Ceux qui avaient espéré que les Etats-Unis monteraient d’un cran face au pouvoir de Yaoundé dans le cadre de la résolution de la crise anglophone, peu à peu déchantent.
C’est que, à un certain moment, l’on a assisté à une escalade verbale entre les deux pays. En 2018, l’ancien ambassadeur des Usa au Cameroun soutiendra que « Le gouvernement camerounais a commis des exécutions sommaires, ils sont coupables de détenir des gens sans leur donner accès, ni aux avocats, où à leur famille, ni même des visites de la Croix-Rouge ».
Plus incisif encore était l’ex sous-secrétaire d’État américain, en charge de l’Afrique, Tibor Nagy, qui avait soutenu que le Cameroun l’empêchait de dormir. Il ne se privait pas de critiquer le régime Biya pour sa gestion du drame qui se joué dans le NoSo. On en était arrivé à penser que les Américains allaient commencer à appliquer des sanctions contre le Cameroun. Des rumeurs avaient même agité la toile et les chaumières concernant une liste de personnalités camerounaises sur lesquelles des sanctions allaient s’abattre.
Notons que Kamala Harris, l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis, avait, avec neuf autres collègues sénateurs, saisi la Maison Blanche sous Donald Trump pour revendiquer des sanctions contre le gouvernement camerounais et la révision des conditiôns de l’aide sécuritaire octroyée au Cameroun. C’était en décembre 2018.
Lorsque Antony Blinken, l’actuel secrétaire d’Etat sera interrogé lors de son audience de confirmation au sénat américain, il parlera du Cameroun. Il se dira préoccupé par “la violence dirigée contre la population anglophone”. On était en janvier 2021. Il va émettre le vœu que l’Amérique s’implique davantage dans la résolution de cette crise.
Depuis lors, de manière concrète, rien n’a évolué. Seule sanction, la suspension du Cameroun de l’Agoa durant l’ère Trump.
Pourquoi l’Amérique est bloquée Les Etats-Unis ne se sont pas retirés du dossier de la crise anglophone. On les cite d’ailleurs comme faisant partie des soutiens de l’initiative de Humanitarian Dialogue (HD), une Ong de droit suisse qui veut jouer les médiateurs dans la crise en réunissant les leaders anglophones. On les cite aussi comme soutien de la rencontre qui s’est tenue ce week-end au Canada (Toronto) dans le cadre de la Southern Cameroons 2021 leadership retreat et portée par la Coalition for Dialogue and Négociations.
Toutes ces initiatives sont diversement appréciées. Face à la détérioration de la situation sur le terrain, il est possible que les Etats-Unis n’aillent pas plus loin. La solution à la guerre se trouve à Paris. Dans une très récente sortie, l’ancien secrétaire d’État américain aux affaires africaines, Tibor Nagy a accusé la France de soutenir le régime de Paul Biya dans la crise anglophone.
Pour le diplomate américain, l’ex-puissance tutélaire est à base de la crise qui sévit dans les régions anglophones du Cameroun. « Je ne comprends pas pourquoi la France ne voit pas que son intérêt à long terme est d’aider les anglophones à faire valoir leurs droits plutôt que de soutenir la politique de la terre brûlée de Yaoundé qui ne peut pas gagner », poursuit-il.
Aujourd’hui, les Américains se situent dans la logique de ne pas froisser leur allié français plus que ça, allié qui apporte un soutien sans faille au gouvernement camerounais. Pire, vu le contexte international de l’heure, l’Oncle Sam caresse la France dans le sens du poil.
La crise des sous-marins australiens, du nom de ce contrat de plus de 12 milliards de dollars chopé par les Usa aux Français ; et l’exclusion de la France du pacte stratégique en indopacifique, ont tendu les rapports entre les deux pays sur fond de crise diplomatique.
Biden a lancé une opération de séduction vis-à-vis de Macron qu’il a rencontré à la Cop 26 à Glasgow. Michael Shurkin, ancien officier de la Cia et ex-conseiller à la défense et à la sécurité nationale explique que Joe Biden va céder à Paris quelques compensations : « au minimum, ce que Biden va faire, c’est préserver la relation bilatérale et la coopération, tout particulièrement en Afrique ».
Ces concessions pourraient aussi concerner la crise anglophone.