sur sa page Facebook, le mardi 04 juillet 2023, Wilfried Ekanga demande d'être prudent dans la décision du président Macky Sall de ne pas briguer un troisième mandat.
Après l'annonce par Macky Sall de ne pas se représenter aux prochaines élections, certains jubilent mais pour Wilfried Ekanga il dit qu’il faut encore attendre, parce que le scénario ivoirien est possible.
« Il faudra donc attendre 2024 avant d’en avoir le cœur net avec Macky Sall » déclare t-il dans sa tribune que Camerounweb vous propose en intégralité.
« Un Très grand Président, tu l’es, un Chef d’État incomparable, tu le resteras. Tu viens d’honorer tout un peuple et toute l’Afrique.»
Voici le compliment un peu absurde, mais très amusant que le célèbre artiste et ancien ministre du tourisme Youssou N’Dour a adressé ce lundi 3 juillet à son président Macky Sall, après que ce dernier a annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat à la présidentielle prévue le 25 février 2024 au Sénégal. En lisant ce drôle d’éloge, une seule pensée m’est venue à l’esprit : « Comment les Africains font pour se faire dribbler à chaque fois par la même feinte, sans jamais comprendre comment ça marche ? Comment font-ils pour tomber tout le temps dans le même mensonge ? Est-ce qu’ils le font exprès, ou sommes-nous réellement un peuple stupide ? »
L’écrivain hispano-américain Georges Santayana (1863-1952) disait toujours : « Ceux qui ne se souviennent pas de leur passé sont condamnés à le revivre ». En d’autres mots, tous vos hourras et tous vos messages de félicitations envers ce cher Macky vous conduiront droit vers la même crevasse dans laquelle vous ont plongés Joseph Kabila en 2015 ou encore Alassane Ouattara en 2020 : la crevasse de la désillusion, de la mauvaise surprise, de la gueule de bois. Le réveil brutal du peuple le plus naïf du globe terrestre, sans cesse berné aussi bien par l’extérieur que par ses propres enfants.
Je dis, j’affirme, je déclare : en l’état actuel des choses, Macky Sall sera bel et bien candidat aux prochaines présidentielles.
Ou, à minima, Il tentera bien de rester au pouvoir au-delà de 2024.
Concéder, mais pas céder
S’il vous arrive souvent d’utiliser internet pour autre chose que pour voir se dandiner le postérieur des femmes, il ne vous a sûrement pas échappé qu’en 2015, le président congolais Joseph Kabila, successeur de son père Laurent Désiré (assassiné le 16 janvier 2001) avait employé une aile de pigeon similaire pour s’éterniser sur le trône. Après avoir été « élu » en 2006 et 2011, la Constitution lui interdisait de rempiler pour une troisième fois. C’est alors que le jeune loup va faire parler la créativité africaine dans ce qu’elle a de plus cynique : le 5 janvier 2015, avec l’aide du parlement, il va soumettre un projet de loi qui exige… un recensement complet de la population avant la prochaine élection !
Le motif ? Disposer d’un fichier actualisé, qui de surcroît prend en compte une certaine parité hommes-femmes. Une très bonne idée à première vue, d’autant que le dernier recensement dans le pays date de 1984 ! Mais le souci, c’est qu’en Afrique (à l’instar du Cameroun en 2005), ce type d’exercice prend des années avant d’afficher ses résultats. Des années en bonus pour Kabila donc, en marge des textes. L’opposition va flairer l’arnaque et organiser de vives contestations, avec leur lot de violences policières et de morts. Et le président de faire le dos rond, tant et si bien que le 20 décembre 2016, jour prévu pour l’élection… il n’y aura pas d’élection !
Cependant, dix jours plus tard, le 31 décembre, sous l’égide de la Cenco (Conférence épiscopale nationale congolaise), des négociations débouchent sur ce que l’on appellera « les accords de la Saint-Sylvestre ». Il est convenu que les élections se tiendront courant 2017. Le fils de Désiré est en théorie indésirable, mais c’est de nouveau sans compter sur son imagination aussi débordante que perverse. Voici que l’année 2017 s’écoule, et… il n’y a toujours pas d’élection. Kabila affirme que le pays « n’est pas encore prêt », donc qu’il faut lui laisser encore un peu de temps. Il évoque ici les troubles sécuritaires (notamment les rixes internes dans les régions du Kassaï, ou les attaques externes à l’est du pays). Mais en vérité, c’est une circonstance qui l’arrange fort bien, puisque ça lui permet de justifier sa pérennité au pouvoir. Le peuple congolais suffoque, veut s’en débarrasser, mais l’homme résiste. C’est une ventouse, une sangsue farouche.
Pourtant, en mars 2016, André-Alain Atundu Liongo, l’un de ses porte-paroles, avait affirmé que « la majorité présidentielle respectera la constitution de A à Z ». Comme le fait ce cher Macky aujourd’hui. Et de nombreux Congolais y ont cru, comme vous y croyez aujourd’hui.
Pour finir, de nouvelles élections sont fixées pour le 30 décembre 2018, et ce n’est que peu de temps avant la clôture des candidatures que Kabila Jr, sous une pression nationale et internationale gargantuesque, finit par se retirer de la course, laissant la place à son dauphin, Emmanuel Ramanzani Shadary (qui perdra face à Martin Fayulu et au vainqueur « officiel », Félix Tshisekedi). Entre 2001 et 2018, le moustachu sera resté en tout… 18 ans au pouvoir, passant de plus jeune président à plus long règne, depuis un certain Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga.
