Pouvoir : Paul Biya vole la vedette à la reine Elizabeth II

Le président camerounais Paul Biya est désormais le chef d'État le plus âgé du monde après le décès de la reine Elizabeth II de Grande-Bretagne, jeudi. La reine s'est éteinte paisiblement à Balmoral, en Écosse, jeudi, à l'âge de 96 ans, a annoncé le palais de Buckingham.

"Le décès de Sa Majesté Elizabeth II est ressenti douloureusement et affecte le Commonwealth des Nations. Elle avait une stature unique et a joué un rôle emblématique à travers l'histoire", a tweeté M. Biya, qui devient désormais le chef d'État en exercice le plus âgé du monde.

L'autocrate de 89 ans est à la tête de la plus grande économie d'Afrique centrale depuis 40 ans et plus. Si l'on ajoute les sept années qu'il a passées en tant que Premier ministre à son règne de quatre décennies, Biya serait le plus ancien dirigeant non royal au monde.

Ralentissement économique

M. Biya est suivi en âge par Michel Naim Aoun, ancien général militaire de 88 ans, président du Liban depuis octobre 2016.

Sous Biya, le Cameroun a survécu à une récession économique du milieu des années 1980 au début des années 2000 et est passé d'un parti unique à un État multipartite.

L'homme lion, comme l'appellent affectueusement les membres du parti au pouvoir, le Mouvement démocratique du peuple camerounais (RDPC), et ses admirateurs, a accepté à contrecœur le multipartisme dans les années 90, bien qu'il soit resté un grand vainqueur des élections, les partis d'opposition estimant que tous les votes étaient systématiquement truqués en sa faveur.

Le Cameroun n'a eu que deux chefs d'État depuis son indépendance de la France en 1960 et Biya est le seul président que la plupart des près de 28 millions de Camerounais (World Population Review) aient jamais connu. Il a hérité d'un pays de moins de 10 millions d'habitants lorsqu'il a prêté serment pour la première fois en 1982, succédant au premier président du pays, Ahmadou Ahidjo. La population camerounaise est essentiellement composée de jeunes, plus de 60 % de la population ayant moins de 25 ans.

Biya a suscité l'espoir lorsqu'il a pris la tête du pays, mais son mandat a été entaché de controverses, le dirigeant étant vivement critiqué pour son régime autoritaire et sa corruption endémique dans un pays où un citoyen moyen vit avec moins de 2 dollars par jour.

Le Cameroun a été classé comme "le pays le plus corrompu du monde" par Transparency International, qui a classé le pays comme la première nation la plus corrompue du monde successivement en 1998 et 1999.

Biya est également devenu célèbre pour être un président absent qui gouverne depuis l'étranger, dépensant sans compter l'argent des contribuables dans des hôtels luxueux en Suisse, qui est décrite comme la seconde résidence du dirigeant en vacances permanentes. Il se rend régulièrement dans le pays alpin pour se reposer à l'hôtel Intercontinental de Genève.

Une enquête menée en 2018 par l'Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a estimé que Biya avait passé près de 60 jours en visites privées hors du pays l'année précédente et qu'il avait passé un tiers de l'année à l'étranger en 2006 et 2009.

Le rapport, qualifié de "propagande" par les partisans de Biya, indique que le dirigeant a dépensé 182 millions de dollars pour ses voyages privés depuis qu'il est devenu président. Selon le rapport, Biya dépensait 40 000 dollars par jour pour son hébergement à l'hôtel et celui de son entourage.

Un parlement dominé

Biya n'aurait pas pu se présenter et être élu pour un sixième mandat en 2011 si le Parlement, dominé par le parti au pouvoir, n'avait pas voté trois ans plus tôt un amendement à la Constitution, supprimant la limitation des mandats présidentiels. Cette modification de la constitution a permis à Biya de se maintenir indéfiniment au pouvoir.

Le Cameroun a été en grande partie relativement paisible sous Biya jusqu'à ce qu'une insurrection de Boko Haram, basé au Nigéria, ne déborde sur le pays depuis 2013. Trois ans plus tard, ce qui pourrait être son plus grand défi - une grève industrielle des avocats et des enseignants dans la partie anglophone du pays - a commencé. Elle s'est transformée en un conflit séparatiste qui a réprimé les manifestants.

Des groupes séparatistes ont vu le jour et ont multiplié les demandes d'indépendance des deux régions, donnant naissance à des groupes armés qui affrontent depuis les troupes gouvernementales. Les violences ont fait environ 6 000 morts et provoqué une crise humanitaire majeure, avec près de 600 000 personnes déplacées dans les régions anglophones et voisines, et plus de 77 000 personnes contraintes de se réfugier au Nigeria, selon les organisations humanitaires.

Biya, qui s'adresse rarement aux médias, a laissé en suspens la question de savoir s'il allait se représenter ou se retirer à la fin de son mandat actuel lorsqu'il a déclaré à un journaliste français, en juillet, qu'il lui restait encore trois ans avant l'expiration de son mandat actuel de sept ans.

"Attendez la fin du mandat pour savoir si je vais rester ou retourner au village", a déclaré Biya lors d'une conférence de presse conjointe avec le président français en visite Emmanuel Macron à Yaoundé.