Jusqu’où ira Paul Eric Kinguè dans sa quête effrénée de la réparation des préjudices qu’il a subis injustement durant les huit ans de son enfermement ? La question mérite d’être sur la table au moment où l’ex-prisonnier multiplie des sorties médiatiques tonitruantes. D’abord avec le quotidien Le Messager qui lui a consacré quatre pages de sa rubrique bien connue «Parole majeure» ensuite les antennes de Canal 2 international où Paul Eric Kinguè a été l’invité de Rodrigue Tongue au cours de 90 minutes de hard interview, dimanche 11 juin 2017. Au menu de ces différents entretiens, outre sa candidature à la présidentielle de 2018 sous la bannière du Mouvement patriotique pour un Cameroun nouveau (Mpcn), formation politique née du Parti pour un Cameroun nouveau (Pcn) lequel se définit comme un adversaire irréductible du Rdpc. En bonne place l’épineuse question du strict respect par l’Etat du Cameroun des décisions du Comité des droits de l’Homme de l’Onu. Cette instance onusienne avait donné 180 jours au Cameroun pour payer 7 milliards Fcfa à Paul Eric Kinguè. L’Etat du Cameroun a donc été sommé par le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies d’accorder à Paul Eric Kinguè, une réparation intégrale, un recours utile et une indemnisation adéquate correspondant au préjudice subi. Une décision prise au cours de la 118eme session ayant siégé du 17 octobre au 4 novembre 2016.
Dans les trois affaires, pour lesquelles Pek a été poursuivi, l’ex-prisonnier avait sollicité une réparation estimée à 23 milliards Fcfa. Le Cameroun ayant ratifié le protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, est tenu de se conformer à cette position définitive prise par la plus grande instance juridictionnelle des Nations-Unies en matière de droit de l’Homme. Les sanctions encourues par l’Etat du Cameroun peuvent aller à l’isolement diplomatique et international du pays jusqu’à l’interdiction de survol de certains territoires internationaux sans compter des saisies des comptes bancaires appartenant à l’Etat du Cameroun. Autant dire que pour cette « affaire PEK », le Cameroun est dans l’œil du cyclone. Le cas de Michel-Thierry Atangana Michel-Thierry Atangana a passé 17 ans dans une cellule du Secrétariat d’Etat à la Défense à Yaoundé. Nommé en 1994 à la tête du Copisur par le chef de l’Etat pour trouver des financements à la réalisation d’infrastructures routières, cet expert financier français est arrêté en 1997 et condamné sans jugement à 15 ans d’emprisonnement, au motif fallacieux de détournement de fonds publics. En 2008, l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction ne change rien à sa situation. Pire, après l’appel en 2009 de la chambre de contrôle de l’instruction, Michel Thierry Atangana est condamné à nouveau à 20 ans d’emprisonnement en 2012. Suffisant pour susciter l’attention des organisations de défense des droits de l’Homme et du groupe de travail de l’Onu sur la détention arbitraire qui, après 3 années d’enquêtes, concluent à une détention arbitraire. L’avis du groupe de travail est sans équivoque. Michel-Thierry Atangana a été « sanctionné pénalement pour des dettes d’argent ». L’Etat du Cameroun doit aux entreprises françaises et américaines chargées de la construction des routes du Copisur, pas moins de 278 milliards FCFA selon les conclusions des enquêtes du délégué général à la Sûreté nationale, ordonnées par le chef de l’Etat en 2012. «Prisonnier politique » selon le département d’Etat américain et Amnesty international, « détenu arbitrairement » au Sed selon l’Onu, Michel-Thierry Atangana est libéré en février 2014, à la suite d’un décret du chef de l’Etat.
Cette libération n’a pas pour autant mis fin à ses souffrances. Depuis trois ans, il court toujours après sa réhabilitation et son indemnisation telles que recommandées par le groupe de travail de l’Onu sur la détention arbitraire. Ses comptes sont toujours bloqués, ses biens immobiliers aussi. Michel-Thierry Atangana végète. Pourtant, impossible de deviner sur son visage sans âge, les stigmates de ces années d’enfermement, de brimades, d’humiliation. Faute d’exercices, ses pieds ne le portent plus sans béquilles. Son dentiste s’est ému à la lecture de ses radios dentaires. « Comment est-ce arrivé ? » lui a demandé le médecin. « J’ai passé 17 ans à l’ombre », a répondu le patient. Opposant politique Michel-Thierry Atangana reste un homme debout, mais cassé. On se serait attendu à ce que cet homme de 53 ans arpente les couloirs des radios et chaines de télévisions occidentales et camerounaises à l’image de PEK, pour fustiger les responsables de cette ignoble situation. Qu’il utilise les réseaux sociaux pour cracher son venin sur ceux-là qui ont bâti leurs carrières sur ses souffrances, ceuxlà qui lui ont imposé une cave comme cachot à Yaoundé. Ceux-là qui continuent malgré tout, contre vents et marées, à bloquer ses comptes, à œuvrer pour l’alourdissement de la dette de l’Etat du Cameroun vis-à-vis des entreprises du consortium. Avec le recul, Michel-Thierry Atangana n’a gardé rancune contre personne. Il a choisi de donner un sens à sa vie en menant un combat obsessionnel contre la détention arbitraire. Il voyage à travers le monde, multiplie les rencontres pour partager sa vision d’un monde de paix, de justice. Il connaît les couloirs de l’Elysée où, avec ses soutiens, il porte sans relâche son dossier résumé en 174 pages. Bien que souffrant, il a décidé de ne s’attaquer ni à l’Etat du Cameroun, ni aux individus. A ceux qui lui reprochent cette passivité, cette nonchalance vis-à-vis du pouvoir de Yaoundé, il répond avec emphase « Je dois la vie au chef de l’Etat. Là où j’ai passé 17 ans, son coup de tête aurait suffi pour que mes geôliers mettent un terme à ma vie » Il attend et espère que le chef de l’Etat ne s’arrêtera pas en si bon chemin, en mettant en œuvre les conclusions du groupe de travail interministériel créé depuis février 2016 pour plancher sur la question de son indemnisation. N'avait-il pas reconnu en 2013 au sortir de l'Elysée que Michel Thierry Atangana «n'est pas son opposant politique. Il le connaît dans les dossiers» ?