu

La traversée de 110 km entre Goma et Bukavu est accessible et varie entre 5 et 50 dollars US selon le confort et la rapidité. Ces bateaux font parfois une escale dans les localité le long du lac Kivu. Souvent à Kalehe, Birava et sur l'île d'Idjwi, dans le Sud-Kivu.

Moyen important d'approvisionnement en nourriture

De Goma vers Bukavu, ces bateaux transportent les produits vivriers. Principalement les pommes de terre, le haricot, le lait, mais aussi des produits divers. De Bukavu, c'est principalement les produits brassicoles qui sont acheminés vers Goma

Le trafic est effectif tous les jours entre 6H et 18H. Le bateau qui quitte le port dans la soirée peu importe sa vitesse ne doit accoster que le matin. Cela suite à la situation sécuritaire dans la zone. "Normalement les passagers et marchandises devraient accoster même pendant les heures vespérales mais les conditions sécuritaires ne permettent pas", regrette Muganza Huhiya, l'un des responsables du port de Goma.

Appui des bailleurs de fonds

En 2022, dans le cadre de son engagement en République démocratique du Congo, le Conseil d'administration de la Banque mondiale a approuvé un appui budgétaire de 500 millions de dollars pour renforcer les transports et la connectivité en RDC.

Le projet d'appui au transport soutiendra le programme du gouvernement visant à mieux intégrer le pays en rétablissant la liaison de transport routier Est-Ouest, en modernisant les principales infrastructures de transport.

Plus précisément, il financera la modernisation et le revêtement de 440 km de routes résilientes au climat dans les provinces du Kasaï et du Nord-Kivu.

En plus, la BAD et le gouvernement congolais ont signé en mars 2022 trois accords de financements, dont l'un, d'une valeur de 98 millions USD, porte sur l'aménagement de la route Bukavu-Goma.

Les travaux seront réalisés sur un linéaire total de 117 km, avec la connexion de certaines routes rurales à la RN2.

La réalisation de tous ces projets d'infrastructures routiers, maritimes et aériens permettrait d'améliorer la mobilité des populations en RDC.

Source: www.bbc.com