Prédation foncière : Eyebe Ayissi fait monter la pression

Eyebe Ayissi Insécurité Alimentaire Les titulaires desdits titres étaient majoritairement des barons du pouvoir

Mon, 12 Aug 2024 Source: Mutations

Le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières demande à tous les conservateurs fonciers de lui fournir la liste des titres fonciers et des arrêtés de concessions couvrant des superficies individuelles ou cumulées égales ou supérieures à 50 hectares.

Le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), dans une correspondance adressée hier jeudi aux délégués départementaux de cette administration à l’attention des conservateurs fonciers, demande à avoir, dans les plus brefs délais, la liste des titres fonciers et des arrêtés de concessions définitives sur des dépendances du domaine national établis dans le ressort de leurs territoires de compétences respectifs et couvrant des superficies individuelles ou cumulées égales ou supérieures à 50 hectares, « en mettant en évidence l’identité des titulaires desdits titres fonciers et arrêtés ministériels ». Cette mesure s’inscrit dans le droit fil des « très hautes instructions » de la présidence de la République, « d’enquêter en profondeur et établir les responsabilités des différents acteurs impliqués dans la spoliation du domaine privé de l’Etat et les atteintes à la propriété foncière des particuliers ».

Henri Eyebe Ayissi se mobilise ainsi en amont, manifestement pour faciliter la tâche au secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie (Sed) et à la délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn), en charge de mener ladite enquête qui annonce un cataclysme dans la fourmilière de la prédation foncière au Cameroun. Deux jours avant, dans le département du Mfoundi qui abrite la capitale, le préfet Emmanuel Mariel Djikdent, dans un avis aux usagers, annonçait que « le traitement des dossiers fonciers sur le domaine privé de l’Etat au profit des particuliers est suspendu jusqu’à nouvel ordre en attendant les conclusions de l’enquête mixte Sed/Gie et Dgsn y relative ». Ces évolutions font monter la pression sur les adeptes de la spéculation foncière et leurs complices. Le 1er août dernier, Henri Eyebe Ayissi avait déjà saisi son délégué régional pour le Centre, lui intimant de suspendre les passations de service, jusqu’à nouvel avis, entre les délégués départementaux entrants et sortants du Mindcaf de la Mefou et Afamba et de la Mefou et Akono. Dans ces deux circonscriptions qui connaissent une urbanisation accélérée en raison de leur proximité avec une ville de Yaoundé qui n’arrête pas de s’étaler, les problèmes fonciers sont une véritable bombe à retardement.

Délinquance Cette mesure indique a priori que le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, lui-même, est dans le viseur de la très haute hiérarchie qui a instruit la mise en place d’une commission mixte pour enquêter sur la délinquance foncière qui a atteint des proportions inquiétantes dans le pays et qui met en évidence un niveau d’affairisme alarmant non seulement au sein de cette administration qui délivre les titres de propriété en matière foncière, mais aussi dans l’Administration territoriale dont les patrons des services déconcentrés, notamment les sous-préfets et les préfets, sont ceux qui transmettent au Mindcaf les procès-verbaux des descentes sur le terrain, assortis d’avis motivés sur le statut juridique des parcelles, y compris lorsqu’elles ne relèvent pas du domaine privé de l’Etat. En 2020, le Tribunal criminel spécial (Tcs) a condamné une quarantaine de personnes dont Jean François Vilon, préfet de l’Océan (Sud) au moment des faits et Jean Hubert Bessala, sous-préfet de Kribi 1er, à 12 ans de prison ferme pour leur implication avérée dans la fraude massive ayant entaché les opérations de recensement et d’indemnisation des personnes et des biens relativement au projet du port en eau profonde de Kribi et de sa zone industrielle.

Jean Gabriel Eyebe, l’alors chef du service régional des Affaires foncières du Sud, avait écopé de la même peine, tandis que le coordonnateur de ce projet industrialo-portuaire, Louis Nlend Bahanag, en fuite à l’étranger, avait écopé d’une condamnation à perpétuité par contumace. Dans le meilleur des cas, l’enquête Sed-Dgsn sur la prédation foncière devrait déboucher sur un nombre important de titres fonciers, surtout ceux acquis frauduleusement. Un précédent sur la question : le 10 juillet 2023, le Mindcaf avait annulé 127 titres fonciers établis frauduleusement à des particuliers dans la zone impactée par le projet d’exploitation industrielle du gisement de fer de Lobé, dans le département de l’Océan (Sud). Les titulaires desdits titres étaient majoritairement des barons du pouvoir ou en tout cas des personnes bénéficiant de soutiens haut placés dans l’administration.

Source: Mutations