Putsch : alerte au Cameroun

Tentative de putsch

Tue, 4 Oct 2022 Source: www.camerounweb.com

• Les coups d’Etat se succèdent en Afrique

• Le plus récent est celui au Burkina Faso

• Paul Biya et ses collaborateurs sont inquiets



Il y a de quoi l’être. Le leader du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), Paul Biya est en place depuis quarante (40) ans. Aujourd’hui, il est âgé de quatre-vingt-neuf (89) ans. C’est le plus vieux président en exercice au monde.

La prochaine élection présidentielle est prévue pour 2025 et l’opinion publique ne sait pas encore si le chef de l’Etat camerounais, physiquement très fatigué, voudra se représenter ou s’il laissera sa place à un autre membre bien placé dans le parti en qui il a confiance.

Quand on lui a posé la question il y a quelques mois, Paul Biya a répondu avec une facilité déconcertante qui prouve que l’homme s’est préparé pour ce moment très attendu par les caméras et les journalistes venus du monde entier.

« Comme vous le savez, le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution. D’après cette Constitution, le mandat que je mène actuellement à une durée de sept (07) ans. Alors, essayez de faire la soustraction et vous verrez combien de temps il me reste à diriger le pays », a commencé le locataire du palais présidentiel d’Etoudi.

Puis il a enchaîné en laissant savoir que « quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informés sur le point de savoir si je reste ou si je m’en vais au village ».

Mais il serait faux de dire que l’inquiétude n’a jamais existé autour de Paul Biya. A fortiori face aux tentatives de déstabilisation du pouvoir constatées dernièrement dans certains pays frères comme la Guinée, le Mali et la plus récente au Burkina Faso.

Les médias internationaux évoquent la peur des occupants du fauteuil présidentiel qui sont au pouvoir depuis plusieurs années, parfois au mépris des règles institutionnelles et constitutionnelles, faisant la sourde oreille aux demandes du peuple qui devrait normalement être le seul arbitre décisionnaire.

Etoudi est constamment en alerte pour prévenir le danger. « Alerte à Etoudi, Lomé, Libreville... », a écrit un journaliste de France 24 sur les réseaux sociaux. Aux dernières nouvelles, cette vigilance a été davantage accrue, surtout après le putsch au Burkina Faso que le journaliste camerounais Michel Biem Tong prend bien le soin de narrer sur les réseaux sociaux.

La tendance sankariste du MPSR prend le pouvoir au Burkina Faso

Analyse

Le 24 janvier 2022, au moment où le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) renverse le président Rock Kaboré, c’est en réalité le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ancien commandant du régiment d’infanterie commando de Ouayigouya, écrivain prolifique et imprégné des idées révolutionnaires de Thomas Sankara, qui était pressenti pour conduire la junte militaire.

Mais les services secrets français (dont la base opérationnelle en Afrique de l’Ouest est basée au Burkina Faso) l’ayant vu venir ont tout fait pour neutraliser Zoungrana (il est en prison depuis janvier 2022) et positionner leur pion, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. C’était en réalité un coup d’Etat contre un autre coup d’Etat.

Il est important de souligner que les militaires à l’origine des putschs du 24 janvier 2022 et du 30 septembre 2022 sont pour la plupart des descendants des proches du révolutionnaire Thomas Sankara qui tués, qui opprimés, qui maltraités sous le long règne de Blaise Compaore.

L’un des reproches faits à Damiba par le nouveau pouvoir est la volonté de restaurer au forceps un ordre ancien par des actes « de nature à remettre en cause l’indépendance de la justice ». Allusion faite au retour de Blaise Compaore à Ouagadougou en juillet dernier, alors que sur lui pèse une condamnation à vie dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara en octobre 1987.

Autre raison du coup d’Etat du 30 septembre dernier, la volonté pour la nouvelle junte de diversifier la coopération militaire en explorant des partenaires autres que la France, tels que la Russie, la Chine ou la Turquie. Ce à quoi s’était toujours refusé Damiba : « que celui qui se sent capable organise son coup d’Etat et alors il pourra faire ce qu’il veut », avait répondu avec une teinte d’arrogance Paul Henri Damiba, à une certaine opinion burkinabé qui l’invitait à solliciter d’autres partenaires pour lutter contre le terrorisme.

Avec l’arrivée du jeune capitaine Ibrahima Traoré, c’est le début d’une nouvelle ère. La nouvelle junte envisage non seulement de revisiter la coopération avec la France mais aussi de renforcer celle avec la Russie. Cette dernière fait déjà des appels de pied aux nouvelles autorités burkinabé. Ce 03 octobre 2022, Moscou a appelé, dans un communiqué, à la normalisation de la situation au Burkina Faso.

Thomas Sankara est de retour à la tête du pays des hommes intègres, pour dire le moins. Mais la France l’acceptera-t-elle ce d’autant plus qu’elle a bataillé sans succès pour rétablir son pion Damiba dans son pouvoir ? La nouvelle junte burkinabé devrait toutefois faire preuve de beaucoup de vigilance et surtout s’inspirer de son voisin malien car les « Cocoricos » (espions français) feront tout pour la déstabiliser.

Le coup d’Etat du 30 septembre sonne comme une nouvelle ère géopolitique qui souffle sur l’Afrique où lentement mais sûrement, la France perd du terrain. Ce coup de force est également la preuve que le conflit entre Thomas Sankara et Blaise Compaore, ayant abouti à l’assassinat du premier, continuent de diviser l’armée burkinabé.

Source: www.camerounweb.com