Après onze ans d’absence, Koffi Olomide devait se produire à Paris La Défense Arena, l’une des plus grandes scènes européennes, pour son grand retour en France.
Considéré comme une légende de la musique congolaise et africaine, le chanteur qui vie désormais en France, est l'un des plus gros vendeurs d'albums africains en Europe et continue de remplir les salles.
Mais si lechanteur congolaisfait la une de la presse française depuis quelques jours, c’est pour une affaire plus délicate, un procès qui oppose"le Grand Mopao" à quatre de ses anciennes danseuses.
De quoi est-il accusé ?
L’accusation a requis 8 ans de prison ferme contre l’artiste de 65 ans jugé lundi 25 octobre devant la cour d'appel de Versailles, en région parisienne. Il est poursuivi pour agressions sexuelles et séquestration de quatre de ses anciennes danseuses lors de tournées en France.
Qualifiant le premier jugement de "naufrage", le parquet exige une condamnation lourde pour cet "homme puissant" à la renommée internationale qui s'est pour la première fois expliqué en public sur les charges qui pèsent sur lui.
L’accusé ne s'était pas présenté à son premier procès en 2019. En 2009, il avait fui en RD Congo en promettant de se défendre.
En 2012, Antoine Agbepa Mumba, de son nom d'origine, avait été mis en examen pour viol aggravé sur quatre anciennes danseuses. Finalement relaxé pour les faits de viol qui ont par la suite été requalifiés, il a été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis pour “atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans”.
Le chanteur avait été condamné à verser 5 000 euros de dommages et intérêts à l'ancienne danseuse.
Le tribunal de Nanterre l'avait également condamné à payer une amende du même montant pour avoir aidé trois femmes à entrer illégalement en France.
Le ministère public, qui avait requis sept ans d'emprisonnement ferme, avait fait appel.
Koffi Olomidé, qui a toujours publiquement clamé son innocence, continue de nier ces accusations. Il nie tout, aussi bien les accusations d’agressions sexuelles que de séquestration.
"J’ai toujours su que j’étais innocent et j’espère que ces dames viendront un jour nous dire qu’elles ont menti et voulaient obtenir des papiers”, déclarait l’artiste en mai 2019 sur le plateau du journal TV5 Monde.
Rester en France "à tout prix"
Les faits qui lui sont reprochés se seraient déroulés lors de tournées françaises entre 2002 et 2006. Les quatre plaignantes accusent Koffi Olomidé de les avoir enfermées dans un pavillon gardé près de Paris et de les avoir forcées à avoir des relations sexuelles avec lui, de façon régulière pour certaines.
Devant les juges, Koffi Olomidé s’est vivement défendu des accusations de séquestration, assurant qu'elles "allaient sur les Champs-Élysées" et que parfois "elles demandaient qu'on les accompagne". De leur côté, les plaignantes ont affirmé qu'elles étaient escortées contre leur gré.
Le chanteur a toutefois reconnu qu'il avait un "droit de regard" sur leurs sorties, afin de s’assurer qu'elles ne cherchaient pas à rester en France à l'issue de la tournée.
Pour le chanteur, il s’agit d’une mise en scène orchestrée par quatre femmes prêtes a tout pour rester en France. Concernant la manière dont les plaignantes se seraient échappées du logement avec une corde de drap, le chanteur a répliqué : "C'est du cinéma, ça, Madame". "Le retour au Congo était imminent, elles savaient qu'on allait repartir au Congo", elles voulaient donc rester en France "à tout prix", a-t-il affirmé. Les plaignantes affirment qu’elles n’ont jamais pu rentrer chez elles en RDC par crainte de représailles.
Koffi Olomidé a également rejeté les accusations d’agression sexuelle. Les quatre jeunes femmes ont accusé le chanteur de les faire venir parfois à l'hôtel, parfois en studio d'enregistrement, et de les avoir forcées à avoir des rapports sexuels avec lui.
"C’est faux, c’est tout faux", "à aucun moment je n’étais seul avec ces filles", s’est écrié à la barre M. Olomidé. "Comment vous pouvez faire l’amour dans un studio ? J’hallucine ! Il y a des ingénieurs du son, il y a des assistants…", s’est défendu l’artiste.
"Je me suis laissé faire, mais je n'avais pas envie", a pourtant expliqué l'une d'elles.
"Il n'y a absolument aucun élément matériel accréditant les dires des plaignantes", a estimé dans sa plaidoirie Me Antoine Vey, avocat du chanteur, plaidant la relaxe.
Le jugement a été mis en délibéré au 13 décembre.
Que dit la loi ?
· Atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans
Dans le Code pénal français, l'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans est définie par l’article 227-25 comme : "le fait, par un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans, hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle".
Tout agissement en rapport avec l’activité sexuelle entre un adulte et un mineur, même si le rapport est consensuel, est considéré comme un délit puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende.
En droit, l’expression "mineur de quinze ans" désigne un adolescent âgé de moins de 15 ans.
· Jugement en délibéré
Dans de nombreuse affaires complexes, il est rare que le juge rende sa décision immédiatement.
Un jugement est en délibéré quand, après les plaidoiries des avocats, les juges devant lesquels l'affaire a été débattue se réunissent pour examiner le dossier.
Ils peuvent ensuite délibérer, voter et rendre leur décision.
Les délibérations sont secrètes. Ni les parties au procès, ni leurs avocats, ni la presse ne peuvent y assister. En principe, les parties au procès n'ont plus le droit d'intervenir, de communiquer des pièces.
Les décisions de justice sont généralement rendues sous un délai allant de 8 jours à 2 mois.
Par exemple, le jugement du procès du footballeur Karim Benzema, mis en cause dans l’affaire de la sextape, a été mis en délibéré au 24 novembre prochain.
L’artiste et ses démêlés judiciaires
A la suite de l’affaire Weinstein, une vague de dénonciations des agressions sexuelles a secoué la planète.
Depuis que le phénomène #MeToo s’est emparé de la toile, suivi par d’autres mouvements invitant les femmes à travers le monde à dénoncer leur agresseur, certaines dénonciations ont mené à des poursuites judiciaires.
De l’acteur Bill Cosby au chanteur R. Kelly plus récemment, des têtes sont tombées, des carrières se sont écroulées.
Mais d’autres accusations sont restées sans suite, par manque de preuve ou de poids.
Pour sa part, Koffi Olomidé s’en tient à la thèse du coup monté, déclarant à plusieurs reprises : "je n’ai pas frappé, je n’ai pas violé, je n’ai pas séquestré".
L’affaire mise en délibérée pour le 13 décembre pourrait marquer un gros coup d’arrêt pour la carrière de l’artiste de 65 ans qui a déjà eu des démêlés avec la justice à plusieurs reprises et fait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt.
Le concert tant attendu de l’artiste, initialement prévu le 13 février 2021 à Paris la Défense Arena et reporté au samedi 27 novembre 2021, n’aura finalement pas lieu en raison des “conséquences de la pandémie de Covid-19, notamment sur les voyages internationaux”, ont annoncé les organisateurs.