Un proche de Narcisse Mouelle Kombi confirme à Afrik-Foot des instructions présidentielles pour ne pas réagir au limogeage de Marc Brys
À quelques semaines de la CAN 2025, le football camerounais est plongé dans une crise institutionnelle sans précédent qui remonte désormais jusqu'au sommet de l'État. Dans une révélation exclusive accordée à Afrik-Foot, un proche du ministre des Sports, le professeur Narcisse Mouelle Kombi, lève le voile sur les coulisses du conflit opposant le gouvernement à Samuel Eto'o : c'est la présidence de la République elle-même qui a ordonné au MINSEP de ne pas réagir publiquement au limogeage de Marc Brys.
"Il y a eu des instructions venues d'en haut, c'est-à-dire de la présidence de la République, demandant au ministre des Sports de ne pas réagir", confie à Afrik-Foot ce proche du Pr Mouelle Kombi. Une déclaration qui explique enfin le silence assourdissant du ministère des Sports depuis l'annonce, le 1er décembre, du renvoi du sélectionneur belge et de son staff technique par la FECAFOOT.
Cette instruction, émanant du palais présidentiel d'Etoudi, transforme radicalement la nature du conflit. Il ne s'agit plus d'un simple différend entre un ministre et un président de fédération, mais d'une affaire d'État qui nécessite l'arbitrage direct du chef de l'État Paul Biya et de son entourage rapproché.
Le silence imposé à Narcisse Mouelle Kombi, pourtant favorable à une confrontation avec Samuel Eto'o selon plusieurs sources, témoigne de la gravité avec laquelle la présidence appréhende cette crise. En muselant son ministre des Sports, Paul Biya évite une escalade immédiate tout en se donnant le temps d'analyser la situation et de définir la riposte appropriée.
Selon les révélations d'Afrik-Foot, la présidence considère les actes de Samuel Eto'o comme un affront personnel au chef de l'État. "En annonçant le renvoi de Marc Brys et de membres de son staff, qui tous ont été choisis et nommés par le ministère des Sports sur instructions du chef de l'État Paul Biya, Eto'o semble clairement défier la présidence", explique le proche du ministre.
Cette analyse est cruciale pour comprendre les enjeux réels de la crise. Marc Brys n'a pas été nommé par simple décision administrative du MINSEP, mais sur instruction directe du président Paul Biya. En le limogeant unilatéralement, Samuel Eto'o ne conteste pas seulement l'autorité d'un ministre, mais celle du chef de l'État lui-même.
Un geste d'autant plus audacieux qu'il intervient à peine quarante-huit heures après la réélection triomphale d'Eto'o à la tête de la FECAFOOT avec un score de 97,70%. Comme si l'ancien attaquant du FC Barcelone avait voulu profiter de ce plébiscite pour affirmer son indépendance totale vis-à-vis du pouvoir central.
Au-delà du limogeage lui-même, c'est également le choix du successeur qui hérisse les autorités. Toujours selon Afrik-Foot, Samuel Eto'o "a en plus nommé un coach qui n'a aucune expérience internationale", en la personne de David Pagou.
Cette critique, relayée par le proche du ministre, souligne l'amateurisme perçu de la décision d'Eto'o. Alors que le Cameroun se prépare à disputer une Coupe d'Afrique des Nations, compétition majeure du football continental, la FECAFOOT a opté pour un technicien dont le CV international est pour le moins mince.
Un choix qui contraste avec le profil de Marc Brys, entraîneur expérimenté ayant officié dans plusieurs championnats européens. Pour la présidence, cette nomination apparaît comme une provocation supplémentaire, suggérant qu'Eto'o privilégie la loyauté personnelle à la compétence, au détriment des intérêts sportifs du pays.
Si la présidence a ordonné le silence au MINSEP, ce n'est pas par résignation face au coup de force d'Eto'o. Selon nos informations, les proches collaborateurs du président Biya – ceux que l'on surnomme les "chefs à plumes" à Yaoundé – réfléchissent activement à la riposte appropriée.
Plusieurs options sont sur la table. La présidence pourrait ordonner au MINSEP de contester officiellement le limogeage, arguant que Marc Brys reste légalement le sélectionneur puisqu'il n'a reçu aucune notification de son employeur officiel. Elle pourrait également couper les vivres à la FECAFOOT en suspendant les subventions publiques, ou encore menacer Eto'o de sanctions administratives.
