De nombreux scientifiques tentent d’étudier les vertus de la vitamine D dans la lutte contre le covid-19. Mais jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas encore donner de réponses unanimes.
La Vitamine D a toujours fait l’objet d’étude. Ses bienfaits et ses limites pour notre santé restent mitigés.
Qui devrait prendre des suppléments de vitamine D ? Quelles maladies peut-elle prévenir ? Et quel serait le niveau recommandé dans le sang ? Autant de questions qui poussent les experts à faire des études sur la vitamine D.
Les bases de la vitamine D
Les centenaires de la découverte de la vitamine D ont étaient fêtés en 2022. Au début du 20ème siècle, plusieurs médecins et scientifiques de différentes institutions cherchaient la cause du rachitisme et ont observé que la consommation d’huile de foie de morue prévenait et traitait cette maladie osseuse. L’exposition au soleil semblait être efficace.
En 1922, une équipe dirigée par le biochimiste américain Elmer McCollum, a découvert le remède et lui donne le nom de « vitamine D ».
Durant cette époque, de nombreuses vitamines ont étaient découvertes – les lettres A, B et C étaient déjà utilisées.
Des décennies plus tard, avec plus de recherches et de détails sur la structure moléculaire, ont permis de dire que la vitamine D est en fait une hormone.
Actuellement, il y a des scientifiques qui essaient d’imposer le vocable « hormone de la vitamine D », mais le terme « vitamine D » reste très populaire.
Aujourd’hui, il est prouvé que la vitamine D régule la quantité de calcium et de phosphore dans notre corps, ce qui est essentiel à la croissance et au maintien des os, des dents et des muscles. En somme, la vitamine D est très importante pour la santé des os et des muscles.
Nous savons également que nous pouvons obtenir de la vitamine D à partir de l’exposition au soleil, par l’alimentation et la supplémentation.
L’endocrinologue Marise Lazaretti-Castro, professeur à l’Université fédérale de São Paulo (Unifesp), affirmé que c’est une idée reçue de penser que les effets de la nourriture et de la supplémentation se feront ressentir que s’il y a exposition au soleil.
« C’est faux de dire que vous devez prendre un bain de soleil même si vous prenez de la vitamine. Le soleil, produit de la vitamine D. Si vous en prenez par le biais d’aliments ou de suppléments, vous n’avez pas besoin de vous exposez au soleil», explique Lazaretti-Castro.
Castro et la nutritionniste Marcela Mendes, également interviewée par BBC News Brasil révèlent qu’en vérité l’apport nécessaire en vitamine D ne peut pas être comblé par les aliments. Des scientifiques brésiliens confortent cette thèse.
«Il faut avoir une bonne éducation nutritionnelle pour comprendre que la nourriture ne peut pas répondre à tous nos besoins en vitamines. Les principaux aliments contenant de la vitamine D sont le saumon sauvage, les champignons et les poissons gras.
La consommation de ces aliments devrait être quotidienne et régulière pour que l’effet escompter soit obtenu explique Mendes, docteur en sciences de la nutrition de l’Université de Surrey (Angleterre) et membre du groupe de recherche sur la vitamine D du Réseau mondial de partenariat universitaire (UGPN).
Dans certains pays qui ont des hivers rigoureux et moins de soleil, il est obligatoire de prendre un complément en vitamine D. Ce n’est pas le cas au Brésil. Pourtant dans les grandes surfaces on voit beaucoup de produits avec des mentions « riche » et « enrichi en vitamine D ».
«Effectivement ces produits sont enrichis à la vitamine D, mais ne procurent pas l’apport nécessaire pour notre organisme prévient la nutritionniste. Elle suggère une réglementation plus stricte.
