Dans cette tribune, Patrice Nganang critique la gestion de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) par Samuel Eto'o. Il souligne que la FECAFOOT est une association de l'État camerounais, dont les membres sont des fonctionnaires qui reçoivent un salaire régulier de l'État en plus de leur rémunération de la FECAFOOT. Selon lui, cette situation est due à l'étatisme hérité de la France, qui fait de l'État la vache nourricière qui finance tout. Nganang dénonce également le budget pléthorique de la FECAFOOT, qui est utilisé pour des dépenses inutiles, comme des stages à l'étranger, au détriment du championnat national. Il appelle à une réforme du système de financement de la FECAFOOT, qui devrait être financée par les cotisations des clubs, et non par l'État. Enfin, il demande à Samuel Eto'o de démissionner de son poste de président de la FECAFOOT.
QUE SAMUEL ETO’O DEGAGE !
Un certain nombre de choses apparaissent au cœur de la débâcle qui a pour nom Samuel Eto’o. La première, c’est la suivante : la FECAFOOT est une association. Je répète, parce que vous avez sans doute lu très vite : la FECAFOOT est une association. Quiconque suit le débat public dans notre pays depuis 1990, sait que les associations sont importantes, car par exemple, les partis politiques sont des associations, les organisations de la société civile sont des associations, et, bien sûr les églises et les tontines sont des associations aussi. Vous avez donc compris que la FECAFOOT est une association bien particulière ; c’est une association que l’on pourrait appeler parapublique. C’est donc une association crée par l’État, et une association dont de nombreux membres sont des fonctionnaires, parce que professeurs de sport. Et c’est là où les problèmes commencent. Tous les fonctionnaires reçoivent un numéro de matricule comme gage de leur intégration dans la fonction publique qui, au Cameroun, est un engagement à vie. Le numéro de matricule est donc le cœur du système administratif camerounais, car c’est ce qui permet d’avoir une feuille de paie, et donc de recevoir un salaire. C’est la corde directe qui lie le fonctionnaire à l’État, car le fonctionnaire est un salarié de l’État, qui l’affecte ou le met à disposition de ses services - ambassades, etc. Une association dont les membres sont des fonctionnaires, est donc une association de l’État qui en est la tutelle. Et puisque Paul Biya est le premier fonctionnaire, car il a aussi un matricule, c’est une association qui devient de ce fait directement redevable de lui. Après tout, les fonctionnaires se classent par catégorie et par grade, selon une échelle qui va de bas en haut - agent, A1, A2, etc. Le matricule est la courroie de transmission ici. Et surtout pas la FIFA, et surtout pas la CAF. Je dis bien, le matricule.
Les membres du comité exécutif de la FECAFOOT, tout comme du comité d’urgence de la FECAFOOT, tout comme sans doute les entraineurs et autres, sinon la plupart de professeurs de sport, sont des fonctionnaires de l’État camerounais. Ils reçoivent donc un salaire régulier de l’État en tant que fonctionnaires, et, quand ils sont de la FECAFOOT, emmargent en même temps au budget de la FECAFOOT qui est donc pour eux un gombo, pour utiliser le langage camerounais - un second revenu financier. Avec la crise que la FECAFOOT traverse, nous avons ici une situation extraordinaire d’une association étatique, la FECAFOOT donc, dont les membres de l’exécutif qui sont fonctionnaires, se rebellent contre la fonction publique, au nom d’une entité externe à notre pays et dont le nom c’est la CAF, ou la FIFA, dont ils ne sont pas salariés. C’est une situation extraordinaire, mais qui n’est possible qu’à cause du système administratif dont nous avons hérité de la France, et qui s’appelle l’étatisme : l’État est la vache nourricière, c’est en quelque sorte l’institution qui finance tout, par des subventions déjà, mais aussi comme ici, par la salarisation des membres d’une association. Cette situation apparait dans les budgets de la FECAFOOT qui sont absolument pléthoriques, parce que justement la FECAFOOT étant un gombo pour son exécutif qui est composé de fonctionnaires. Ces derniers multiplient des possibilités de gombos, à côté de leur salaire qu’ils reçoivent de la fonction publique. Stages à Seattle, au Japon, bientôt sur la lune, car l’Etat paye. Notez aussi leur focalisation maniaque sur les Lions indomptables, car c’est au nom des Lions indomptables que l’Etat paye. Et pas de focalisation comme avant mars 1984 sur le championnat, qui est quasiment abandonné vu que l’Etat ne paye manifestement plus pour le championnat.
Le Cameroun n’a pas inventé le football, ni le sport : à la différence des activités qui nécessitent la création d’associations en général, et qui ne rapportent pas de l’argent, par exemple les partis politiques, par exemples les associations de la société civile, le football est une activité immensément génératrice d’argent. C’est d’ailleurs pourquoi dans des pays comme les Etats-Unis, c’est le sport qui constitue une source de rentrées financières pour les universités d’État, et même pour des communes. Le sport est une industrie, mais une industrie qui vit aux dépends de l’État n’en est plus une. Samuel Eto’o a joué dans de grands clubs, dit-il toujours, le Barca, Milan, etc. : les fédérations d’Italie, ou d’Espagne sont-elles composées de fonctionnaires des États italien ou espagnol ? Les associations américaines de sport sont-elles constituées de fonctionnaires de l’État américain ? Samuel Eto’o parle de changement, dit qu’il voulait redonner au football Camerounais sa grandeur. Mais en s’entourant de gens qui sont tous fonctionnaires, et qui nous sortent un budget absolument écrit sous la plume de la corruption, parce que de la quête du gombo, de quoi parle-t-il ? La FECAFOOT, il me semble, est une des rares associations qui, parce qu’elle est au cœur d’une activité génératrice de fonds, n’a absolument pas besoin de l’État camerounais ! Car l’argent que l’État camerounais investit dans le football, il le retire aux routes, aux écoles, aux hôpitaux. Samuel Eto’o a manifestement échoué à introduire au pays un système dans lequel la FECAFOOT serait financée par les cotisations des clubs. Il se retrouve à vivre lui-même en superstar, ainsi que sa FECAFOOT de fonctionnaires gombistes, à vivre donc aux frais de l’État, ce qui est inadmissible. Le Cameroun n’a pas besoin de deux Biyas. Un est déjà de trop. Que Samuel Eto'o dégage !
Concierge de la république