Ceux qui connaissent de l’intérieur des prisons du Cameroun en donnent des descriptions à faire dresser les cheveux sur le tête. Le mot « enfer » revient comme un refrain, difficile à entonner pour le profane. Il nous paraît nécessaire de porter ce jour devant le public les atrocités que subissent les pensionnaires de la prison centrale de Douala, communément appelée prison de New-Bell, du nom du quartier qui l’abrite.
Construite à l'époque coloniale pour près de 800 détenus, elle accueille toutes sortes de délinquants, près de 3000 personnes: femmes, mineurs, petites frappes ou grands criminels… 4000 personnes, logées voire « oubliées » dans une prison de 700 places.
Les régisseurs dépassés confient souvent la charge de surveillance à certains prisonniers. Ayant désormais des statuts particuliers, ceux-ci deviennent des techniciens de la torture.
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L’exiguïté des lieux conjuguée à la vétusté et à la surpopulation en fait une porcherie habitée par des hommes qui pourtant n’ont perdu (provisoirement) que leur liberté d’aller et venir. 7/10 des pensionnaires sont des jeunes de moins de 22 ans parfois abandonnés par leurs parents.
Dans la prison centrale de New Bell, Douala, le terme d’Antigangs désigne les détenus collaborant avec l’administration afin de maintenir l’ordre, de distribuer la "ration carcérale" et de percevoir pour le compte de leur "hiérarchie" des sommes d’argent de diverses sources extorquées aux autres détenus. Ils décident de la bastonnade, de l’enchaînement, de l’enferment dans la cellule disciplinaire
L’appel des détenus s’effectue tous les matins dès 6h 30mn et à 18 heures pour le coucher. Le couvre-feu est imposé dès 21 heures. Par jour, chaque détenu reçoit une "ration" de 30 grammes de couscous de maïs et du haricot. Le tout arrosé d’une sauce. Pour les pensionnaires du quartier VIP « 18 », censés être des « privilégiés », l’État n’octroie que 6000 F CFA (9 euros) de ration alimentaire par mois
Selon P.B " Il faut surtout avoir de l’argent pour vivre ici. Beaucoup, pour s’en sortir, deviennent des femmes d’autres détenus. L’homosexualité est en nette progression.
Les toilettes de la prison de New-Bell n’ont que de nom et se trouvent dans un état épouvantable. Les toilettes dites modernes « Turques » dans le jargon de la prison coûtent 25 Fcfa à chaque fois que l’un des pensionnaires les sollicite. L’abonnement mensuel, ici, étant de 500 Fcfa.
Pour leur corvée quotidienne, les nouveaux venus, encore appelés ici les "hier hier", sont chargés d’assurer le transport des excréments dans des seaux.
Les problèmes rencontrés par le personnel d’encadrement du pénitencier de New-Bell vont de leur faible effectif à l’insuffisance du matériel de travail (armes, chaînes et menottes) en passant par l’absence de moyens de transport.
L’unique moyen de locomotion, un vieux camion, tombe régulièrement en panne. Ce camion stationné devant la lourde porte dans lequel on charge une foule de prévenus qu’on emmène au Parquet. C’est le seul camion, C’est avec ce véhicule de couleur verte qu’on fait tout : transport du bois, évacuation des cadavres, transfert des prisonniers. On l’attend très souvent partout. On l’attend au tribunal quand il est à la morgue… et à la morgue quand il est au tribunal
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Que dire de l’infirmerie ?
Il faut visiter l’infirmerie de ce pénitencier pour comprendre le degré exécrable du fonctionnement de cette porte dite d’entrée à l’enfer.
Le plateau technique est inexistant, alors qu’une quinzaine de tuberculeux, faute d’un suivi médical approprié, sont à l’article de la mort. Cet "hôpital" côtoie le "quartier Texas", qui est le cabanon le plus peuplé ici. Les abus sexuels et les violences diverses sont exercés sur les plus faibles, alors que la consommation du chanvre indien passe pour être le sport favori de la majorité des locataires.
