Le dernier jour d’un condamné. C’est comme cela que l’on pourrait résumer les dernières années d’Yves Michel Fotso en liberté. Comme dans l’ouvrage de Victore Hugo paru en 1829, c’est un homme qui décrie une tragédie qui se profile à l’horizon. Un avenir incertain, qui suscite la peur. Des souffrances en perspectives qui font perdre au fils du milliardaire de Bandjoun toute sa lucidité.
Il s’agit de lettres adressées au couple présidentiel en octobre et novembre 2008. Soit deux ans avant son arrestation. Il réclamait la remise de son passeport. Ce passeport lui avait finalement été restitué. Il avait promis de s’en aller. Il voulait s’installer à Singapour. Il organisa d’ailleurs une fastueuse cérémonie d’aurevoir dans sa sublime résidence de Bandjoun. Mais il refusa de partir. Il refusa de fuir. Frank Biya, le fils du président, dont il était un ami était intervenu en sa faveur auprès de son père. Le destin aura finalement eu raison de lui. Les geôles de cette prison qu’il redoutait se sont ouvertes…. Il y a passé 10 ans mais ne s’y trouve plus.
Voici des confidenes inédites
Le 28 avril 2008, au moment où Conseil d’Administration de la CBC à Douala, l’immeuble siège de sa Banque à Douala a été encerclé par des forces de l’ordre, comme dans un film hollywoodien, les caméras des chaînes de télévision retransmettent l’évènement en direct. Son passeport lui ait retiré. Six mois après, le 28 octobre 2008, Yves Michel Fotso adresse une correspondance à Paul Biya avec pour objet : « Demande d’intervention aux fins de restitution de mon passeport ».
Il parle de « Quatre affaires successives devant la police judiciaire, une commission rogatoire exécutée dans le cadre d’un affaire pendante en Suisse, impliquant les actes posés en qualité d’Administrateur Directeur général de la Camair » qui justifient le retrait de son passeport et estime qu’il ne peut pas se défendre.
L’homme d’affaire ajoute : « j’ai porté à la connaissance des enquêteurs de la justice et autres autorités compétentes, plusieurs dizaines de milliers de pages d’informations bien documentées sur les preuves de mon innocence et dont la véracité ne souffre d’aucun doute, je demeure fort malheureusement interdit de sortir du territoire camerounais malgré plusieurs demandes formulées dans ce sens. Notamment les 3 mai, 13 juin et 6 octobre 2008 et pour lesquelles nul n’a daigné me répondre, malgré toutes les garanties de disponibilité et de bonne foi présentées ».
Puis, il justifie les raisons pour lesquelles il sollicite le président en ces termes : « S’il m’a paru nécessaire aujourd’hui de vous saisir personnellement à fin de solliciter – comme vous l’aviez déjà fait par le passé en 2006 – la très haute intervention du premier magistrat du Cameroun et ultime rempart contre l’arbitraire que vous êtes. C’est que le citoyen bafoué dans ses droits, le fidèle serviteur meurtri et humilié une fois de plus ne compte plus que sur votre juridiction magnanime pour mettre fin à son calvaire ». Ce n’est pas tout.
Par la suite, il plaide son innocence : « je puis vous assurer, Excellence Monsieur le président de la République, que je n’ai jamais abusé de la confiance dont vous avez bien voulu m’honorer, ni détourné quelque ou denier public que ce soit, encore moins bénéficié d’un enrichissement personnel au détriment de la Camair tout au long de l’exécution de ma mission à la tête de cette société. De même, le passeport qui m’a été retiré est le seul document de voyage que je possède, n’ayant jamais sollicité aucune autre nationalité, ni eu l’intention de me soustraire à mes responsabilités. Que m’est-il donc reproché ? Probablement d’avoir été à l’endroit qu’il ne fallait pas au moment non indiqué ! », écrit-il avant de réclamer la magnanimité du chef de l’Etat. Mais ce courrier restera sans suite pendant une près d’une dizaine de jours.
Le 10 novembre 2008, il adresse une autre lettre à la présidence avec le même objet mais cette fois à Chantal Biya. Il se dit meurtri et ajoute : « En effet, dans la solitude, l’abandon et le désespoir extrême qui m’habitent en ce moment, je me permets de solliciter en ultime recours votre très haute intervention auprès du chef de l’Etat en vue d’obtenir que mon passeport qui a été retiré par la police il y a sept mois, me soit restitué ». Il explique à la première dame en un paragraphe ses déboires et les raisons pour lesquelles il est sous enquête policière en mentionnant l’albatros.
Avant de conclure cette lettre de deux pages, relativement plus courte que celle adressée à Paul Biya, Yves Michel Fotso écrit : « Excellence, Madame Chantal Biya, vous êtes la mère de la Nation, la mère chérie de tous les camerounais pour son sens élevé de la justice et l’amour de la vérité. C’est à ce titre là et en tant que citoyen désespéré, au bord de la déprime que je sollicite votre intercession auprès de votre illustre époux, son excellence Monsieur le président de la République pour que l’injustice dont je suis victime soit réparée. Je ne comprends plus ce qui m’arrive ; Je ne comprends pas pourquoi certaines autorités de ce pays s’acharnent tant à me détruire. Quel crime aurai-je donc commis qui aurait mérité ce traitement, ce supplice, ce déchaînement de tant de haine de la part de certains collaborateurs du chef de l’Etat ? Vous êtes, chère maman, mon dernier recours. Si vous m’abandonnez, alors je comprendrais que c’est mon destin qui est ainsi écrit en lettre de haine et que c’est le bon Dieu qui en aura ainsi décidé pour moi. Je n’aurai donc plus aucune raison de continuer à me battre et, avec le peu de force et d’énergie qui me reste, je n’aurai plus qu’à prier pour que la fin ne soit ni trop longue, ni trop douloureuse ».
Quelques jours plus tard, son passeport lui sera restitué. Son père Fotso Victor est également intervenu. Il devait partir. Plusieurs personnalités y compris dans l’entourage du chef de l’Etat lui ont demandé de s’évader. Il a voulu, hésité, mais est finalement resté. Il sera finalement arrêté le 1er décembre 2010.