Mon voisin de banc
À présent, on peut se rapprocher pour avoir un exemple beaucoup plus immédiat. Le meilleur ami de Macky Sall devant Dieu et devant la France n’est autre que son voisin direct, et un autre excellent joueur de billes, Alassane Dramane Ouattara. Le 5 mars 2020, le mari de Dominique promet solennellement au peuple ivoirien qu’il s’écarte définitivement de l’échiquier présidentiel, et va lui aussi susciter l’admiration et les acclamations de ses pairs d’ici et d’ailleurs. Son premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, est alors propulsé au-devant de la scène comme prochain candidat du parti RHDP. Mais alors qu’on croit s’acheminer tranquillement vers le scrutin du 31 octobre, Gon Coulibaly est frappé d’une crise cardiaque le 8 juillet, peu après son retour d’une évacuation sanitaire à Paris. Le RHDP n’a soudain plus de candidat. C’est alors que…
Plutôt que de désigner un second dauphin en guise de plan B, Ouattara va estimer que le plan B, n’est autre que… lui-même ! Comme une pièce savamment calculée à l’avance, il attendra le 6 août, jour de la fête nationale ivoirienne, pour annoncer qu’en fin de compte, il est de nouveau l’homme de la situation. Bien sûr, de la même façon que Sall s’est arrangé à neutraliser Ousmane Sonko (condamné par la justice aux ordres et assigné à résidence depuis plus d’un mois) Ouattara s’est au préalable assuré d’avoir éliminé ses adversaires les plus sérieux : Laurent Gbagbo (toujours bloqué en Europe à ce moment-là, car privé de son passeport et de ses droits civiques en Côte d’Ivoire, alors même qu’il a depuis longtemps été acquitté par la CPI) et Guillaume Soro (en exil en France, et sous le coup de multiples condamnations, notamment pour détournement de fonds). Sachant que Gon Coulibaly était plutôt favorable à un retour de Gbagbo dans le pays bien avant le scrutin, il y a lieu de trouver le timing de son décès quelque peu extraordinaire. (C’est le moins qu’on puisse dire !).
Et c’est ainsi que l’homme qui affirmait aussi avoir « mûrement réfléchi » avant de s’écarter de la présidentielle, est revenu comme un bolide, sans plus regarder derrière, lorsque l’occasion s’est présentée, et est redevenu président. De la même façon que Macky Sall vous a annoncé hier que sa position n’a jamais changé : « J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété, ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat ». De plus, notons que Ouattara a fait modifier la constitution en 2016, chose qui, d’après lui, « remet les compteurs à zéro ». Donc, en théorie, il avait le droit de se représenter. Son voisin sénégalais a usé du même stratagème en précisant hier que même s’il renonce, la constitution lui donne en principe le droit de continuer ! Lui aussi estime que les compteurs ont été remis à zéro depuis qu’il est passé du septennat (2012-2019) au quinquennat (2019-2024). Ils sont vraiment très malins, ces renards en cravate !
Et comme par hasard, le référendum constitutionnel qu’il a organisé au Sénégal pour procéder à cette « remise à zéro » a eu lieu la même année que la révision de Ouattara, c’est-à-dire en…2016 !
Car qui se ressemble s’assemble.
EN BREF :
Voici le type d’article que j’écris en espérant me tromper. Mais pour l’instant, je n’ai pas le moindre doute. Macky Sall dispose d’assez de temps avant février 2024 pour créer tout type de circonstances lui permettant de rester en fonction, ou de se porter encore candidat. On l’a vu avec Joseph Kabila, ce ne sont pas les idées perverses qui manquent. Une situation tendue provoquée par la séquestration prolongée d’Ousmane Sonko pourrait générer des troubles « artificiels » en Casamance, région longtemps rebelle et aux velléités sécessionnistes très favorable à Sonko (qui est d’ailleurs maire de Ziguinchor, l’une des principales villes de Casamance). Ou tout simplement un dauphin désigné pourrait soudain se reveler inopérant. Dans un cas comme dans l’autre, Macky Sall profiterait alors pour repousser le scrutin, ou bien il viendrait tout simplement nous rappeler ce qu’il nous avait dit un 3 juillet 2023 à savoir : il a en principe le droit de se représenter !
Je peux déjà l’entendre expliquer à toute l’Afrique comment il n’avait « pas le choix » et qu’il n’a pas pu résister à « l’appel du peuple » qui croit si fort en lui pour résoudre la crise. Quand on voit qu’une bonne partie des organes administratifs et électoraux sénégalais, ainsi que de nombreux « fans » hystériques en appellent depuis des mois à sa réélection, il serait en effet naïf et stupide de se dire que l’affaire est finie. Elle ne fait en réalité que commencer ! Et pour ceux qui demandent déjà à Paul Biya de « prendre exemple sur son jeune frère », sachez que c’est au contraire sur Paul Biya et ses semblables que Macky Sall a désormais pris exemple ! Car c »est toujours le bœuf avant la charrue, pas l’inverse !
Ekanga Ekanga Claude Wilfried
( Il faudra donc attendre 2024 avant d’en avoir le cœur net. Entre-temps, je redis et je réaffirme que Macky Sall vous a copieusement menti ! On ne renonce pas si facilement à un pouvoir pour lequel on a tué, séquestré, et collé des procès sans queue ni tête. Même sur Disney ça n’a jamais existé !) »