Présidentielle 2025 : Jacques Bougha-Hagbe, l'économiste du FMI qui veut révolutionner le Cameroun après le désastre Biya

Jacques Bougha Hagbe Image illustrative

Sun, 24 Aug 2025 Source: www.camerounweb.com

Candidat du Mouvement citoyen national camerounais, cet ancien expert du Fonds monétaire international propose de transformer le pays en "Kamerun" avec une monnaie nationale et 58 aéroports. Portrait d'un outsider aux ambitions démesurées.

À 50 ans, Jacques Bougha-Hagbe débarque sur la scène politique camerounaise avec la certitude de pouvoir "révolutionner" un pays qu'il souhaite rebaptiser "Kamerun". Candidat du Mouvement citoyen national camerounais (MCNC) à l'élection présidentielle du 12 octobre, cet économiste de formation internationale porte un programme de transformation radicale qui interroge autant qu'il fascine.

L'expert international face aux réalités camerounaises

Né le 30 novembre 1974, Jacques Bougha-Hagbe arrive dans l'arène politique fort d'un parcours académique et professionnel impressionnant. Titulaire d'un doctorat en économie de l'Université Cornell aux États-Unis et diplômé ingénieur de l'École Centrale Paris, il a consacré 22 années de sa carrière au Fonds monétaire international à Washington D.C.

Durant ce long séjour au sein de l'institution de Bretton Woods, il a acquis une expertise reconnue en politique budgétaire et monétaire, en gestion des finances publiques, et sur les défis complexes des pays en développement, particulièrement en Afrique et aux Amériques. Une expérience qu'il compte aujourd'hui mettre au service de son pays natal.

"Notre pays n'a pas besoin d'aller quémander de l'argent auprès des institutions financières internationales. Nous disposons d'un énorme potentiel pour nous développer nous-mêmes. Le Cameroun est plus riche que le FMI et la Banque mondiale réunis", affirmait-il récemment lors d'une conférence de presse dans son QG de campagne à Nkolndongo, Yaoundé.

Un programme pharaonique qui défie l'entendement

Le volumineux programme de Bougha-Hagbe, décliné en 20 chapitres, propose rien moins qu'une refondation totale du Cameroun. Ses ambitions défient parfois la logique économique qu'on pourrait attendre d'un ancien du FMI.

La révolution monétaire et institutionnelle

Au cœur de son projet : la sortie de la zone CFA et la création d'une monnaie nationale baptisée le "krou", gérée par une future Banque Centrale du Kamerun. Cette transformation s'accompagnerait du lancement d'un Fonds monétaire africain avec un Droit de tirage africain, inscrivant sa démarche dans une vision panafricaine assumée.

L'économiste propose également de transformer toutes les entreprises publiques en "entreprises populaires" et de créer un Fonds d'amélioration des revenus de la population (FARP) permettant aux couches les moins favorisées d'acheter des actions dans les entreprises stratégiques du pays.

L'infrastructure à marche forcée

Plus spectaculaire encore : Bougha-Hagbe promet de doter chaque département d'un aéroport national, soit 58 infrastructures aéroportuaires à construire. À cela s'ajoutent le développement de zones industrielles départementales, la création d'un réseau national de stations de recharge pour véhicules électriques, et la production locale de véhicules électriques équipés de panneaux solaires.

La reconquête symbolique

Attaché à l'histoire, le candidat du MCNC souhaite honorer les héros des indépendances en instaurant une "journée des martyrs" et une "quinzaine de l'Histoire", tout en officialisant l'orthographe "Kamerun" pour désigner le pays.

Les atouts d'un outsider technique

Face à ses 11 concurrents, Jacques Bougha-Hagbe peut faire valoir plusieurs avantages non négligeables. Sa longue expérience au FMI lui confère une crédibilité technique unique sur les questions économiques, cruciales dans un pays où la dette publique s'établit à 43% du PIB et où quatre Camerounais sur dix vivent sous le seuil de pauvreté.

Son statut d'outsider, exempt de tout passé politique compromettant, pourrait séduire un électorat en quête de renouveau. Sa vision panafricaine, notamment sur la sortie de la zone CFA, répond à une aspiration populaire croissante vers plus de souveraineté économique.

"Le Cameroun peut se développer en quelques années s'il fait des réformes de fond au niveau économique, politique, social, culturel et pousse fortement vers plus d'intégration africaine", assure-t-il, convaincu de pouvoir transformer le pays en "eldorado" rapidement.

Les faiblesses béantes d'un néophyte politique

Mais le parcours de Bougha-Hagbe révèle aussi des faiblesses majeures dans sa quête du pouvoir. Sa totale inexpérience politique contraste avec l'ampleur des transformations qu'il promet. Le MCNC, parti qui le porte, ne dispose d'aucune assise territoriale établie ni de réseau militant structuré.

Plus problématique : le coût astronomique de ses réformes interpelle. Comment financer 58 aéroports, un réseau national d'infrastructures électriques et une transformation industrielle complète dans un pays aux finances publiques déjà tendues ? L'ancien expert du FMI reste évasif sur l'origine des fonds nécessaires à ses projets pharaoniques.

Ses promesses de transformation "en quelques années" paraissent également irréalistes au regard de la complexité des réformes structurelles envisagées, notamment la sortie de la zone CFA qui nécessiterait des négociations internationales longues et complexes.

Face au défi Biya

Le principal obstacle sur la route de Jacques Bougha-Hagbe reste Paul Biya, président sortant fort de 42 années au pouvoir. Face à la machine électorale du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), l'économiste devra compter sur sa seule expertise technique.

Biya dispose de l'appareil d'État, du contrôle territorial via l'administration et les élites locales, ainsi que de ressources financières considérables. Son image de stabilité, même contestée, peut rassurer face à l'incertitude du changement radical proposé par son challenger.

Un pari sur l'intelligence collective

Jacques Bougha-Hagbe incarne le profil type du technocrate international convaincu de pouvoir appliquer au Cameroun les recettes économiques apprises ailleurs. Son programme, oscillant entre vision panafricaine séduisante et utopies coûteuses, interroge sur sa capacité à transformer l'expertise technique en pouvoir politique.

Dans un contexte où l'électorat camerounais, particulièrement la jeunesse urbaine éduquée et la diaspora, aspire au changement, le candidat du MCNC fait le pari que la compétence économique peut l'emporter sur l'expérience politique. Un pari audacieux dans un pays où la politique reste largement déterminée par les réseaux, les ressources et la connaissance du terrain.

Reste à savoir si son rêve de "Kamerun" saura séduire un électorat en proie au doute et au désespoir, ou s'il restera lettre morte face aux réalités du jeu politique camerounais.

Source: www.camerounweb.com