Ils sont suspendus d’examen pour un an, pour tricherie. Sauf que le GCE Board n’a produit aucune preuve de la fraude. La colère monte chez les parents d’élèves, qui en appellent au président de la République.
C’est un couperet qui s’est abattu sur le cou des parents et des élèves. 33 candidats à l’examen du Gce A level (baccalauréat anglophone) ont été passés à la trappe : non seulement, ils sont considérés comme ayant raté leur examen, mais encore, ils sont suspendus pour la durée d’un an.
Raison invoquée par le GCE Board (l’équivalent de l’office du baccalauréat chez les anglophones), la fraude. Le désarroi des élèves et des parents se mêlent au flou qui enrobe la lourde sanction. Lesdits apprenants sont élèves du collège la Fierté, un établissement scolaire situé au quartier Biteng, à Yaoundé.
Rendu sur les lieux jeudi dernier à l’occasion d’une réunion entre le staff administratif et les parents, c’est le branle-bas. « Nous sommes dépassés. Avec tous les sacrifices financiers consentis pour les études de nos enfants, nous voici abandonnés à nous-mêmes. Les résultats ont été rendus publics le 24 juillet. On a constaté que certains ont réussi, mais que d’autres ont été sanctionnés. Ils nous disent que nos enfants ont triché. Nous avons eu des entretiens avec nos enfants qui jurent le contraire ».
Ce jeudi-là, la cour du collège la Fierté est justement prise d’assaut par nombre de ces candidats malheureux au Gce A level. A notre micro, une jeune fille d’à peine 16 ans, qui fait partie de ce « club des 33 », éclate en sanglots : « Je ne peux pas comprendre comment on peut dire que je n’ai pas eu mon examen alors que j’ai fréquenté 09 mois et que j’ai eu de très bonnes notes durant toute l’année scolaire. Je suis choquée. On nous dit qu’il s’agit d’une sanction qui nous a été infligée pour tricherie. Je n’ai jamais triché de toute ma vie. Lors de l’examen, les surveillants étaient si stricts que même aller aux toilettes était difficile. Ce jour-là, j’étais même enrhumée. Pour utiliser un mouchoir, on contrôlait au préalable si vous n’aviez rien écrit dessus. C’est une injustice ».
Mathematics paper II
Que les choses soient bien claires. A la base, les 33 candidats mis à l’index n’ont pas échoué. Bien au contraire. C’est la validation de leur réussite qui s’est heurtée aux accusations de fraude du Gce Board. La matière mise en cause, c’est Mathematics paper II. Autrement dit, les candidats auraient eu des réponses identiques. Un autre élève victime, rencontré dans l’enceinte de la Fierté, explique sous anonymat à ce sujet : « Le Gce Board dit qu’on a triché en mathematics paper II. Les maths sont une science exacte, et il y a un cheminement pour arriver à la réponse. Nous avons tous le même enseignant. Si on suit tous le même cheminement, on est censé avoir le même résultat. Durant l’examen, il était impossible de tricher. Même passer la gomme à ton camarade était infaisable. En outre, sur les 33 sanctionnés, il y en a 19 qui étaient dans ma salle d’examen, en maths avec option mécanique. Le reste c’est maths avec option statistiques ».
La question qui surgit est la suivante : où sont les preuves de la tricherie ? Surtout que, nous apprenons que le procès-verbal d’examen ne mentionne aucune fraude, encore moins le rapport du chargé de mission du Gce Board. Alors, assiste-t-on à une prestidigitation ?
Chou blanc à Buea
Au terme d’une première réunion entre les parents d’élèves et le staff administratif du collège la Fierté, une délégation mixte de quatre personnes, composée de parents et d’un membre dudit staff s’est rendue à Buea, ville-siège du Gce Board, afin de rencontrer le directeur de cet organisme. L’un des parents ayant fait partie de cette mission, nous livre sous cape, le compte-rendu du voyage : « On nous a dit au Gce Board que la situation est irrévocable, qu’il n’y a rien d’autre à attendre. Ils nous ont demandé d’aller inscrire nos enfants au Nigéria. Nous sommes surpris qu’ils ne veulent nous laisser exercer aucune voie de recours. Le directeur du Gce Board a refusé de nous recevoir, il a envoyé nous dire que s’il est écrit sur le relevé de notes de l’enfant « suspendu pour un an », alors ainsi soit-il ».
Autrement dit, rendez-vous en 2025.
Dans nos investigations, nous décidons de joindre par téléphone le directeur du Gce Board (registrar en anglais), Dominique Dang. Lorsque nous lui expliquons la situation, il nous répond de manière laconique : « allez voir ça avec l’antenne du Gce Board à Yaoundé ». « C’est tout ce que vous avez à dire ? », le relançons-nous. Il nous raccroche au nez.
Il nous demande donc d’aller voir les anges, alors qu’on a eu la possibilité d’avoir « dieu » en ligne.
Outre les preuves de la fraude, pourquoi le Gce Board ne publie-t-il pas de manière officielle ces sanctions ? Nous apprenons même qu’à la réalité, près de 2000 candidats sur le plan national, seraient concernés par cette situation.
Pour les parents, il ne reste plus comme bouée de sauvetage que les dirigeants du Cameroun. « Nos enfants sont traumatisés, ils n’arrivent plus à se nourrir. On sort d’une réunion de parents d’élèves. Des enfants de 15 à 17 ans, sanctionnés qui vont perdre un an. Nous souhaitons que le Ministre des enseignements secondaires, le premier ministre, le président de la République, prêtent une oreille attentive à nos pleurs. Il faut qu’on sache ce qui se passe derrière. Ils ne nous ont fourni aucune preuve de fraude. Tout ce qui a été dit a été verbal, et avec un tel mépris. C’est d’une méchanceté sans bornes. Que feront les enfants pendant un an ? », se lamente l’un d’eux.