L’Agence nationale de surveillance de la santé (Anvisa) ordonne que les aliments qui portent la mention « enrichi à la vitamine D » doivent avoir au moins 30 UI (unités internationales) s’il s’agit de jus, boisson entre autre et 60 UI s’il s’agit d’aliments solides. Selon l’agence, ces doses garantissent que les produits « fournissent une quantité importante des substances ajoutées et sont efficaces. »
Mendes se veut être prudent quand elle parle de la vitamine D, car il existe des variables individuelles et locales, mais souligne comme référence les directives de la Société brésilienne d’endocrinologie et de métabolisme (SBEM).
Cette dernière recommande 600 à 800 UI par jour pour les adultes en bonne santé (via l’alimentation et / ou la supplémentation). Pour les groupes à risque, les besoins sont souvent encore plus grands.
C’est-à-dire que le minimum requis pour qu’un produit soit enrichi en vitamine D est inférieur à cette référence.
Faut-il prendre une supplémentation ou pas ?
En plus de la nourriture, nous avons également l’exposition au soleil et la supplémentation comme moyens d’obtenir de la vitamine D.
Pendant longtemps, on a pensé que le climat brésilien était suffisant bon pour garantir la vitamine D à la population. Le pays n’enregistre pas beaucoup de cas de rachitisme.
Néanmoins, des études récentes ont montré que le Brésil enregistre un pourcentage important de personnes qui souffrent de carence en vitamine D.
Une étude publiée en novembre 2022 dans le Journal of the Endocrine Society par Lazaretti-Castro a examiné les niveaux de vitamine D chez des donneurs de sang de trois villes brésiliennes.
Les résultats ont montré une carence en vitamine D chez 12,1% des habitants de Salvador; 20,5 % à São Paulo et 12,7 % à Curitiba.
A l’échelle mondiale, nous avons des chiffres aux États-Unis (24%), au Canada (37%) et en Europe (40%).
Marcela Mendes a fait un essai clinique avec des femmes brésiliennes qui vivent au pays et des Brésiliens vivant en Angleterre.
« En fait, j’avais une moyenne de taux de vitamine D beaucoup plus élevée au Brésil qu’en Angleterre. Donc, d’autres facteurs entrent en jeu au-delà du soleil », explique la nutritionniste, citant des facteurs tels que la pigmentation de la peau – il y a la mélanine, qui protège contre la lumière du soleil, donc on a moins de vitamine D.»
« Plusieurs gènes ont déjà été identifiés. Ils influencent la vitamine D sur l’expression des gènes. Il y a aussi le polymorphisme génétique: les gens peuvent avoir une mutation qui favorise ou perturbe les niveaux de vitamine D.»
Le mode de vie actuel peut également réduire notre exposition au soleil, de plus nous utilisons des crèmes solaires. Pour prévenir le vieillissement et le cancer de la peau, nous utilisons des filtres qui bloquent la lumière ultraviolette B (UVB), cruciale pour que notre corps synthétise la vitamine D.
Des scientifiques qui ont consulté le rapport ont donné des recommandations pour faire face aux risques et aux avantages de s’exposer au soleil.
La Société brésilienne d’endocrinologie et de métabolisme (SBEM) estime que les interventions doivent se faire au cas par cas. « Faire une recommandation globale sur la façon de s’exposer au soleil est complexe, car la quantité de vitamine D que chaque personne fabrique est variable.
Cette variation se produit en fonction de la couleur de la peau. Dans une région du Brésil proche de l’équateur, l’indice UVB est élevé et en hiver, l’indice UVB est inférieur à celui de l’été » souligne Bárbara Campolina, endocrinologue et directrice du département du métabolisme osseux et minéral de SBEM.
En général, le cancer de la peau se produit sur le visage, le cou et le front, et ces zones doivent toujours être protégées par des crèmes solaires.
On peut exposer les bras et les jambes sans protection pendant 5 à 7 minutes chez les personnes à la peau plus claire et jusqu’à 15 minutes chez celles qui ont la peau plus pigmentée et ensuite appliquer le protecteur. Les rougeurs de la peau doivent être évitées, cela montre l’effet néfaste du soleil », a expliqué Sergio Maeda, président d’Abrasso.
