Le Conseil constitutionnel vient de recevoir deux (2) importants recours. Ils proviennent de l’avocat camerounais Christian Bomo Ntimbane et candidat déclaré aux prochaines élections. Il indique d’ailleurs que l'audience se tiendra le 01 août 2023 à 11 heures à Yaoundé.
« Chers compatriotes, dans l'intérêt de la démocratie, de la tenue des élections libres et transparentes dans notre pays, j'ai déposé le 21 juillet 2023, 02 recours devant le Conseil Constitutionnel de notre pays, statuant, je le précise, comme juge de droit commun des élections présidentielle et législatives et non pas, comme juge de la constitutionnalité des lois », écrit-il sur sa page Facebook.
I- S'AGISSANT DE LA PREMIÈRE REQUÊTE PORTANT SUR L’ANNULATION DU FICHIER ELECTORAL DU FAIT DE L' ABSENCE D' UN ORGANE ELECTORAL INDÉPENDANT AU CAMEROUN
L'objectif visé in fine, est la création au Cameroun d'un véritable organe chargé des élections, indépendant, et qui aura seule, la charge d' organiser totalement et en toute indépendance, les élections.
Car il faut le noter, ce n'est pas ELECAM qui gère le processus électoral ou organise les élections au Cameroun. Ce sont plutôt des structures Ad hoc , sans aucune personnalité juridique, appelées Commissions électorales mixtes composées en majorité des fonctionnaires soumis à leur hiérarchie qui le font.
Ce sont elles, qui confectionnent le fichier électoral par l'établissement des listes électorales, organisent le vote et compilent les résultats des élections présidentielle et législatives, que le Conseil Constitutionnel ne fait que proclamer. ELECAM ou plus exactement les membres d'Elecam, ne sont donc que des simples membres de ces commissions électorales mixtes.
ELECAM est en réalité et simplement, un organisme qui fournit la logistique pour la tenue des élections. Bref du matériel et le personnel d'appui pour l' organisation des élections.
Constant cette immixtion des commissions électorales mixtes dans le processus électoral, il est demandé aux Juges constitutionnels:
1- De déclarer que le Cameroun ne dispose pas d'un organe électoral indépendant , et ce, en violation de la Charte Africaine de la Démocratie, des élections et de la Gouvernance ( CADEG) et de la Déclaration de BAMAKO de la Francophonie de 2000 qui sont respectivement des traité et accord ratifiés ou approuvés par le Cameroun, et dont les dispositions contraignent les États membres à se doter d'organes électoraux indépendants.
Cette charte et cette déclaration font partie des textes qui s' appliquent comme des lois au Cameroun , avec la particularité qu'elles s' imposent à toutes les lois notamment la loi portant code électoral, et ce conformément à l' article 45 de la constitution qui dit que:
"Les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont dès lors l' autorité supérieure à celle des lois"
2- De tirer les conséquences de cette violation de ces traité et accord par l' annulation de toutes les opérations préparatoires à l'élection présidentielle de 2025 en cours, entendu ici, les révisions des listes électorales faites par les commissions mixtes électorales.
Car c' est ce fichier électoral actuellement en cours d' établissement, qui servira à l' élection présidentielle de 2025.
En d'autres termes , il est demandé au Conseil Constitutionnel d'annuler le fichier électoral du Cameroun et de faire reprendre de nouvelles inscriptions électorales, sous l'égide d' un organe électoral indépendant.
La question qui pourrait se poser , est celle de ma qualité à agir, devant le Conseil Constitutionnel.
Il y a lieu de préciser une fois de plus que je n' ai pas saisi le Conseil Constitutionnel, en sa qualité de juge de la constitutionnalité des lois, auquel cas, il ne pourrait être saisi que par les présidents de la République, du Sénat , de l'assemblée nationale, du tiers des sénateurs ou du tiers des députés .
Ici, je saisis le juge constitutionnel comme juge de droit commun de l' élection présidentielle. Exactement comme une saisine du juge administratif en ce qui concerne les élections municipales.
À cet effet, en sa qualité de juge de la régularité de l'élection présidentielle , le Conseil Constitutionnel est compétent à connaître des requêtes des personnes éligibles en l' état à la candidature présidentielle.
Des illustrations de droit comparé ont été faites par rapport à ce qui se pratique ailleurs, notamment en France, un pays dont les dispositions sur le contrôle de la régularité de l'élection présidentielle et législatives dévolu au conseil Constitutionnel, sont rédigées de façon similaire à celles du Cameroun.
