Le membre du gouvernement dénonce les « pratiques malsaines » qui ont cours dans ses services. Il appelle les usagers à dénoncer sans réserve corrompus et corrupteurs. Voici dans son intégralité son interview diffusée au journal de 13 heures du Poste national de la CRTV ce 24 juin 2018.
Vous et moi avons été au moins une fois confrontés à la corruption. Un tel aveu dans votre lettre aux usagers c’est que la morale et l’éthique sont sérieusement corrompues…
La lutte contre la corruption constitue l’un des piliers de l’action du président de la République Son Excellence Paul Biya à la tête de notre pays. Il nous l’a toujours dit : le combat contre la corruption est un combat sans répit. Il faut que cela cesse. Nous devons donc chacun à notre petit niveau prendre le relais pour mener ce combat. Nous avons fait le constat qu’au niveau des services publics notamment à la fonction publique il y a encore un certain nombre de pratiques malsaines, des pratiques qui n’honorent pas le service public, qui n’honorent pas les fonctionnaires et agents de l’Etat.
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C’est pour cela que nous avons, profitant de la journée africaine de la fonction publique et du service public placée sous le signe de la lutte contre la corruption, adressé une lettre aux usagers de la fonction publique du Cameroun pour leur dire que nous sommes conscients de ce qui se passe. Il faudrait qu’ensemble nous menions le combat pour relayer l’action du chef de l’Etat et que cessent ce genre de pratiques. Le monnayage des services n’est pas une bonne chose. Il faut que cela cesse.
Mais comment parler de lutte contre la corruption à quelqu’un qui a faim, qui est dans le besoin ? Ventre affamé n’a point d’oreilles !
Mais qui a faim ? Le fonctionnaire qui se laisse corrompre ? Ou alors celui qui vient corrompre ? Le fonctionnaire gagne un salaire et c’est pour cela qu’il travaille. Il a donc ce salaire pour rendre service. Et rendre service gratuitement. Qui a faim ? Celui qui propose le monnayage parce qu’il veut qu’un service lui soit rendu ? Non il n’a pas faim. S’il avait faim il n’aurait pas proposé cela. C’est parce qu’il a quelque chose dans la poche qu’il veut donner à l’autre. Non, le service public est gratuit. On ne paie rien au ministère de la fonction publique. Qu’on ne nous parle pas de timbres et ceci ou cela. La signature d’un ministre, d’un directeur, d’un délégué régional ou même d’un simple chef de bureau est une signature gratuite.
Au Cameroun il y a l’ANIF, la CONAC, les cellules anti-corruption mais la corruption a toujours le dessus dans ce combat contre l’immoralité.
Nous travaillons en parfaite synergie avec tous ces organismes. Vous avez dû constater il y a à peu près un mois et demi que nous avons dû lancer une initiative à résultats rapides en synergie avec la CONAC. C’est un combat de longue haleine. On parle souvent de dessous de table n’est-ce pas ? Ça se pratique généralement dans un cadre enfermé ou renfermé. Il n’y a pas souvent des témoins. Il s’agit donc de travailler la moralité de tout un chacun. L’usager comme le fonctionnaire ou l’agent de l’Etat pour faire comprendre à l’un et à l’autre que ce service-là est gratuit. Ce service-là est gratuit ! Que chacun fasse son travail ! Je voudrais surtout m’adresser à l’usager : si le fonctionnaire ou agent de l’Etat vous demande quelque chose, refusez ! Sachez dire : « non ». Et si cela persiste adressez-vous au ministre que je suis. J’ai mis à votre disposition une adresse e-mail. Beaucoup d’usagers ont également mon numéro de téléphone personnel. Ils ont d’autres canaux. Les boîtes à suggestion que nous avons mises en place au niveau du ministère et dans les délégations régionales. Tous ces canaux permettent donc de communiquer avec nous pour nous dire à quel niveau les choses ne vont pas bien. Je dois d’ailleurs vous dire que des syndicalistes nous ont saisi il n’y a pas longtemps pour dire qu’il y a un bureau déjà identifié au niveau du ministère de la fonction publique. Nous avons vérifié cela et ça a été prouvé. Les trois chefs de bureau qui étaient dans cette salle ont été balayés. Il y a des nouveaux chefs dans ces bureaux-là. Il nous a également été signalé au niveau de la délégation régionale du Centre des pratiques malsaines. Nous y avons effectué une descente inopinée après trois vérifications. Cela ayant été prouvé nous sommes allés sensibiliser le délégué régional et tout son personnel. Nous avons dit : « monsieur, vous et vos collaborateurs, créez une sorte de ceinture autour de nos services afin que ces pratiques-là ne traversent pas cette ceinture et arrivent dans notre bureau ».
Monsieur le ministre, vous avez parlé des usagers et de vos collaborateurs. Et si c’est vous-mêmes qui êtes sollicité par les corrupteurs…
Ah ça vraiment je suis désolé hein ! Qu’ils ne tentent pas ! (il répète) Qu’ils ne tentent pas !
Vous ne succomberez pas à la tentation…
La tentation ? Je ne me laisserai pas tenter ! J’ai appris les bonnes pratiques. Ce serait décevant que je sois le premier à tomber aussi facilement dans ce genre de tentation.
Nous arrivons à la fin de cet entretien, parlez bien monsieur le ministre ! On se comprend…
Je ne sais pas parler. Ah non non non ! Ce langage-là vraiment, je ne sais pas le tenir ! Je sais parler lorsqu’il faut sensibiliser contre la corruption. Mais pas pour corrompre ou me laisser corrompre.