Un mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du président russe Vladimir Poutine montre la détermination de La Haye à poursuivre Moscou pour crimes de guerre, en l'occurrence pour la "déportation illégale" d'enfants ukrainiens vers la Russie.
Outre le président Poutine, sa commissaire aux droits de l'enfant, Maria Lvova-Belova, une femme politique jusqu'à présent peu connue en dehors de la Russie, a également été nommée.
Qui est-elle et quel est son rôle dans ces transferts qui, selon la CPI, ont lieu depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février dernier ?
La CPI affirme qu'il existe des motifs raisonnables de croire que la commissaire russe aux droits de l'enfant, Maria Lvova-Belova, est personnellement responsable des déportations et des transferts illégaux, "les ayant commis directement ou avec l'aide d'autres personnes".
La Russie ne nie pas que de nombreux enfants ukrainiens se sont retrouvés en Russie depuis le début de l'"opération militaire spéciale", terme officiel utilisé par la Russie pour désigner la guerre en Ukraine.
Mais elle a donné des chiffres inférieurs à ceux de l'Ukraine : en octobre 2022, elle a parlé d'environ 2 500 enfants. La BBC a demandé les derniers chiffres au bureau de Mme Lvova-Belova et attend une réponse.
Les autorités russes et le commissaire aux droits de l'enfant affirment que les enfants qui se sont retrouvés en Russie sont des orphelins et qu'ils ont été évacués pour des raisons de sécurité, et non pas emmenés de force.
Maria Lvova-Belova, dont le travail consiste à définir les politiques de l'État russe à l'égard des enfants, est devenue le visage public de ces transferts et les a défendus comme une tentative de sauver les enfants ukrainiens des zones de combat actif et de les "intégrer" en Russie.
Dans ses messages sur les réseaux sociaux et ses discours publics, elle a affirmé que le fait d'emmener les enfants ukrainiens en Russie était dans leur intérêt et a souligné que les enfants étaient heureux en Russie et que beaucoup d'entre eux ne souhaitaient pas y retourner.
Selon les autorités russes, l'adolescent Fillip Golovnya est orphelin. Mme Lvova-Belova publie fréquemment des photos de lui sur ses comptes de médias sociaux et affirme qu'elle a su qu'il était "à elle" lorsqu'elle l'a vu pour la première fois, peu après qu'il a été amené dans la région de Moscou avec un groupe d'autres enfants ukrainiens.
Fillip n'est pas le seul enfant de Lvova-Belova, qui est actuellement mère de dix enfants.
Cinq sont ses enfants biologiques et cinq autres ont été adoptés ou sont à sa charge. Certains d'entre eux sont adultes. Le nombre d'enfants dont elle s'occupe a fluctué au fil des ans et aurait atteint 18 à un moment donné.
Originaire de Penza, une ville située à 750 km au sud-est de Moscou, Maria Lvova-Belova, 38 ans, est devenue commissaire aux droits de l'enfant en octobre 2021.
Auparavant, elle était sénatrice d'État, représentant sa région à la chambre haute du parlement russe. Elle est active au sein du parti au pouvoir en Russie, "Russie unie".
Mariée à un prêtre orthodoxe, elle est souvent photographiée lors d'offices religieux, portant un foulard.
Elle a commencé à s'impliquer dans le travail social auprès des enfants et des jeunes adultes au début des années 2000, lorsqu'elle a créé une organisation locale appelée "Louis' Quarter".
Cette organisation aurait été créée en référence au musicien de jazz américain Louis Armstrong, né d'une mère adolescente et ayant grandi dans la pauvreté. Elle a dirigé plusieurs autres projets similaires avant de se lancer dans la politique.
L'été dernier, le président Poutine a signé un décret simplifiant la procédure d'octroi de la citoyenneté russe aux mineurs ukrainiens. Des reportages et des vidéos sur les réseaux sociaux montrant des enfants ukrainiens recevant des documents russes ont été diffusés par des fonctionnaires russes, dont Maria Lvova-Belova.
Selon des experts russes interrogés par la BBC, la remise de passeports russes à des Ukrainiens se fait "à grande échelle".
L'Ukraine a qualifié de "kidnapping légalisé" la remise de passeports russes à des enfants ukrainiens.
Une commission spéciale des Nations unies a prévenu dans son rapport que le placement d'enfants ukrainiens dans des familles russes et l'octroi de la citoyenneté russe pourraient avoir de graves conséquences pour la préservation de l'identité de ces enfants.
Maria Lvova-Belova a souligné à plusieurs reprises que les enfants ukrainiens ont besoin de la citoyenneté russe pour des raisons pratiques - pour pouvoir accéder aux soins de santé et recevoir d'autres formes d'aide.