La Société brésilienne de pédiatrie (SBP) et la Société brésilienne de gériatrie et de gérontologie (SBGG) suggèrent également que l’exposition au soleil doit se faire avant 10 heures et après 16 heures.
En ce qui concerne la supplémentation, les scientifiques brésiliens recommandent tout d’abord des examens. Vérifier le niveau d’hydroxyvitamine D dans le sang, après cela un médecin ou un nutritionniste doit décider si une supplémentation est nécessaire ou pas.
25 (OH) D est la forme circulante de vitamine D dans le sang après son passage dans le foie.
Pour les bébés, une dose de 400 UI de la première semaine à 12 mois et de 600 UI de 12 à 24 mois.
Cependant, certains groupes à risque devraient être plus attentifs au niveau de 25(OH)D
Personnes âgées (plus de 60 ans)
Obésité et personnes ayant subi une chirurgie bariatrique
Femmes enceintes ou allaitantes
Les personnes atteintes d’ostéoporose, d’autres maladies osseuses (rachitisme, ostéomalacie et hyperparathyroïdie), qui ont des fractures ou des chutes récurrentes
Personnes atteintes d’une maladie rénale chronique ou d’un syndrome de malabsorption intestinale
Les personnes qui utilisent des médicaments qui interfèrent avec le métabolisme de la vitamine D, comme le traitement antirétroviral contre le VIH, les corticostéroïdes et les anticonvulsivants
Les personnes qui ne sont pas exposées au soleil par une contre-indication, comme des antécédents de mélanome ou d’autres cancers de la peau.
Selon Mendes, le test est devenu de plus en plus accessible dans les laboratoires privés.
Un médecin doit faire le test de vitamine D, selon le ministère de la Santé avant de la prescrire aux patients.
La production de vitamine D a augmenté au Brésil durant la pandémie
Selon, la nutritionniste, on a tellement vanté les bienfaits de la vitamine D sur la santé que les gens en prennent de façon abuse parfois.
« Il faut reconnaitre aussi que la supplémentation est très importante dans de nombreux cas » explique la nutritionniste.
« Mais aujourd’hui, nous voyons des gens prendre 5 000, 10 000 UI par jour en s’attendant à ce que la molécule fasse effet, ces doses sont considérées comme élevées. »
La Dre Marise Lazaretti-Castro affirme que le surdosage comporte des risques.
« À long terme, cela peut causer une intoxication à la vitamine D, ce qui est grave. Le calcium monte dans le sang et cela donne beaucoup d’effets indésirables tels que des nausées, des vomissements, des diarrhée. Il peut également donner de l’inappétence, une perte de poids, une polyurie, une déshydratation, une insuffisance rénale, une perte de la fonction rénale... Il peut même causer la mort. »
« La carence en vitamine D est aussi mauvais pour la santé.»
Le nutritionniste souligne également qu’il existe des pharmacies qui vendent des doses très élevées sans ordonnance.
BBC News Brésil a tenté via email et par téléphone de joindre l’Association nationale des pharmaciens magistraux en vain.
Les chiffres montrent que le marché de la vitamine D a connu un bond au Brésil en 2020, première année de la pandémie de covid-19.
En février 2021, le chiffre d’affaires généré par la vente de vitamine D était évalué à 1 milliard de dollars, selon les chiffres de l’Association des laboratoires pharmaceutiques nationaux (Alanac).
Ce chiffre prend en compte la vente de suppléments et de médicaments à base de vitamine D dans les pharmacies partout au pays.
Le rôle de la vitamine D dans la prévention et le traitement des maladies
Alors que les avantages de la vitamine D pour la santé des os sont déjà connus, les soi-disant « effets néfastes » de l’hormone sont toujours en phase d’étude.
