Moins de cinq mois après la destitution du président nigérien Mohamed Bazoum lors d'un coup d'État, la France, ancienne puissance coloniale, a retiré ce vendredi, ses dernières troupes qu'elle avait déployées dans cet État d'Afrique de l'Ouest pour combattre les militants islamistes qui menacent la stabilité de la région.
Les relations avec Paris sont au plus bas - l'ambassadeur de France Sylvain Itté est parti en septembre sur l'insistance de la junte militaire - tandis que l'Union européenne (UE) est également snobée.
Les adieux se sont matérialisés ce vendredi, avec le départ du personnel de l'ambassade de France au Niger et la fermeture de cette mission diplomatique pour une durée indéterminée.
L'ambassade déclare qu'elle "n'est plus en mesure de fonctionner normalement ni de remplir ses missions" en raison des restrictions imposées par le gouvernement militaire du Niger.
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Le personnel local de l'ambassade a également été licencié, a indiqué l'ancien ambassadeur de France, Sylvain Itté, dans une lettre.
Ce matin, le dernier avion transportant les militaires français qui se trouvaient encore au Niger a quitté Niamey cette fin de matinée.
La junte, dirigée par le général Abdourahmane Tchiani, a unilatéralement annulé les accords en vertu desquels des spécialistes de l'UE formaient depuis de nombreuses années les forces de sécurité nigériennes.
Le président destitué Bazoum considère la France comme un partenaire militaire crucial. Lorsque les troupes françaises et d'autres forces spéciales européennes se sont retirées du Mali en 2022, il leur a demandé de se redéployer dans les fragiles zones frontalières ouest du Niger en proie aux attaques jihadistes, où elles opéraient alors sous commandement nigérien.
Mais après la condamnation virulente du président Emmanuel Macron du coup d'État du 26 juillet et son soutien public à M. Bazoum, toujours détenu dans sa résidence présidentielle, les nouveaux dirigeants militaires du Niger ont opté pour un changement radical de politique, exigeant le retrait des Français.
La plupart des 1 500 militaires français sont partis depuis et les derniers soldats déployés au Niger, 157 au total, ont quitté le pays vendredi matin, a annoncé l'armée nigérienne.
Les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali ces trois dernières années ont tous joué de manière opportuniste la carte anti-française pour accroître leur popularité.
Alors que leurs pays subissent la pression d’un isolement économique croissant et d’un soutien réduit au développement et à la sécurité, l’ancienne puissance coloniale constitue un bouc émissaire utile.
Paris, et bien sûr Bruxelles, ont également payé le prix de leur fort soutien à la Cedeao.
Le protocole de démocratie et de bonne gouvernance adopté en 2001 par le bloc régional, constitue le fondement de sa position intransigeante à l'égard des putschistes et de ses efforts pour faire pression sur eux afin qu'ils prennent des mesures en vue du rétablissement d'un gouvernement élu, le Niger étant particulièrement visé par un blocus commercial et la menace de intervention militaire.
Pourtant, la Cedeao elle-même est largement impopulaire, souvent décrite comme un club de présidents qui a fermé les yeux sur les trucages électoraux et les manipulations constitutionnelles alors que les chefs d’État cherchent à prolonger leur séjour au pouvoir.
Après le coup d'État, les États-Unis ont suspendu leur coopération militaire avec les forces de sécurité du Niger, mais Mme Phee a déclaré que Washington avait l'intention de reprendre la collaboration et le soutien au développement « par étapes », en réponse aux mesures prises par la junte pour restaurer la démocratie.
Outre les programmes de formation de longue date avec les forces nigériennes, les États-Unis disposent de bases de drones à Niamey et à Agadez, aux portes du Sahara, qu'ils considèrent comme cruciales pour surveiller l'activité des groupes jihadistes dans la région et des mercenaires de Wagner au Mali et en Libye.
Cependant, les dirigeants militaires du Niger sont également confrontés à des dilemmes épineux. Même si les ouvertures de la Russie et les déclarations de solidarité du Burkina Faso et du Mali apportent un certain réconfort politique, les réalités humanitaires et sécuritaires sont sombres.
Les efforts de M. Bazoum visant à réaffirmer le contrôle sécuritaire des zones frontalières fragiles, en créant de meilleures conditions pour le retour chez eux des populations déplacées, avaient commencé à porter leurs fruits – avec des niveaux de violence en baisse continue depuis 2021, selon le groupe de surveillance de la violence Acled.
L’amélioration des récoltes et le fort soutien des donateurs réduisaient également le risque de crise alimentaire pour les communautés rurales.
Mais depuis le coup d’État, la combinaison des sanctions commerciales de la CEDEAO et de la suspension d’une grande partie de l’aide au développement a fortement détérioré les conditions de vie de nombreux ménages et mis en péril les programmes de développement à long terme.
Et après le redéploiement de nombreuses unités militaires à Niamey pour se prémunir contre une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO, on a assisté à une recrudescence des attaques jihadistes et des violences intercommunautaires ailleurs dans le pays.
Par exemple, fin octobre et début novembre, quelque 4 750 villageois ont fui vers la ville de Bankilaré, à l’ouest, après que des groupes armés les ont forcés à abandonner leurs maisons.
En théorie, la nouvelle alliance du Niger avec le Burkina Faso et le Mali pourrait améliorer la coopération militaire transfrontalière pour lutter contre les djihadistes, les criminels et la violence communautaire.
Mais les forces ne bénéficient plus des capacités de renseignement et de soutien aérien de haute technologie que la France et les États-Unis étaient en mesure de fournir.
Paul Melly est consultant au sein du programme Afrique à Chatham House à Londres.