Mais toute réaction musclée comporte des risques. Samuel Eto'o bénéficie de soutiens de taille, notamment celui de la Première dame Chantal Biya, ce qui complique considérablement l'équation politique. La présidence doit donc naviguer entre la nécessité de restaurer son autorité et les équilibres délicats qui régissent le pouvoir au Cameroun.
Paradoxalement, les révélations d'Afrik-Foot suggèrent que Narcisse Mouelle Kombi ne serait "pas mécontent d'être débarrassé de cet énième conflit" qui l'oppose à Eto'o depuis des mois. Les relations entre le ministre et le président de la FECAFOOT sont notoirement exécrables, émaillées de confrontations régulières sur la gestion du football camerounais.
En transférant le dossier au niveau présidentiel, le MINSEP se décharge d'un fardeau politique encombrant. C'est désormais Paul Biya et ses conseillers qui devront trancher, assumant ainsi la responsabilité des décisions à venir. Une façon élégante pour Mouelle Kombi de sortir d'un conflit où il avait tout à perdre.
Cette crise risque de coûter cher au contribuable camerounais. Marc Brys, dont le salaire mensuel de 45 000 euros est versé par le MINSEP, a un contrat courant jusqu'en septembre 2026. S'il devait être officiellement démis de ses fonctions, la facture s'élèverait à au minimum 450 000 euros, sans compter les indemnités dues aux membres de son staff technique.
Une somme considérable dans un contexte économique difficile pour le Cameroun. D'où la nécessité pour la présidence de bien calculer sa réponse : soit elle plie et assume les coûts du limogeage, soit elle tient bon et impose à la FECAFOOT d'assumer elle-même les conséquences financières de ses décisions.
Pendant que les états-majors politiques s'affrontent, c'est la préparation des Lions Indomptables qui en pâtit. À trois semaines du coup d'envoi de la CAN au Maroc, le Cameroun ne sait toujours pas qui sera réellement aux commandes de l'équipe.
David Pagou peut-il sérieusement préparer un tournoi majeur alors que sa légitimité est contestée au plus haut niveau de l'État ? Marc Brys peut-il prétendre reprendre les rênes alors qu'il a été publiquement désavoué par la fédération ? Cette incertitude totale compromet gravement les chances camerounaises dans une compétition où la stabilité et la cohésion sont essentielles.
Cette nouvelle crise confirme, une fois de plus, que le football camerounais reste l'otage des luttes de pouvoir politiques. Chaque grande compétition internationale devient le théâtre de règlements de comptes qui n'ont rien à voir avec le sport.
Les révélations d'Afrik-Foot sur les instructions présidentielles imposant le silence au MINSEP illustrent à quel point les enjeux dépassent le cadre purement footballistique. Il s'agit d'un test de force entre un président de fédération auréolé de son statut d'ancienne gloire du football mondial et un pouvoir d'État vieillissant qui peine à imposer son autorité dans tous les secteurs.
Samuel Eto'o, intouchable ?
La prudence dont fait preuve la présidence face à Samuel Eto'o pose une question fondamentale : l'ancien capitaine des Lions Indomptables est-il devenu intouchable ? Son aura internationale, ses connexions avec les instances du football mondial (FIFA, CAF), et surtout ses soutiens au sein même de l'entourage présidentiel, semblent lui offrir une protection considérable.
Mais jusqu'où cette protection peut-elle aller ? En défiant ouvertement l'autorité du chef de l'État sur un dossier aussi symbolique que la sélection nationale, Eto'o teste les limites de son impunité. La réponse viendra d'Etoudi, quand les "chefs à plumes" auront fini leurs délibérations.
En attendant le verdict présidentiel
Pour l'heure, le statu quo perdure. Marc Brys attend une notification officielle de son employeur. David Pagou tente de préparer une CAN sans légitimité claire. Narcisse Mouelle Kombi observe un silence imposé. Et Samuel Eto'o, fort de sa réélection plébiscitaire, continue de diriger la FECAFOOT comme bon lui semble.
Mais ce calme n'est qu'apparent. Les révélations d'Afrik-Foot sur les instructions présidentielles montrent que la machine étatique se met en marche, lentement mais sûrement. Lorsque Paul Biya ou son entourage tranchera, la décision aura des conséquences qui dépasseront largement le seul cas de Marc Brys.