C’est au premier trimestre de cette année que des articles scientifiques ont été publiés. Ils parlent du le rôle de la vitamine D dans la sclérose en plaques, la démence, l’asthme, le mélanome, le cancer de la peau.
L’hypothèse selon laquelle l’hormone peut jouer un rôle dans la prévention ou le traitement de ces maladies est due, en partie, au fait que les gènes récepteurs de la vitamine D ont déjà été trouvés dans divers types de cellules du corps humain, des neurones aux lymphocytes.
En outre, des études sur des cobayes dans lesquelles ces récepteurs ont été exclus ont montré que les glandes mammaires étaient plus sujettes au cancer du sein; le muscle cardiaque à l’hypertrophie; la prostate à l’hyperplasie; et le foie est devenu plus gros.
Selon l’endocrinologue Marise Lazaretti-Castro « la vitamine D dépend de l’exposition au soleil, si vous êtes malade, vous ne vous exposerez pas au soleil.», dit-il.
Considérés comme « l’étalon-or » dans les études sur la santé, les essais contrôlés randomisés, qui consistent en des essais avec des volontaires, sont d’abord ceux qui pourraient mieux montrer la causalité entre la vitamine D et certains effets sur la santé. Mais des études de ce type se sont heurtées à des obstacles.
Selon Lazaretti-Castro, une étude a était menée aux États-Unis. Elle s’est penchée sur le lien entre la vitamine D, le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Au total, 25 817 bénévoles ont été suivis pendant cinq ans en moyenne. Ils ont été divisés en deux groupes. L’un supplémenté avec une forte dose de vitamine D (2 000 UI) et un autre qui a reçu un placebo.
L’étude a conclu que la vitamine D n’entraînait pas de réduction significative du risque de cancer ou de maladie cardiovasculaire. Il n’y a pas eu non plus de réduction des décès dus aux maladies cardiovasculaires – mais pour le cancer, il y a eu une réduction de la mortalité, de 17%.
Mais Lazaretti-Castro explique que l’étude a rencontré un obstacle auquel les essais cliniques avec la vitamine D sont souvent confrontés: il est contraire à l’éthique de laisser le groupe de volontaires recevant un placebo déficient en hormone.
L’expérience américaine a donc permis à tous les volontaires, qu’ils soient dans le groupe témoin ou non, de prendre 800 UI de suppléments par jour, ce qui est une bonne quantité.
Dans l’autre groupe, ils ont reçu des doses élevées de vitamine D.
« Cette étude a plusieurs limites. Par exemple, les taux plasmatiques [de vitamine D] étaient déjà élevés dans l’ensemble du groupe. Donc était-il nécessaire d’augmenter la dose ? Probablement pas », souligne le médecin.
La nécessité de trouver des alternatives au recrutement de volontaires ayant de bons niveaux de l’hormone et de suivre les participants pendant au moins cinq ans a été préconisée dans les éditions précédentes.
Un autre défi pour les études est d’évaluer les effets sur la santé de l’exposition au soleil.
Les scientifiques ont également débattu sur les valeurs de référence des 25 hydroxyvitamine D dans le sang.
« Il y a consensus sur deux points : les niveaux de 25(OH)D inférieurs à 12 ng / mL sont clairement déficients à tous les âges et les niveaux supérieurs à 30 ng / mL sont clairement suffisants.
En revanche, il existe des désaccords sur la façon de classer les niveaux entre 12 et 30 ng / ml ».
Une question qui a fait objet de débat est de savoir à quel point une dose élevée de vitamine D pose des risques pour la santé.
Marcela Mendes soulève encore une autre question: selon la nutritionniste, au Brésil, nous importons encore beaucoup de recommandations d’institutions étrangères, sans tenir compte des particularités de notre pays.
Mais elle souligne une certitude.
«L’avenir de la vitamine D réside dans la découverte de son indispensabilité.»