En France, alors que la loi ne le précise pas, le Conseil Constitutionnel dans son interprétation de ses pouvoirs en matière de contrôle de la régularité des élections présidentielle et législatives, permet à toute personne qui y a intérêt, de contester les opérations préparatoires avant la tenue de l' élection proprement dite.
Au demeurant ,la constitution camerounaise prévoit que tout camerounais jouissant de ses droits civiques et politiques et âgé de 35 ans, peut candidater à la présidence de la République.
Ce qui signifie que la loi n' ayant pas spécifié les personnes qui peuvent saisir le Conseil Constitutionnel pour contester les actes préparatoires électoraux qui se déroulent dans l'irrégularité, tout Camerounais potentiel candidat à la présidence de la République peut saisir le Conseil Constitutionnel.
Les opérations préparatoires à l'élection présidentielle de 2025, qui ont un impact sur la régularité de cette élection , étant en cours, notamment avec la constitution du fichier électoral qui se fait par les opérations de révision des listes électorales ,il est tout à fait justifié de saisir le Conseil Constitutionnel relativement aux irrégularités constatées et qui pourraient avoir un impact sur la régularité de l'élection présidentielle à venir.
II- S'AGISSANT DE LA DEUXIÈME REQUÊTE AUX FINS DE CONTESTATION DE LA CONDITION DE RESIDENCE D' AU MOINS 12 MOIS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL, JUSTE POUR ÊTRE CANDIDAT.
L'objectif de cette seconde requête est de rendre inopposable à l'égard des camerounais résidant à l'étranger, la condition de résidence continue sur le territoire national 12 mois consécutifs, avant l'élection présidentielle, qui leur est imposée par l'article 117 du Code électoral.
En fait pour être candidat à la présidence de la République, les camerounais de la diaspora doivent abandonner leurs emplois ,au moins pendant 12 mois .
Même si, personnellement ,je reviendrai au Cameroun avant l'élection présidentielle pour convaincre et proposer une alternative de gouvernance crédible, cette disposition est une injustice qu'il faut juridiquement dénoncer , dans notre vision d'un pays de justice sociale.
D'ailleurs la quasi totalité des pays africains, sauf quelques exceptions , comme Madagascar qui impose un délai de 06 mois de résidence, n'ont pas cette disposition discriminante.
En effet, cette condition de résidence prévue par la loi portant code électoral est contraire à la Constitution camerounaise, qui a pris soin de fixer les conditions personnelles à remplir par les candidats à l'élection présidentielle , à savoir : être de nationalité camerounaise, âgé de 35 ans révolus, jouir de ses droits civiques et politiques.
Le rajout de la condition de résidence de nature personnelle opérée par le législateur lors de l'adoption du code électoral, est une modification constitutionnelle déguisée, même si la constitution a prévu en son article 6 qu'une loi organisera le régime de l'élection à la présidence de la République.
Cette loi de renvoi qui est la loi portant code électoral, ne devrait se limiter qu'à fixer les conditions matérielles et non plus les conditions personnelles spécifiées et encadrées par la constitution.
La loi portant code électoral étant juridiquement inferieure à la constitution, le juge électoral qui est le Conseil Constitutionnel, a l'obligation d’écarter l’application de toutes ses dispositions contraires à la constitution, lorsqu' il est saisi en contentieux .
C'est ce qu'on appelle en droit processuel, le contrôle de la constitutionnalité d'une loi par voie d'exception .
Il ne s'agit donc pas d'une procédure visant à annuler les dispositions du code électoral sur la condition de résidence. Mais de les rendre inopposables.
Tout juge de droit commun peut le faire et ils le font souvent dans nos juridictions.
En outre, cette condition de résidence viole aussi la Charte Africaine de la Démocratie , des élections de la démocratie et de la gouvernance ( CADEG) ratifiée en avril 2011 par le Cameroun, laquelle proscrit les actes de discrimination dans les processus démocratiques et électoraux.
En obligeant les camerounais qui résident à l'étranger à revenir s'installer au Cameroun, pour être candidats , alors qu'ils continuent à jouir de leur nationalité, de leurs droits civiques et politiques et même participent à l'élection du président de la République étant à l'étranger , contribuent au développement du pays par leurs transferts d' argent en devises supérieurs aux prêts en devises du FMI, cette condition de résidence porte de manière flagrante atteinte à l'égalité entre citoyens dans le processus électoral.
L’audience des plaidoiries est prévue le 01er août 2023 à 11 heures dans la salle des audiences de cette juridiction.