Pour ce ministère qui n’a jamais figuré sur la liste des administrations corrompues, la corruption est un concept importé dont le paramétrage s’est inspiré d’un environnement socioéconomique différent de celui du Cameroun. Il faut redéfinir ce mot à la Camerounaise et se l'approprier.
L'atelier de renforcement des capacités des organes de lutte contre la corruption dans le sous-secteur de la Recherche scientifique s'est tenu le 21 septembre 2023 à Yaoundé. Présidé par le Pr Gilbert L. Taguem Fah, président de la Cellule de lutte contre la corruption du ministère de la Recherche scientifique et de l'Innovation (Minresi), l'objectif était clair. En plus de mener des actions dans le sens de réduire les risques de corruption, le Minresi, devrait également envisager la corruption comme un sujet de recherche.
« Il faudrait pouvoir identifier le vocabulaire utilisé pour désigner la corruption dans les langues camerounaises ainsi que les pratiques qui pourraient s’y apparenter. Les mécanismes mis en branle pour lutter contre la corruption devraient tenir compte de l’environnement socioculturel afin d’éviter que celui-ci ne constitue une entrave à leur mise en œuvre », dira l'inspecteur général du Minresi. En effet, la corruption est aujourd’hui largement reconnue comme un « mal collectif ». Ce lien n’est cependant pas nouveau, la réflexion moderne sur la corruption étant étroitement liée à l’histoire de la pensée libérale et à la naissance du capitalisme.
Les efforts modernes de conceptualisation se sont peu à peu éloignés des perspectives classiques de la corruption comme dégénérescence morale pour aller vers une définition technique et opérationnelle. À juste titre, le Dr Mohammadou Mansourou, expert en éthique de la recherche et intégrité scientifique considère dans son exposé qu'il a présenté sur le thème : « Les mécanismes de prévention de la corruption dans le sous-secteur Recherche scientifique » que la corruption est une notion « aussi intuitivement parlante que mal définie ».
Le terme fait en effet écho à des affaires et des pratiques, connues pour certaines de tous, sans que l’on puisse pour autant définir intuitivement et exhaustivement ce que le phénomène représente. Nouveau statut spécial des chercheurs. En outre, la corruption se fait protéiforme et renvoie à des concepts différents selon les disciplines envisagées. En analysant le concept philosophique et politique chez les anciens et les modernes, l'expert du Minresi fait apparaître trois sens. Le premier renvoie à l’idée de l’altération progressive et inéluctable des êtres naturels, le deuxième à l’impureté, à la saleté, à la souillure, et le dernier à la maladie, aujourd’hui traduit par un champ lexical évocateur : « fléau », « gangrène », etc.
À cet effet, il devient plus qu'impératif pour la Cellule de lutte contre la corruption du Minresi en rapport avec le nouveau statut spécial des chercheurs, de veiller davantage à ce que les recrutements des chercheurs, l’encadrement des chercheurs juniors par les séniors, la constitution des équipes de recherche ainsi que les procédures de publication et de changement de grades soient dépouillés de tout acte de corruption. Toutefois, il convient de rappeler que cette Cellule a été mise sur pied par le patron du Minresi, le Dr Madeleine Tchuente qui s'efforce à tenir ce fléau à bonne distance.