Réunion publique: l’État organise la chasse aux dissidents

André Marie Dibamou, président

Tue, 9 Nov 2021 Source: Le Jour n°3540

Une conférence de presse a été interdite le 29 octobre 2021 par le gouverneur de la région du Centre. L’organisateur, dissident du Conseil national de la jeunesse du Cameroun.

André Marie Dibamou, président d’une faction dissidente du Conseil national de la jeunesse du Cameroun (Cnjc), est gardé à vue à la division régionale de la police judiciaire du Centre à Yaoundé. Il lui est reproché entre autres de trouble à l’ordre public, d’usurpation, d’outrage à corps constitués, de rébellion et d’organisation d’une manifestation interdite. Il devra payer une caution de 200.000Fcfa pour comparaître libre devant le tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif. Ce jeune a été interpellé le 29 octobre 2021 à Yaoundé au moment où il s’apprêtait à tenir une conférence de presse. Il a invité les journalistes dans cet espace public pour leur présenter les résultats du Fonds de solidarité jeune de 1000 milliards Fcfa, un fonds mis en place par le gouvernement et faire le point sur les préparatifs des Etats généraux de la jeunesse du Cameroun 2021.

Selon les informations relayées par un collaborateur du président du Cnjc, il était environ 11h lorsque le gouverneur est arrivé à l’hôtel. Une fois installé dans un salon, le gouverneur a demandé à rencontrer l’organisateur de la conférence de presse. Les deux hommes ont eu un échange. Avant de partir, le gouverneur de la région du Centre a demandé au délégué régional de la Sûreté nationale du Centre d’entendre sur procès-verbal André Marie Dibamou. Le concerné sera conduit d’abord aux services du gouverneur puis à la délégation régionale de la police judiciaire où il sera entendu par un commissaire divisionnaire.

Une source contactée à la Division régionale de la police judiciaire explique que le mis en cause a été présenté devant le procureur de la République près le tribunal de première instance de Yaoundé centre administratif le 1er novembre 2021. Il a été renvoyé en cellule pour compléments d’enquête. « On lui reproche notamment d’organiser les rencontres au nom du Conseil national de la jeunesse alors qu’il n’a pas cette qualité », ajoute notre source.

Depuis plus de cinq mois une crise secoue le Conseil national de la jeunesse et a conduit à la création d’une faction dissidente dirigée par André Marie Dibamou. Dans ses multiples sorties médiatiques, ce jeune ne cesse de décrier la prise en otage de la jeunesse camerounaise par le système dirigeant. Des prises de position qui lui ont valu à plusieurs reprises le recadrage du ministre de la Jeunesse et de l’Education civique. André Marie Dibamou a pris part en octobre 2021 à Montpellier au dernier sommet Afrique France. André Marie Dibamou dénonce le non-respect de ses droits pendant son arrestation. Il dit ne pas être notifié de sa garde à vue jusqu’à présent et affirme n’avoir pas été entendu en présence de son avocat. Il affirme être otage des dirigeants à cause de ses opinions. Des méthodes souvent pratiquées dans le passé.

L’interdiction de conférence de presse par les autorités administratives est une pratique courante dans la ville de Yaoundé. En 2015, une conférence organisée par Jean Marc Bikoko dont l’objectif était de parler de la transition politique au Cameroun avait été interdite par le sous-préfet de Yaoundé 2ème. Les organisateurs ont été interpellés et placés en garde à vue administrative dans les locaux du Groupement mobile d’intervention N°1 de Yaoundé. Les organisateurs de cet atelier ont été traduits devant la barre pour trouble à l’ordre public et n’ont toujours pas été jugés. Le directeur de publication de Germinal concepteur de la Grande palabre (Conférence de débat sur l’actualité socio-politique du Cameroun) a voulu organiser une réunion publique en 2015. Le sous-préfet de Yaoundé 1er a pris une décision pour interdire cette réunion publique qui portait sur : « Institutions démocratiques, libertés, gouvernance économique et sociale : quelles perspectives pour le Cameroun ».

Après l’interdiction du débat, le Dp de Germinal a fait ainsi parvenir au sous-préfet un recours gracieux. Face au silence de l’autorité administrative, le Dp de Germinal a formé un recours contentieux devant le tribunal administratif de Yaoundé. Cinq années après, le tribunal s’est prononcé sur sa compétence pour juger cette affaire au cours de laquelle l’Etat du Cameroun a été débouté. Ces actes des autorités administratives violent l’article 20 de la déclaration universelle des droits qui précise : « Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association ».

Jean Marc Bikoko, point focal de la coalition « Tournons la page », une plateforme qui milite en faveur de la transition politique pacifique au Cameroun affirme que toutes les réunions pacifiques organisées par les organisations qui remettent parfois en cause la gestion des autorités publiques sont toujours réprimées par les autorités administratives et forces de l’ordre. Il soutient que le bicéphalisme existe pourtant dans plusieurs associations mais lorsque celles-ci ne critiquent pas les dirigeants, elles peuvent tenir des réunions publiques sans que les organisateurs en soient inquiétés.

Selon Jean Marc Bikoko, cette attitude est contraire à la réglementation sur les réunions publiques qui restent sous le régime d’une simple déclaration auprès de l’autorité administrative. Un responsable des services du gouverneur contacté affirme qu’André-Marie Dibamou parle au nom d’une organisation sans qualité. Selon lui, c’est pour cette raison que sa conférence de presse a été interdite.

Source: Le Jour n°3540