Bola Tinubu, 70 ans, largement crédité d'avoir remodelé le centre commercial du Nigéria, Lagos, mènera le parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), à l'élection présidentielle de février, mais il doit faire face à une opposition revigorée, à des allégations de corruption et à des problèmes de santé alors qu'il aborde l'une des tâches les plus redoutables d'Afrique.
Autrefois contraint à l'exil par le dirigeant militaire Sani Abacha, M. Tinubu connaît la valeur de la liberté et la porte comme un insigne sur son chapeau caractéristique - une manille brisée qui ressemble à un chiffre huit horizontal.
Comptable de formation, ce sont les activités du groupe pro-démocratique National Democratic Coalition (Nadeco), dont il était membre, qui l'ont mis dans le collimateur d'Abacha.
L'opposition de groupes tels que Nadeco et la mort d'Abacha en 1998 ont permis l'avènement de la démocratie au Nigéria en 1999 et, à bien des égards, M. Tinubu, ancien cadre de la compagnie pétrolière Mobil, estime avoir droit à la présidence du Nigéria.
Il misera sur son expérience de la politique et son influence considérable dans tout le pays pour remporter l'élection, où il devra faire face à une rude concurrence de l'ancien vice-président Atiku Abubakar, qui se présente pour le principal parti d'opposition, le People's Democratic Party (PDP), et à une campagne en plein essor de Peter Obi, du Labour Party, qui jouit d'une grande popularité auprès des électeurs urbains.
Si M. Tinubu, surnommé "Jagaban" par ses partisans, obtient le poste suprême, il devra unifier un pays divisé par des lignes régionales, s'attaquer à l'insécurité généralisée, créer des emplois et réduire l'inflation croissante.
Mais ce n'est pas un travail qui l'effraie. Il a fait référence à son mandat de gouverneur de l'État de Lagos entre 1999 et 2007 pour vendre sa candidature aux Nigérians.
Sous son mandat, Lagos a augmenté massivement ses revenus grâce à d'énormes investissements étrangers, tandis qu'un programme de transport public prévoyant la création de nouvelles voies pour les bus rapides a permis de réduire les fameux embouteillages auxquels sont confrontés quotidiennement les banlieusards.
Mais la ville d'environ 25 millions d'habitants n'a pas été à la hauteur de sa réputation de mégalopole, malgré ses prétentions à la redresser.
Les infrastructures publiques sont en grande partie dans un état de délabrement - les équipements de base tels que l'eau et les logements publics sont décrépis, tandis qu'un projet de train léger lancé sous son règne n'a pas été achevé près de 20 ans plus tard malgré les richesses de l'État.
Il a également été accusé de garder la main sur les finances de l'État, bien qu'il ait quitté ses fonctions en 2007.
Tous les gouverneurs qui lui ont succédé ont été des protégés suivant une "grande feuille de route", tandis que celui qui a osé trouver sa propre voie a été rapidement mis au pas, avec l'aide des puissants membres du syndicat des transports.
M. Tinubu fait également l'objet d'allégations de corruption, qu'il nie.
Il y a deux ans, Dapo Apara, un comptable d'Alpha-beta, une entreprise dans laquelle M. Tinubu détiendrait des parts par l'intermédiaire d'un ami, l'a accusé d'utiliser cette entreprise pour blanchir de l'argent, frauder le fisc et se livrer à d'autres pratiques de corruption.
M. Tinubu a été poursuivi en justice bien que lui-même et Alpha-beta aient nié les allégations, mais toutes les parties ont décidé de régler à l'amiable en juin dernier.
De telles allégations, y compris le fait d'avoir été confronté à deux reprises au Tribunal du code de conduite du Nigeria (CCT) pour des allégations de violation du code des fonctionnaires publics - où il a été blanchi - font dire aux opposants que M. Tinubu n'est pas l'homme de la situation dans un pays où la corruption est élevée.
En décembre, il a déclaré à la BBC qu'il avait hérité de biens immobiliers qu'il a ensuite investis, mais il a également indiqué par le passé qu'il était devenu "millionnaire instantanément" alors qu'il travaillait comme auditeur chez Deloitte et Touche.
Il a assuré avoir épargné 1,8 million de dollars (1 103 118 500 FCFA) provenant de ses salaires et autres indemnités, soit presque le même montant que celui trouvé sur des comptes liés à lui dans un litige avec les autorités américaines en 1993.
Dans des documents accessibles au public, le ministère américain de la Justice a affirmé qu'à partir du début de 1988, des comptes ouverts au nom de Bola Tinubu contenaient le produit de ventes d'héroïne blanche.
De nombreux Nigérians se méfient d'un autre président ayant des problèmes de santé après le décès du président Umaru Yar'Adua en 2010 et d'un président actuel qui a passé beaucoup de temps à se faire soigner à l'étranger.
Mais ses partisans affirment qu'il a l'endurance nécessaire pour le poste et qu'il ne concourt pas pour une place aux Jeux olympiques.
Le choix de son colistier a également suscité une certaine controverse.
M. Tinubu, musulman du sud, a choisi l'ancien gouverneur de l'État de Borno, Kashim Shettima, musulman du nord, comme vice-président.
Cette décision a été perçue comme un moyen d'apaiser le nord du Nigéria, à majorité musulmane, qui dispose du plus grand nombre de voix dans le pays.
Cependant, elle a suscité l'ire de nombreux chrétiens qui estiment qu'elle va à l'encontre de la tradition des candidatures mixtes à la présidence.
Il a défendu son choix, affirmant avoir privilégié la compétence aux intérêts primordiaux.
Il est considéré comme le parrain politique de la région du sud-ouest et sa figure la plus influente, qui décide de la répartition du pouvoir entre ses nombreux acolytes.
En 2015, il s'est décrit comme un "chasseur de talents" qui met "des talents au pouvoir".