Les rapports sexuels, pourtant interdits entre les détenus, hommes et femmes, sont favorisés par la grande promiscuité de ce milieu.
A la prison de New Bell, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Il y a ce qu’on appelle les « quartiers résidentiels » où dorment confortablement les bandits à cols blancs et les « quartiers populaires » où l’on entasse les miséreux à quarante par cellule. Coincés entre l’arrogance des « détourneurs de deniers publics » et les menaces de ceux qui croupissent avec les rats et les cafards, les gardiens sous-payés n’en peuvent plus.
La prison centrale de Douala comprend à côté des « couloirs de la mort » réservés aux démunis des cellules Vip. Il y a aussi, surtout, baignant dans la même crasse, la vétusté et les moustiques, les quartiers des condamnés à mort, des geôles des femmes, et celles des personnes de troisième âge.
Surpopulation carcérale, insalubrité, insécurité, et trafics de tous genres, y ont fait leur lit. Mais, la situation est plus grave qu’elle ne paraît. "Plus d’un millier de détenus à New Bell sont sans cellules et dorment en plein air. A la tombée de la nuit, les détenus sans-abri sont parqués dans la grande cour. Celle-ci est entourée d’une grille. Certains se couchent à même le sol, et d’autres sur des nattes ou des morceaux de cartons.
À la prison plus qu’ailleurs, l’argent fait la loi. Une miette de viande ? Un coup de fil à la famille ? Une ballade hors des murs ? Tout s’achète, tout se vend.
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C’est ainsi qu’on peut voir des VIP bien lestés sortir du pénitencier de bon matin, à bord de leur berline à chauffeur, pour ne revenir qu’au soir. Dans les « quartiers populaires », les trafics peuvent être plus sordides. On a vu des prisonniers acheter les crachats de co-détenus tuberculeux, pour les glisser dans le riz-haricot de quelque rival…
Avec la saison des pluies, la vie s’apparente à un calvaire au sein de la prison. Lorsqu’il pleut, les détenus se serrent les uns aux autres, contre les murs pour se protéger. Dans les cellules, ils sont parfois regroupés par vingtaines, dans des espaces de quelques mètres carrés. Il n’existe pas une délimitation précise entre différentes catégories de détenus. S’il y a des compartiments affectés aux femmes et aux mineurs, ceux-ci côtoient au quotidien des dangereux criminels. Aussi, les cas de viols sur mineurs et d’agressions sont-ils légions.
Cependant, les seuls privilégiés dans cet environnement austère, sont les détenus du quartier 18.
Le compartiment qui accueille les hauts cadres de l’administration accusés ou condamnés pour détournement de deniers publics. On y retrouve bien au frais : Edouard Etondè Ekoto, l’ancien Pca du Port autonome de Douala (Pad) ; Lamine Mbassa, son ex collaborateur à la communauté urbaine de Douala (Cud), mis en détention dans le cadre de l’affaire de l’emprunt obligataire de la Cud ; Simon Pierre Ewodo Noah le Dga du Pad, Siewe Nitcheu cadre du Pad ; Zaccheus Forjindam, l’ex Dg du Chantier naval et industriel, Nguini Effa l’ancien Dg de la SCDP
Les gros bonnets de New Bell jouissent de nombreux avantages : chambre à part et climatisés, réfrigérateurs, cuisine, espace de jeu…Aménagés à leurs frais
Bon à savoir : En juillet 2017, l'administration pénitentiaire camerounaise faisait état de 4.963 détenus pour 800 places. On y compte environ 250 gardiens.
De nombreux autres experts constatent que dans les prisons camerounaises si l'encadrement laisse à désirer, la vétusté peut en faire un "véritable enfer" suscitant troubles et actes de violences
Passer par New Bell, que l’on soit coupable ou innocent, laisse toujours des traces