Maxime Eko Eko, l'ancien patron de la DGRE
Une scène pour le moins spectaculaire s’est déroulée ce jour au tribunal militaire de Yaoundé. Extraits tôt ce matin de la prison centrale de Kondengui, comme l'avait annoncé Le TGV de l'info, Amougou Belinga, Martin Savom et Maxime Eko Eko s’y sont rendus pour la suite de leur procès. Mais à peine arrivés, ils ont été informés du renvoi de l’audience au 9 juin prochain.
C’est alors que Maxime Eko Eko, ex-directeur de la DGRE, a littéralement perdu son sang-froid. Dans ce qui ressemblait à une scène de théâtre soigneusement orchestrée, il a transformé la salle en un véritable capharnaüm. Selon un témoin oculaire, il s’est mis à crier à pleins poumons qu’il ne voulait plus rester en prison, dénonçant ses conditions de détention et réclamant le droit de rentrer chez lui. « Je ne sais pas ce que je fais en prison ! Laissez-moi rentrer chez moi ! Je veux retrouver ma famille ! Je veux voir le commissaire du gouvernement ! », hurlait-il, sous l’œil complaisant des caméras de Vision 4.
Pour de nombreux observateurs présents sur place, la mise en scène ne faisait aucun doute. Eko Eko n’a déclenché sa crise qu’au moment où les caméras étaient déjà positionnées, prêtes à filmer. Autre élément troublant : de retour à Kondengui, il chantait avec jubilation dans la cour de la prison le refrain suivant, en langue locale : « Ebouboura, wene tit Mane minga mebès à tôte », que l'on pourrait traduire ainsi : « Bon viveur admire une jeune femme pulpeuse à la poitrine généreuse ».
Ce spectacle donné par Eko Eko s’apparente à un réquisitoire hypocrite contre la justice camerounaise. Hypocrite, car nul n’ignore qu’il a lui-même été l’un des piliers de ce régime autoritaire dirigé par Paul Biya depuis plus de 43 ans. Lorsqu’il dirigeait la DGRE, son épouse, Emilienne Abéga Mbezoa, présidait le tribunal militaire… le même qui le juge aujourd’hui. Le couple a été à l’origine de nombreuses dérives: arrestations arbitraires, procès iniques, peines lourdes infligées aux innocents.
On se souvient notamment du cas du journaliste Ahmed Abba, correspondant en haoussa de RFI, arrêté sans fondement, condamné à 10 ans de prison ferme par Mme Eko Eko. Il aura fallu une campagne médiatique internationale pour obtenir sa libération. D’autres journalistes comme Rodrigue Tongue, Félix Ebole Bola ou Baba Wame ont eux aussi subi les affres de cette justice aux ordres. Sans oublier les militants du MRC ou les détenus de la crise anglophone, condamnés à de très lourdes peines, parfois même à perpétuité, par Emilienne Abéga Mbezoa.
Aujourd’hui, Maxime Eko Eko a la chance d’être encore en vie et de pouvoir pleurnicher au tribunal. Ce n’est pas le cas de Martinez Zogo, Samuel Wazizi ou encore Guerandi, brutalement arrachés à la vie alors qu’il était aux commandes de la redoutable DGRE. Ces familles-là ne reverront plus jamais leurs proches, contrairement à lui qui réclame aujourd’hui le droit de retrouver les siens.
Et pourtant, ce n’est que le début. Deux années de détention provisoire à peine, alors que le procès n’en est qu’au stade des exceptions préliminaires. Pas moins de 17 accusés et 20 témoins doivent encore être entendus. Et l’affaire Martinez Zogo n’est qu’un fragment du vaste puzzle judiciaire qui attend Eko Eko et ses coaccusés. À côté des crimes économiques liés aux lignes 94, 65 et 57, figurent aussi des assassinats ciblés.
Les Camerounais n’ont pas la mémoire courte. Aucun régime, qu’il soit celui de Biya ou d’un successeur, ne pourra enterrer ces crimes. Ils devront répondre, et ces exactions pourraient bien les conduire à la peine capitale.
Le cas Eko Eko doit servir d’avertissement à tous ces hauts fonctionnaires zélés qui pensent être au-dessus des lois. Nous pensons à des personnalités comme Paul Atanga Nji, Grégoire Owona, Ferdinand Ngoh Ngoh, Samuel Mvondo Ayolo, Louis-Paul Motaze, Oswald Baboke, et bien d’autres.
L’histoire les observe. Et la justice les attend.