Elie Martial Nguele ne mettra plus sa tenue de gardien de prison. Son espoir de remettre cette tunique et de réintégrer surtout la Fonction publique s’est brisé devant le Tribunal administratif du Centre le 21 juin dernier. Il a mordu la poussière dans la bataille judiciaire qu’il a engagée contre l’Etat du Cameroun au sujet de sa révocation, le 23 mai 2018, du corps des fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire. Son recours introduit contre la décision prise par le ministre de la Justice, Laurent Esso, a été jugé recevable mais pas fondé. Avant cette sentence, tout laissait pourtant croire que M. Nguele tenait le bon bout dans l’affaire. A travers son recours, le plaignant explique qu’il était en fonction à la Prison centrale de Yaoundé lorsque le ministre de la Justice l’a traduit devant le Conseil de discipline de l’administration pénitentiaire pour absentéisme notoire. Dans la décision portant son renvoi devant l’organe disciplinaire, le ministre de la justice avait lui-même pris soin de préciser que la session d’examen disciplinaire de son cas allait se tenir le 16 juillet 2018. Dans cette procédure, M. Nguele était invité à s’expliquer sur les faits «d’abandon de poste» pendant 30 jours constatés 5 ans plus tôt, en novembre 2013. Mais, déclare M. Nguele, «sans attendre que le conseil se penche sur [son] cas, le ministre de la Justice a prématurément pris la décision» le jetant dans la rue avec «effet rétroactif». Le plaignant trouve que la décision Garde des Sceaux, qu’il attaque, est entachée d’un excès de pouvoir parce qu’il viole, à ses yeux, certaines dispositions du décret du 29 novembre 2010 portant statut spécial des personnels de l’administration pénitentiaire. Il estime que le Garde des Sceaux l’a mis à la porte sans lui laisser l’occasion de se justifier comme il a lui-même programmé. Toute chose qui viole les droits de la défense et le principe du contradictoire. Or, indique M. Nguele, l’absence à son poste était dû à des problèmes de santé. Une situation qu’il a d’ailleurs fait constater par un médecin de la Prison centrale de Yaoundé au moment des faits. Pour amener le tribunal à faire droit à son recours, M. Nguele s’est appuyé sur l’article 164 du décret déjà mentionné. Ce texte indique que «la révocation consiste à l’exclusion définitive d’un fonctionnaire fautif de l’administration pénitentiaire». La révocation définitive, précise ce texte, «peut intervenir à la suite d’une procédure disciplinaire, d’office en cas d’abandon de poste pendant 30 jours consécutifs après une mise en demeure restée sans effet». Pour le plaignant, le ministre de la Justice aurait dû attendre l’issue de la procédure judiciaire et la sentence retenue contre sa personne avant de statuer sur son sort.
Dossier médical
Dans ses écritures, le représentant du Minjustice a opposé que la décision querellée ne souffre d’aucune irrégularité puisque le décret déjà mentionné donnait plein pouvoir au ministre de la Justice de révoquer le plaignant sans attendre l’avis du conseil de discipline, car le concerné était fautif de 30 jours d’absence. Après l’exposé des arguments des parties par le juge-rapporteur, M. Nguele a pris la parole pour réitérer que sa révocation de l’administration pénitentiaire s’est faite de manière irrégulière. Il va d’abord révéler au tribunal qu’il disposait de manière incompréhensible de deux matricules soldes. «Ah bon ! Vous ne touchiez pas l’argent avec les deux matricules ?», interroge le tribunal. Le plaignant va répondre par la négative en disant qu’il n’utilisait qu’un seul matricule sans davantage explications. Ensuite, fouillant une grosse enveloppe qu’il tenait en main, M. Nguele va présenter au tribunal une liasse de pièces qu’il a appelée «dossier médical validé par le médecin de la Prison centrale». «Pourquoi vous n’avez pas produit ces pièces pendant [l’échange des écritures]» avec les autres parties au procès ?, interroge le tribunal. Le tribunal lui fait savoir que lorsque le dossier est déjà en phase d’un examen public, aucun élément de preuves n’ayant pas été communiqué pendant l’instruction n’est accepté. «Qu’est-ce qui nous dit que ces pièces n’ont pas été fabriquées pour les besoins de la cause ?», poursuit le tribunal. En réaction, M. Nguele explique que lorsqu’il a lancé les hostilités contre l’Etat, il n’était pas assisté d’un avocat. Il espérait faire valoir son «dossier médical» devant la barre. Ce n’est qu’en cours de procédure qu’il a constitué un conseil pour défendre ses intérêts. Ledit avocat a rédigé un long mémoire qu’il a tenté de verser aux débats. Sans succès. Finalement, le tribunal a entériné sa révocation en le condamnant à supporter le paiement des frais générés par son recours. Illustration : Le ministre de la Justice, Auteur d’une injustice ?