Le 02 mars, Paul Biya a nommé à la Territoriale Paul Atanga Nji, un homme rompu au renseignement.
Il y a comme un vent nouveau chez les «chefs de terre». Le réaménagement gouvernemental du 2 mars a certes consacré la création d’un ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales. Le président Biya, par voie de conséquence, a également dédié tout un département à l’Administration territoriale, comme pour souligner une nouvelle orientation politique. Lequel ministère a à sa tête un de ses fidèles et non moins secrétaire permanent du Conseil national de la sécurité (Cns), Paul Atanga Nji.
Et le résultat de cette impulsion ne s’est pas fait attendre. En moins d’une semaine en effet, le Minat a communiqué à deux reprises à l’endroit du grand public. De l’inédit sous nos cieux : M. Atanga Nji a ainsi prescrit aux gouverneurs de région l’élaboration de bulletins d’information à l’intention du sommet de l’État, qui peut ainsi, en temps réel et en toute connaissance de cause, prendre la décision idoine. Ça tombe plutôt bien, par ces temps de fronde sécessionniste dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, venue se greffer aux affres de la secte islamiste Boko Haram dans le septentrion, sans oublier la crise des réfugiés à l’Est.
Paul Atanga Nji est revenu au-devant de la scène le 8 mars par l’entremise d’un autre communiqué radio-presse. Cette fois pour dresser l’état des lieux des violences sécessionnistes depuis 18 mois, avec notamment 27 éléments des forces de défense et de sécurité tombés sur le champ d’honneur, 18 cas de viol perpétrés par «des milices terroristes» sur des filles âgées entre 13 et 18 ans, dont certaines sont aujourd’hui enceintes.
Et pour réduire drastiquement l’activité des mototaxis dans plusieurs départements, le motocycle étant aujourd’hui comme le principal moyen de locomotion des terroristes ambazoniens.
En dressant ainsi l’état des zones anglophones guettées par l’hydre séparatiste, Paul Atanga Nji inaugure un nouveau rapport de confiance entre l’administration publique et l’opinion.
Dans une République où la moindre information, le moindre détail relèvent du mysticisme en haut lieu, le nouveau Minat fait honneur à la fonction sans pour autant banaliser le renseignement.Il s’agit sans conteste du fruit de longues années d’apprentissage à l’ombre de Jean Fochivé, l’homme qui pendant des décennies a façonné le domaine du renseignement au Cameroun.
Paul Atanga Nji, redouté par les opposants, est également un inconditionnel de Paul Biya, celui-là qui, sans doute mieux que bien d’autres, à la maîtrise du système et connaît le traitement à administrer aux détracteurs du régime de Yaoundé. En 1991, alors que le pays est frappé de plein fouet par des morts d’ordre de villes mortes et de désobéissance civile, c’est particulièrement la métropole économique, Douala, qui suffoque. En butte à la paralysie du transport urbain, la ville se meurt.
Et c’est Paul Atanga Nji qui a la lumineuse idée pour décanter la situation : il offre 100 taxis à Jean Fochivé pour desservir la cité. Douala reprend vie à l’heure où les cadors, à l’instar du célèbre tribun Lapiro de Mbanga – pais à son âme –, sont KO debout.
Pendant ce temps, dans le chef-lieu du Nord-Ouest, chose impensable pendant d’interminables mois, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) est de nouveau visible dans la rue, dans cette ville qui l’a vu naître en avril 1984. C’est le travail de fourmi de Paul Atanga Nji qui réinstalle la formation de Paul Biya dans les esprits, mettant l’opposant historique, John Fru Ndi, en difficulté dans son fief.
Avant de se distinguer dans la sphère politique, Paul Atanga Nji aura fait un tour sur le front de la finance à travers la Highland Corporation Bank, avant de glisser très rapidement dans le renseignement. De lui, Jean Fochivé disait que «quand on ne trouve pas de solution dans n’importe quel domaine, surtout dans le contreespionnage, il faut faire appel à Atanga Nji et il vous trouvera la solution magique».
C’est donc cet homme que Paul Biya a eu le temps d’étudier pendant 11 ans, en sa qualité de ministre chargé de Missions à la présidence de la République. Et, comme dirait une personnalité introduite dans le sérail, «Paul Biya ne fait rien au hasard : s’il a décidé de nommer Atanga Nji au Minat en année électorale, c’est pour un but bien précis». Et ses deux premières mesures, concernant les régions anglophones, donnent le ton : la récréation est terminée.