L’accès aux réseaux sociaux et aux données de l’internet mobile a été restreint au Sénégal au lendemain du verdict du procès de Ousmane Sonko, qui a vu des affrontements meurtriers entre les partisans de Sonko et les Forces de défense et de sécurité à Dakar et dans quelques grandes villes du Sénégal.
Le Ministère de la Communication, des télécommunications et de l'économie numérique du Sénégal a annoncé hier dans un communiqué que l'internet des données mobiles est suspendu temporairement sur certaines plages horaires.
Vendredi, le ministère de l'Intérieur avait fait savoir que les réseaux sociaux, comme WhatsApp, Facebook et Twitter, étaient coupés par le gouvernement en raison de la diffusion des messages de haine.
Une situation qui n'est pas sans impact sur les activités principalement celles-ci qui se font en ligne.
Melba Orlie fait dans la vente en ligne des produits alimentaires, elle a confié ses difficultés à Valorien Noubissi de BBC Afrique :
« Depuis, on a vu nos chiffres chuter. Je me suis levée un matin et j'ai vu que je n'avais carrément reçu que deux visites sur le site. Je me suis dit là, il y a un problème. »
Les entreprises sénégalaises, en particulier celles qui dépendent largement de l'internet mobile pour leurs opérations, ont été durement touchées par les restrictions. La communication avec les clients et les fournisseurs a été entravée, ce qui a entraîné des retards dans les transactions commerciales et des difficultés dans la gestion des activités quotidiennes.
Au Sénégal, le parc internet mobile est estimé à 16.349.690 lignes, selon un rapport trimestriel de l’ARTP (Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes) publié en 2022. Les utilisateurs de l’Internet mobile 2G/3G/4G représentent la part la plus importante du parc des lignes Internet (98,68%).
Les personnes les plus impactées par les restrictions relèvent du secteur informel, dont fait partie 9 travailleurs sur 10 au Sénégal, selon l’Organisation internationale du travail dans une publication titrée Diagnostic de l’économie informelle au Sénégal parue en 2020.
Au total, les entreprises du secteur informel représentent 16,3% de la création de richesse, estime l’Agence nationale de la statistique et de la démographie dans le rapport global du premier recensement général des entreprises publié en 2017.
Certains spécialistes parlent de pertes entre cinq et vingt-cinq milliards, mais je pense que c'est sous-évalué parce qu'aujourd'hui, nous sommes dans un contexte de crise où il n'y a pas beaucoup de déplacements. Dans ce contexte, les gens préfèrent utiliser quelque part les moyens de télécommunication. Donc, en limitant leur accès, la perte risque d'être encore plus importante.
Nous sommes un pays où 80 à 85 % de l'activité économique est contrôlée par la capitale. Nous avons une économie macrocéphale liée à la capitale Dakar, qui est au ralenti. Et donc si Dakar est au ralenti, on pouvait utiliser l'internet, la télécommunication pour pouvoir remplacer cette perte en termes d'activité. Mais, malheureusement, le fait que l'État a mis en place des restrictions, ça impacte doublement l'économie.
Aujourd'hui, les banques ne fonctionnent plus, surtout les guichets automatiques parce qu'il y a un problème de réseau. Les paiements mobiles à distance ne fonctionnent plus, Il faut être dans des réseaux ADSL pour pouvoir faire des opérations. Et je pense que tout cela ralentit, mais drastiquement, l'activité économique. Donc il est difficile de quantifier la perte. Mais, elle est énorme parce qu'on avait besoin de la technologie pour quelque part, se substituer à cette crise qui rend l'économie inactive.
Qui sont les acteurs économiques les plus impactés ?
Les acteurs économiques les plus impactés, ce sont les commerçants, les start-ups et quelque part, ceux qui travaillent aussi dans le mobile money, mais aussi tous les agents économiques. Parce qu'aujourd'hui, ce sont les agents économiques qui, de par les paiements, en fait, se transfèrent de l'argent. On peut citer aussi ceux qui s'activent dans les produits de vente en ligne, les média en ligne aussi. Je pense que c'est toute l'activité économique qui est impactée.
Existe-t-il des mécanismes pour soutenir les acteurs impactés ?
Je ne pense pas qu'ici, il s'agisse de voir comment faire pour mettre en place des mécanismes de soutien, mais plutôt lever les restrictions.
L'État doit permettre à l'économie de prendre encore son envol parce qu'on en a besoin. On ne peut plus tenir pendant deux, trois, quatre jours sans activité, alors que nous savons très bien que l'économie sénégalaise est contrôlée à près de 90 % par l'informel. Donc, c'est informel qui utilise plus ce mode de télécommunication. Si vous leur interdisez d'utiliser cet outil, les conséquences peuvent être terribles pour toute l'économie.
Nous sommes un pays quelque part qui a reçu des coups sur le plan économique depuis deux ans. Et si on a l'occasion de redémarrer l'activité, il faut quelque part ouvrir les vannes.