À 72 heures du scrutin, le président de l'UNDP clôture sa campagne par un meeting géant à Maroua. Longtemps sous-estimé, le "Baba" pourrait créer la surprise avec ses 600 élus et sa base militante indéfectible.
Ils étaient des milliers, massés sous le soleil ardent de Maroua ce vendredi, pour accueillir celui que beaucoup qualifiaient de "poids léger" dans cette présidentielle 2025. Mais la foule compacte et galvanisée qui a acclamé Bello Bouba Maïgari lors de son meeting de clôture de campagne raconte une tout autre histoire : celle d'un candidat qu'on a peut-être enterré trop vite.
Pendant que d'autres candidats multipliaient les déclarations fracassantes et les polémiques médiatiques, Bello Bouba Maïgari, 72 ans, a choisi une stratégie différente : le terrain, encore le terrain, toujours le terrain. Yagoua, Maga, Kafou, Mokolo... Le président de l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) a sillonné sans relâche les départements clés de l'Extrême-Nord, véritable poumon électoral du Cameroun.
Sa méthode ? Pas de grandes envolées lyriques, mais l'écoute. Partout où il est passé, le leader de l'UNDP est allé au contact direct des populations pour "toucher du doigt et comprendre leurs réalités quotidiennes". Une approche qui tranche avec le style clinquant de certains de ses adversaires.
Dans cette région confrontée à des défis majeurs — insécurité liée à Boko Haram, désertification, rareté de l'eau, chômage des jeunes — Bello Bouba Maïgari n'a pas promis la lune. Il a parlé solutions concrètes : irrigation maîtrisée, relance agricole, programmes d'emploi décentralisés, infrastructures adaptées aux réalités locales.
"Je veux transformer l'Extrême-Nord en région d'opportunités, plutôt qu'en zone d'assistance permanente", a-t-il martelé dans ses différentes étapes. Un discours pragmatique qui semble avoir trouvé écho auprès des populations lassées des promesses non tenues.
C'est peut-être le secret le mieux gardé de cette présidentielle : l'UNDP reste la deuxième force politique du Cameroun. Avec près de 600 élus — maires, députés, sénateurs, conseillers municipaux et régionaux confondus — le parti de Bello Bouba Maïgari dispose d'un maillage territorial que peu d'opposants peuvent revendiquer.
Mais au-delà des chiffres, c'est la nature de cette base qui impressionne. Contrairement aux partis de circonstance qui fleurissent à chaque élection, l'UNDP s'appuie sur une "communauté de conviction et d'héritage politique". Dans de nombreuses localités du Grand Nord, l'adhésion au parti se transmet de père en fils, formant une colonne vertébrale militante "enracinée, disciplinée et profondément attachée à son leader".
Cette fidélité transgénérationnelle explique pourquoi, après plus de quatre décennies de vie politique, Bello Bouba Maïgari peut encore mobiliser des foules considérables. Ce n'est pas de l'argent qui achète ces militants : c'est l'histoire, la constance, et une loyauté construite dans la durée.
"Le calme de l'expérience, la patience du stratège, et la fermeté d'un homme d'État" : c'est ainsi que ses proches décrivent Bello Bouba Maïgari. À 72 ans, le candidat n'a plus rien à prouver en termes de longévité politique. Mais a-t-il encore la capacité de peser sur le scrutin du 12 octobre ?
Le meeting de Maroua suggère que oui. L'atmosphère n'avait rien d'une simple fin de campagne protocolaire : c'était une "communion populaire, une manifestation d'espoir collectif". Sous les chants scandés par des militants vêtus aux couleurs du parti, le "Baba" a lancé un appel solennel qui résume toute sa stratégie : "Allez retirer vos cartes d'électeur, allez voter, car votre voix est votre pouvoir."
Message simple, mais profondément symbolique. Dans une élection tendue où la moindre voix compte, le vote discipliné des militants UNDP pourrait effectivement peser lourd dans la balance. Surtout dans une région, l'Extrême-Nord, qui compte parmi les plus peuplées du pays.
Alors que Paul Biya, 92 ans, brigue un huitième mandat après 43 ans au pouvoir, beaucoup d'électeurs de l'opposition hésitent sur le candidat capable de réaliser l'alternance. Cabral Libii incarne la jeunesse combative, Issa Tchiroma Bakary le transfuge du régime... Mais Bello Bouba Maïgari pourrait bien incarner une troisième voie : celle de l'expérience et de la stabilité.
"Un tempérament forgé dans la constance et la loyauté à ses convictions", rappellent ses partisans. Contrairement à d'autres figures de l'opposition qui ont multiplié les revirements ou les alliances de circonstance, le président de l'UNDP offre l'image de la continuité et de la fiabilité.
Cette posture pourrait séduire une partie de l'électorat fatigué par les joutes verbales et les accusations croisées qui ont marqué cette campagne. Bello Bouba Maïgari se présente comme le candidat du rassemblement tranquille, celui qui ne crie pas mais qui enracine.
"Dans le Cameroun électoral de 2025, la vérité ne se lit pas dans le vacarme médiatique, mais dans les urnes", préviennent les observateurs sur place. Et si la campagne a prouvé une chose, c'est que le "poids léger" Bello Bouba Maïgari est peut-être "le coup de tonnerre tranquille que personne n'avait vu venir".
Les sondages, rares et peu fiables au Cameroun, ne donnent aucune indication claire. Mais les signaux du terrain suggèrent que l'UNDP pourrait créer la surprise, notamment dans le Grand Nord où le parti reste hégémonique dans de nombreuses localités.
Avec ses 600 élus mobilisés comme relais de campagne, son ancrage historique dans la région la plus peuplée du pays, et une base militante qui vote de manière disciplinée, Bello Bouba Maïgari dispose d'atouts que ses rivaux plus médiatiques ne peuvent pas revendiquer.
Car c'est peut-être là que réside la vraie stratégie du candidat de l'UNDP : se positionner pour un éventuel second tour. Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue au premier tour — hypothèse de plus en plus évoquée dans les cercles politiques — le poids électoral de Bello Bouba Maïgari pourrait devenir déterminant.
Ses 600 élus et sa base militante indéfectible représenteraient alors un réservoir de voix convoité par tous les candidats qualifiés. Le "Baba", longtemps considéré comme un faire-valoir, pourrait se retrouver en position de faiseur de rois.
À trois jours du scrutin, une chose est certaine : Bello Bouba Maïgari a "rebattu les cartes dans le Grand Nord". Son style mesuré, son enracinement historique et sa base militante solide en font "un acteur incontournable du scrutin présidentiel".
"Ceux qui le croyaient effacé, dépassé, ou réduit au rôle de figurant, devront bientôt réviser leurs jugements", avertissent ses proches. Le meeting géant de Maroua n'était pas un baroud d'honneur, mais une démonstration de force qui rappelle que, dans la politique camerounaise, les apparences peuvent être trompeuses.
Le 12 octobre révélera si le "poids léger" était en réalité un poids lourd discret. En attendant, dans les rues de Maroua et des autres villes du Grand Nord, les militants de l'UNDP affichent une confiance que beaucoup jugeaient improbable il y a encore quelques semaines.