Atiku Abubakar espère que la sixième fois sera la bonne dans sa quête pour devenir le prochain président du Nigeria, après avoir échoué lors de cinq tentatives précédentes, la première en 1992.
Âgé de 76 ans, il a fréquenté les sommets de la vie publique pendant la majeure partie de sa carrière en tant que haut fonctionnaire, vice-président et homme d'affaires de premier plan, faisant fortune dans le secteur pétrolier.
Mais la plus haute fonction du pays lui a échappé, et en février 2023, il se représente, offrant ses références d'opérateur politique chevronné et d'entrepreneur en série comme remède aux maux du Nigéria.
Le pays le plus peuplé d'Afrique est confronté à une montée en flèche du chômage, à une insécurité généralisée, à une inflation élevée et à une économie atone fortement dépendante de la fluctuation des revenus pétroliers.
La campagne de M. Abubakar s'appuie sur son succès en tant que vice-président entre 1999 et 2007, où, à la tête de l'équipe économique du gouvernement, il a supervisé des réformes réussies dans les secteurs des télécommunications, des retraites et des banques, qui ont permis de créer des emplois et de faire croître le PIB.
Toutefois, ses détracteurs font état d'accusations d'irrégularités financières à son encontre qui, selon eux, le rendent inapte à occuper la fonction suprême dans un pays où la corruption est un problème majeur.
Il est accusé de copinage, notamment lorsqu'il a supervisé la privatisation d'actifs gouvernementaux clés. Il nie tout acte répréhensible et affirme que ces accusations sont motivées par des considérations politiques.
M. Abubakar espère unifier le parti d'opposition fracturé qu'est le Parti démocratique des peuples (PDP), où des fissures sont apparues depuis sa victoire aux primaires en juin.
Certains gouverneurs influents du Sud lui en veulent d'avoir été élu, affirmant que c'était au tour du Sud de produire le prochain président du Nigéria après huit ans de présidence de Muhammadu Buhari, un Nordiste comme M. Abubakar.
Le choix de son colistier a également suscité une rébellion ouverte au sein du parti, beaucoup estimant que le refus du très influent gouverneur de l'État de Rivers, Nyesom Wike, pourrait s'avérer coûteux.
Personnalité populaire au sein du parti, M. Wike était considéré comme le grand favori, après avoir perdu les primaires présidentielles, mais M. Abubakar a choisi le gouverneur de l'État du Delta, Ifeanyi Okowa.
En dehors de son parti, M. Abubakar est confronté à un adversaire redoutable en la personne de Bola Tinubu, le candidat du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), et à une campagne en plein essor menée par les jeunes, sous la houlette de Peter Obi, du parti travailliste, qui vise à obtenir des voix dans les zones traditionnelles du PDP dans le sud du Nigéria.
Il y a aussi le défi de convaincre les jeunes Nigérians qu'il est un choix approprié, étant donné son âge, et qu'il représente une rupture avec la classe politique dans laquelle beaucoup ont perdu confiance.
Personnage affable et entreprenant, M. Abubakar se déplace adroitement entre le monde du commerce et celui de la politique - des qualités qui, selon ses partisans, l'aideront à unir le pays et à relancer l'économie.
Il participe aux élections nigérianes depuis des dizaines d'années et a récemment oscillé entre les deux partis dominants, l'APC et le PDP - dont il était un membre fondateur - pour tenter d'accéder à la présidence.
Sa première sortie du PDP, en 2006, a coïncidé avec une enquête sur son bilan en tant que vice-président, lorsqu'il a été accusé d'avoir détourné 125 millions de dollars (76 496 361 000 FCFA) de fonds publics vers ses intérêts commerciaux.
Des accusations similaires figuraient dans un rapport du Sénat américain de 2010, qui accusait M. Abubakar d'avoir transféré 40 millions de dollars (24 478 021 000 FCFA) de "fonds suspects" aux États-Unis, en utilisant le compte bancaire de son épouse américaine.
Les accusations n'ont jamais été jugées par un tribunal, et M. Abubakar a rejeté les allégations de corruption comme étant politiquement motivées. En janvier 2019, il s'est rendu à Washington DC, mettant fin aux spéculations selon lesquelles il évitait de se rendre aux États-Unis parce qu'il risquait d'y être arrêté.
Il fait appel aux électeurs qui souhaitent une relance de l'économie et de l'unité nationale, après avoir vu M. Buhari administrer une période de stagnation économique et d'accusations d'ethnicité dans les nominations politiques.
La réputation de M. Abubakar dans le monde des affaires est liée à l'ascension spectaculaire d'Intels, la société de logistique pétrolière qu'il a cofondée en 1982. Depuis ses premiers bureaux installés dans un conteneur maritime, la société est devenue une entreprise multinationale de plusieurs milliards de nairas, employant plus de 10 000 personnes.
Il a consacré une partie de sa fortune à des causes caritatives, notamment en créant la prestigieuse American University dans l'État d'Adamawa, dans le nord du Nigéria. L'université a offert des bourses à certaines des "filles de Chibok", survivantes d'un enlèvement très médiatisé par les militants islamistes de Boko Haram.
M. Abubakar se considère comme un heureux bénéficiaire de l'enseignement de style occidental proposé par l'université et auquel Boko Haram s'oppose farouchement. Il est né dans l'Adamawa au sein d'une famille musulmane pratiquante, et son père, un commerçant et éleveur peul, a été brièvement emprisonné pour l'avoir empêché d'aller à l'école.
"Le père répondait typiquement par la peur et l'anxiété à l'assaut du changement au Nigeria", écrit M. Abubakar avec sympathie dans son autobiographie.
Dans son autobiographie, il s'attribue le mérite de la réforme du secteur bancaire, de la mise aux enchères des licences de téléphonie mobile, ainsi que du boom économique qui a permis au Nigéria de rembourser une grande partie de sa dette.
M. Abubakar, originaire de l'État d'Adamawa (nord-est du pays), affirme qu'il ramènera le bon temps s'il est élu président en 2023.
Il a quatre épouses et 28 enfants.